Dans ses œuvres sensibles, Amani Lewis reprend le pouvoir sur le discours dominant

Dans ses œuvres sensibles, Amani Lewis reprend le pouvoir sur le discours dominant

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© Amani Lewis/LGDR

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Par Lise Lanot

Publié le , modifié le

Des œuvres intuitives qui racontent l’amour, l’espoir, la communauté et conjurent l’instabilité de l’époque.

Ce sont les proches d’Amani Lewis qui peuplent ses toiles faites de multiples couleurs et supports. Sur ses grands formats, on rencontre “sa compagne Gabby, son cousin Ethan et son ami, le galeriste de Miami Jumaane N’Namdi”, présente la galerie LGDR qui lui consacre sa première exposition européenne.

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À travers ses œuvres, Amani Lewis rend hommage aux personnes qui représentent ses “piliers” de vie, à sa communauté et à l’esprit de communauté de façon générale. Son travail est une façon de réécrire une histoire qui a toujours mis de côté les personnes noires et les minorités.

Rico Among the Blossoms, 2022. (© Amani Lewis/LGDR)

“Mon but est de réimaginer les mécanismes utilisés par les médias, un outil géré par des gens qui n’ont que faire de la profondeur de nos histoires, et d’améliorer les perceptions que mes modèles ont de leur propre image, leur pouvoir, leur relation à la ville [de Baltimore]. […] En tant qu’artiste, je reprends le pouvoir”, détaille l’artiste originaire du Maryland sur son site.

Créer pour l’éternité

Remplies de reconnaissance, d’amour et d’espoir pour le futur, les œuvres d’Amani Lewis sont lourdes d’une certaine noirceur. Celle de devoir remettre en lumière des personnes oubliées ainsi que la peur du temps qui passe, des gens qui meurent, du bonheur qui flétrit : “Je pense aux gens que j’ai peur de perdre. Je ne veux pas qu’ils disparaissent – je veux les commémorer, les immortaliser dans mon travail. Si je venais à les perdre, je saurais qu’ils sont là, dans cette œuvre.”

When all is lost, who do you run to?, 2022. (© Amani Lewis/LGDR)

Si les œuvres racontent des histoires intimes, elles fourmillent, dans le fond et dans la forme, de couches de narration. D’un point de vue purement formel, la figuration tend vers l’abstraction grâce aux procédés utilisés par l’artiste. Iel part de photographies modifiées, saturées et colorisées de façon “intuitive”, avec “rythme et raison”, détaille-t-iel chez Ocula. Chaque œuvre est un trésor de mariages, associant photographie, collage numérique, peinture, impression sur toile et paillettes (une de ses signatures).

Ces œuvres composites reflètent également les maux de notre époque, une période “instable” et “marquée par le tumulte et la tragédie, qu’il s’agisse de la pandémie, des violences armées, du racisme et des atrocités faites aux droits humains”. Les différentes histoires mises en lumière permettent de conjurer le sort, de “refuser les divisions actuelles” et de montrer “l’importance du collectif face aux bouleversements culturels et politiques”.

A love like this cannot be replicated, it’s you and I ’til the end, 2022. (© Amani Lewis/LGDR)

Malgré la lourdeur des sujets vécus et évoqués, Amani Lewis insiste pour créer des œuvres scintillantes et colorées. Un parti pris qui refuse le misérabilisme et convoque le travail de Gordon Parks, qui, “dans les années 1940-1970, a transcendé dans ses clichés la condition des populations africaines-américaines en capturant des moments de joie et d’intimité plutôt que la violence et l’oppression”, décrit la galerie.

La volonté de montrer la puissance du sentiment d’appartenance imprègne toutes les œuvres d’Amani Lewis, qui partage “20 à 30 % des bénéfices” avec ses modèles et collaborateur·rice·s. De la création de ses toiles à leur exposition et leur vente, son travail est un environnement sûr, exprimé notamment par “les vastes champs de couleurs et de fonds scintillants [qui entourent ses modèles et expriment] le sentiment de sécurité et le besoin d’être et de se sentir protégé·e au sein de sa communauté”. Exposés, les tableaux et leur grande taille invitent le public à protéger ses prochain·e·s et se protéger soi-même.

They call him Los, 2022. (© Amani Lewis/LGDR)

The woman who changed my life, showed me my power and light. She called me a Shepherd to the Shepherds. I knew exactly what that would mean, 2022. (© Amani Lewis/LGDR)

L’exposition “It’s from the light that we are found, blessed and guided” d’Amani Lewis est à voir à la galerie LGDR, à Paris, jusqu’au 19 novembre 2022.