L’amour que porte Bernard Cantié à la Corse est solidement enraciné en ses terres. Bien que le photographe soit né en Tunisie, sa famille est installée sur l’île depuis plus de cinq siècles. C’est depuis la terre de ses ancêtres qu’il s’est mis à voyager, armé de son appareil photo, “depuis le pas de sa porte”, à Bastia.
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Dans la lignée du reportage photographique et humaniste du grand Sergio Larrain et de son Valparaiso, qui se plongeait et se perdait dans les rues de la ville portuaire chilienne, Bernard Cantié nous entraîne dans une virée poétique au sein de Bastia. Son livre Bastiaraiso (publié aux éditions Contrejour) présente des monochromes dont la portée dépasse la simple documentation d’une ville aimée. Ce sont des ambiances, des sensibilités que le photographe retranscrit à travers ses photos. En jouant avec les intensités de noir et de blanc, et donc de lumière, Bernard Cantié recouvre sa ville d’un voile énigmatique.
Sa maîtrise de la composition et des ajustements des profondeurs de champ met en lumière des détails qui dépassent parfois du cadre : un reflet en arrière-plan, une ombre dans un coin ou une silhouette découpée. La présence humaine se fait feutrée, dissimulée derrière un grillage, obscurcie par une ombre, un fort contraste ou un grain appuyé. Les images deviennent symboliques. Bien que l’esthétique soit particulièrement léchée, on ressent tout de même une légèreté presque enfantine.
Un voyage initiatique
L’originalité de la composition se mêle à une précision du travail sur les contrastes et la texture. Pour Polka Magazine (dont la galerie éponyme présente en ce moment une exposition dédiée au projet), il explique ne pas “comprendre” ses cadrages : “Je suis étonné que ça plaise. J’essaie juste de faire ma part de vigilance, ma petite part de résistance, en prenant quelques petites photos de ce qui me paraît grand et essentiel.”
L’exposition “Bastiaraiso” fait figure de voyage initiatique, géographique et intime. Peu importent finalement les paysages, la mer, les habitants, quand on voit un tel sanctuaire. Bernard Cantié définit d’ailleurs la photo comme “une course dans le passé” : “Ce n’est pas un moyen de communiquer, c’est un chemin initiatique, une chance, un médicament.” Si la démarche est introspective, elle n’en reste pas moins inclusive, et en ce sens, les images de Cantié sont particulièrement puissantes, elles qui portent les marques de l’enfance, de la quête et de l’exil.
Le livre de Bernard Cantié, Bastiaraiso, est disponible aux éditions Contrejour. La Polka Galerie consacre une exposition à l’artiste du 30 juin au 29 juillet 2017.