Une personne qui marche dans la rue, c’est peut-être le sujet de photo le plus classique et le plus abordable. Pourtant, il n’est pas si facile de rendre ces clichés de rue intéressants. Tout se joue en une seconde, il faut la bonne personne au bon endroit. C’est dans ces détails que se joue tout le travail de Jose Toro, photographe qui enseigne cette discipline à Séville, en Espagne. Sur son compte Instagram, il distille depuis quatre ans ses fascinants clichés à ses 88 700 abonnés.
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Parfois drôles, cocasses, d’autres fois poétiques, ses photos de passants sont souvent graphiques. Elles fonctionnent avec un même schéma qui se répète pour des résultats différents : un personnage qui trace sa route, de profil, vu du trottoir d’en face. En fond, des murs colorés, des devantures de magasins à l’ancienne, ou des fresques de Vierge en carreaux de céramique.
© Jose Toro
Le passant et Séville
Il y a toujours deux protagonistes sur la photo : le passant et Séville. Pour les marcheurs, des bonnes sœurs, des dames endimanchées et des messieurs costumés, des Sévillanes en robes de flamenco ou des travailleurs pressés. L’autre sujet, c’est la ville andalouse, toujours présente à travers ses ruelles colorées, ses églises imposantes, ses arènes aux couleurs du drapeau ibérique, sa Plaza de España. Jose Toro travaille dans la même ville qui l’a vu grandir. Pour lui, Séville est sa maison :
“Quand on passe autant de temps dans le même lieu, on développe un aveuglement face à son environnement. […] Quand on doit faire les images dans les mêmes endroits, on doit les capturer chaque jour de manière différente, pour que ça puisse nous surprendre. De cette manière, ça nous oblige à être un touriste permanent, à se libérer de plein de clichés.”
C’est dans ces ruelles qu’il retourne chaque jour, presque toujours à la même heure, tôt le matin, pour trouver ces personnages et faire se rencontrer l’ombre et la lumière. Le photographe ne cherche rien de précis, il se balade, et se concentre pour trouver des instants à immortaliser. Il aime voir “comme la vie dans la rue s’écoule, s’y perdre, et en un instant se trouver à l’endroit avec la personne parfaite, en sachant que tu as une seconde pour faire la photo, [seconde] qui ne se répétera jamais.”
© Jose Toro
“Une manière de bouger, une couleur, une lumière”
Ces photos donnent, en effet, l’impression d’un arrêt dans le temps, comme si le marcheur avait été posé à ce lieu précis, où tout s’aligne. Souvent, le passant est seul, aucun autre détail ne vient gâcher le moment. Les personnages ont la rue pour eux et nous laissent les observer. Parfois, le point de vue joue avec le personnage et le fond, comme avec ce monsieur âgé qui semble prendre la même pose courbée que la mannequin d’une grande publicité derrière lui.
Les bouquets de fleurs cachent les têtes des passants, un costume sorti du pressing semble se balader tout seul. Les blouses colorées des femmes s’assortissent avec les stores peints des magasins. Jose Toro n’a pas de méthode particulière pour capturer ses passants. “Je ne sais pas pourquoi je choisis les personnages que je photographie, je n’ai pas le temps de me poser la question, ils me transmettent quelque chose immédiatement, une manière de bouger, une couleur, une lumière.”
© Jose Toro
Des promeneurs du monde entier
Voilà six ans que l’artiste se concentre sur la photo de rue. “Je voulais faire de la rue mon studio où je pourrais avoir une infinité de moments pour réaliser mon travail, toujours pareil mais toujours différent”, explique Jose Toro. Un travail quotidien qu’il considère comme un grand autoportrait : “Je peux reconstruire ma vie à travers les images des passants.”
Impossible pour lui de photographier les marcheurs d’autres rues que celles de sa ville d’origine. Jose Toro veut rester sur quelque chose qu’il connaît, qu’il peut approfondir. Quand il voyage, il se dit aveuglé par le lieu, n’arrive pas à aller plus loin et ne fait quasiment pas de photos. Pour le reste, il a toujours son deuxième compte “Jose Toro Walkers”, sur lequel il publie les photos des internautes qui s’inspirent de sa méthode.
“Quand j’ai commencé mon premier compte, les gens m’envoyaient des photos de passants dans le monde, et me taguaient dans leurs photos”, se souvient-il. Aujourd’hui, il comptabilise 23 000 contributions à travers ce hashtag, venues de France, du Sri Lanka, des Pays-Bas ou du Canada. Une fierté immense pour Jose Toro, qui peut ainsi observer les passants du monde entier depuis sa chère ville andalouse.
© Jose Toro
© Jose Toro
© Jose Toro
© Jose Toro
© Jose Toro
© Jose Toro
© Jose Toro
© Jose Toro