De célèbres chefs-d’œuvre réactualisés à travers un regard inclusif et féministe

De célèbres chefs-d’œuvre réactualisés à travers un regard inclusif et féministe

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© Studio Iconographia

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Par Julie Morvan

Publié le

Les photos du Studio Iconographia repensent l’histoire de l’art avec un female gaze lumineux.

Des peintures aux allures hyperréalistes. Ou bien l’inverse, des photographies que l’on croirait peintes. Les œuvres du Studio Iconographia interpellent autant qu’elles intriguent. Ce studio de direction artistique s’inspire de l’histoire de l’art pour l’enrichir d’un regard féministe.

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Le duo derrière cette initiative est composé de deux chercheuses en histoire de l’art et valorisation du patrimoine : Ârmane, la directrice artistique, et Clémence, la photographe. Leur compte Instagram constitue une véritable galerie d’art en ligne, riche de créations photographiques et de références picturales expliquées en détail. Dessus, on découvre les biais des représentations d’icônes féminines dans l’art occidental.

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Dénoncer un manque de représentation

“Vénus chrétienne, prétexte à la représentation d’une femme lascive, sainte et putain, son image est le fruit d’une tradition patriarcale qui projette sur les femmes un idéal inatteignable et contradictoire”, peut-on ainsi lire à propos de Marie-Madeleine. “On voulait montrer l’absurdité de cette figure féminine, une création de l’Église sur laquelle on colle toutes les étiquettes”, avance le duo créatif.

Sur ces photographies, les icônes féminines reprennent le pouvoir, s’affranchissant du male gaze. Leurs corps sont nus, sans être sexualisés. Les modèles sont blanches comme racisées, pour questionner l’absence de représentation dans les standards de beauté occidentaux classiques.

Car ce projet part d’un triste constat : les figures féminines, qu’elles soient peintres ou peintresses (comme Artemisia Gentileschi), sont trop souvent absentes de tout corpus artistique. Ârmane et Clémence ont toutes deux étudié à la prestigieuse École nationale des chartes. L’une s’est spécialisée dans l’histoire numérique de l’histoire des arts, l’autre dans la conservation et la valorisation de la photographie.

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Au terme de leurs études, même résultat : “En finissant le cursus, on connaissait trois peintresses.” Elles déplorent par exemple l’invisibilisation totale des femmes dans l’ouvrage Histoire de l’art d’Ernst Hans Gombrich, la bible de tou·te·s les étudiant·e·s en histoire de l’art. “C’est trop gros pour être un hasard.”

Apporter un enseignement sur Instagram

Pour éduquer le grand public au pan créatif féminin jusque-là laissé de côté, elles se sont donc intéressées à Instagram. Le réseau social représente pour elles la meilleure façon de délivrer un discours didactique et dynamique.

“L’histoire de l’art a une réputation très élitiste, réservée à une partie de la population”, expliquent Ârmane et Clémence. “Alors que les réseaux sociaux sont universels, tout le monde y est. La photographie est un médium fédérateur, qui parle à tou·te·s, et on s’est dit que c’était le meilleur moyen de faire découvrir des tableaux.”

Interprétation de l’Autoportrait en allégorie de la peinture, d’Artemisia Gentileschi. (© Studio Iconographia)

“On fait tout de A à Z”

Chaque séance photo se déroule selon trois étapes : la préparation en amont, la prise de vue, puis la retouche. Le duo commence par regrouper un corpus iconographique et bibliographique. Elles ébauchent des croquis, travaillant les photographies de la même manière que les tableaux. Pour la prise de vue, chaque accessoire est conçu à la main : “On fait tout de A à Z”, s’amusent Ârmane et Clémence. Couture pour les vêtements et les matières, peinture pour les fonds, bricolage…

Puis l’étape indispensable, celle de la retouche, apporte cet aspect si singulier aux clichés : “On travaille beaucoup les lumières, le contraste, le côté très surréaliste, très exagéré.” Inspiré par le traitement de la lumière des œuvres du XVIIe siècle et du clair-obscur caravagesque, le binôme confie aussi se référer à la Renaissance, l’impressionnisme, la peinture flamande ou encore le préraphaélisme. De riches références au service d’un discours militant et féministe, que les deux amies comptent un jour réunir dans un manuel d’histoire de l’art.

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