Au Brésil, le quotidien des prostitués et marginaux documenté dans les années 1980

Au Brésil, le quotidien des prostitués et marginaux documenté dans les années 1980

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© Miguel Rio Branco/Magnum Photos

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Par Lise Lanot

Publié le

Le photographe brésilien Miguel Rio Branco était à la recherche du beau dans la souffrance.

Miguel Rio Branco a beaucoup voyagé dans son enfance, entre le Portugal, la France, la Suisse et New York, où il a étudié la photographie. À son retour dans son pays natal, en 1968, pour deux ans d’abord, il entame son exploration personnelle du médium photographique. Ce n’est alors pas la technique qui prime pour lui, mais les émotions, qu’il souhaite raconter en images.

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Le musée parisien Le Bal concentrait l’exposition qui lui était dédiée à ce laps de temps, mettant en lumière une centaine de ses œuvres les plus poignantes. Fils de diplomates, Miguel Rio Branco s’est intéressé aux personnes marginales, laissées-pour-compte, et à leur quotidien, sans voyeurisme.

Salvador de Bahia, 1984. (© Miguel Rio Branco/Magnum Photos)

En 1979, il vit à Salvador de Bahia, à l’est du Brésil. Il arpente le quartier du Pelourinho au moins deux fois par semaine, raconte-t-il. C’est alors “le quartier des prostitués, [laissé] à l’abandon”, précise un des deux commissaires d’exposition, Alexis Fabry. “Salvador, c’était la première capitale du pays, un endroit très beau qui était en ruines avec des gens qui étaient ruinés également donc il y avait un travail très beau à faire sur le temps, sur les marques, sur la résistance des gens”, se remémore l’artiste.

Porter attention sur l’invisible

C’est ainsi que débute, de façon peut-être insidieuse au départ, son travail sur les blessures et cicatrices, qu’elles soient visibles ou invisibles. Il porte son attention sur les marques des corps, des regards et sur les murs. Son appareil photo lui permet de tenter de sublimer et réparer ce qui est abîmé.

Cet intérêt est intensifié à travers son usage de la couleur – lui qui est un des premiers à la travailler, tandis que ses compatriotes utilisent le noir et blanc. Souvent, une couleur “envahit l”image”, tel que le note Alexis Fabry, à l’image des blessures que Miguel Rio Branco immortalise. 

Salvador de Bahia, 1979. (© Miguel Rio Branco/Magnum Photos)

Le photographe ne part cependant pas en enquête sociologique dans ces quartiers délaissés : ce sont les habitant·e·s du quartier qui lui demandent leurs portraits (et qui, souvent, les conservent). Il parle alors d’un “véritable échange” visant à rendre hommage à ces personnes qu’il est plus facile de ne pas voir. Ce n’est pas sur la pauvreté ou les maladies qu’il braque son appareil, mais sur la solitude, la perte de repères ou, au contraire, des rires partagés sur un bout de trottoir, des mouvements de capoeira au milieu d’une route. 

Des images cinématographiques

Ses premières amours photographiques ont laissé place à des œuvres contemporaines et multimédias. C’est la première fois qu’une exposition est organisée autour de ses photographies uniquement. Les images choisies rendent également compte de ses pratiques de peintre et de cinéaste, à travers ses aplats de couleurs, sa gestion de la lumière, des formes et ses compositions, qui transforment certaines de ses photos en scènes de film.

Salvador de Bahia, 1979. (© Miguel Rio Branco/Magnum Photos)

Miguel Rio Branco est friand de scènes fragmentaires, de gros plans et de découpes, avec toujours à cœur la primauté de l’esthétique sur le reste. Il joue sur ce qu’il donne à voir, montrant des corps en mouvement flous au premier plan ; des arrière-plans nets, signifiant l’importance du décor. Il omet ostensiblement les visages. Ses rencontres promènent son appareil photo des rues aux salons et chambres de ses modèles, qui lui ouvrent leur intimité.

Ces œuvres, comme un voyage sensible bien plus que touristique, étaient exposées dans de magnifiques tirages d’origine au Bal. L’exposition présentait également des images prises dans le Nordeste, auprès de chercheurs d’or, et au Mexique.

“Mona Lisa”, Luziânia, 1974. (© Miguel Rio Branco/Magnum Photos)

Salvador de Bahia, 1979. (© Miguel Rio Branco/Magnum Photos)

Rio de Janeiro, 1979. (© Miguel Rio Branco/Magnum Photos)

Salvador de Bahia, 1979 (© Miguel Rio Branco/Magnum Photos)

Salvador de Bahia, 1979 (© Miguel Rio Branco/Magnum Photos)

Mexique, 1985. (© Miguel Rio Branco/Magnum Photos)

Mexique, 1985. (© Miguel Rio Branco/Magnum Photos)

L’exposition “Miguel Rio Branco. Photographies 1968-1992” était à voir au Bal.