Après des mois de persécutions de la part du réseau social, la communauté de l’art des mèmes sur Facebook a créé un collectif, la Meme Alliance, et s’est mise en grève.
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“Entre le 28 et le 30 septembre, Facebook va devenir un endroit encore plus chiant que d’habitude.” Depuis 24 heures, le réseau social paraît effectivement un peu plus vide, un peu moins bordélique, comme si quelque chose manquait. De fait, quelque chose est absent : les mèmes. Après des mois de cache-cache entre les équipes de Facebook et les pages de production de mèmes les plus populaires du réseau, celles-ci ont décidé de contre-attaquer pour de bon en se mettant tout simplement en grève. Plus de mèmes. Fini. Nom de code de l’opération : #Zuxit.
Pour comprendre les tenants et aboutissants d’un bras de fer idéologique inédit dans l’histoire du réseau social, revenons un peu dans le temps. Comme le relate fidèlement le Daily Dot, cela fait maintenant plusieurs mois que les administrateurs et communautés des plus grosses pages de mèmes anglo-saxonnes (comme par exemple Nihilist Memes), sont la cible d’une politique de modération agressive, pour ne pas dire abusive, de la part de Facebook. Suppressions pures et simples sans avertissement, séries de hacks incompréhensibles, dissensions internes… cet été, l’écosystème du LOL a tremblé sur ses bases.
En août, les administrateurs excédés ont commencé à répliquer, d’abord en harcelant la Federal Trade Commission (FTC) — le gendarme de la consommation américain — pour se plaindre de la politique de modération de Facebook, arguant que le réseau s’obstine à supprimer une image d’oie (faussement) enflammée tandis que prolifèrent les pages racistes et gore. Une initiative restée lettre morte. Alors que les suppressions arbitraires continuaient, la communauté du “Weird Facebook”, le maquis du réseau social, a donc décidé de radicaliser sa lutte. La croisade était désormais inévitable.
Du “Zuckening” au “Zuxit”
Le 26 août, la deuxième salve est lancée : #TheZuckening. Cette fois-ci, la guilde nouvellement formée s’attaque directement à la page du fondateur de Facebook en la signalant pour l’accuser de toute une flopée de délits en ligne, allant du légitime (abus de pouvoir) au farfelu (incitation à l’automutilation). Un geste avant tout symbolique, les membres du Weird Facebook reconnaissant “qu’on ne peut pas zuccer le zucc” (sic). Car oui, “zucker”, parfois orthographié “zuccer”, est désormais un verbe à part entière dans la langue de Kanye West, qui désigne la suppression arbitraire et soudaine d’une page Facebook par son autorité suprême.
Après l’échec du Zuckening, il n’y avait plus d’autre solution que la grève pure et simple : la Meme Alliance, premier syndicat du LOL, était créée, l’opération #Zuxit lancée et la bannière — le “F” de Facebook à l’envers, dans un carré rose — érigée. Pendant 48 heures, la planète du mème allait s’arrêter de tourner. Black-out.
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Vous trouvez ça dérisoire? Combinées, ces 100 pages de mèmes débiles, gérées par 175 créateurs, pèsent plus de 20 millions de fans et “environ cent millions de reachs”, soit un utilisateur Facebook sur dix. Suffisant pour produire un effet de levier plus significatif que la majorité des campagnes en ligne internationales. Et leurs revendications, alors ? Attention, on nage en plein océan de sarcasme :
“Nous réclamons justice pour les pages que Facebook a injustement supprimées, et nous réclamons de savoir pourquoi d’autres pages, au contenu plus discutable, sont autorisées à rester en ligne.
Facebook ne pourra éviter cette calomnie que d’une seule façon : en re-publiant les pages effacées et en offrant aux administrateurs desdites pages pour 1 000 dollars de Chamallows chacun. Pas de flocons d’avoine. Si nos demandes ne sont pas satisfaites, le #Zuxit continuera comme prévu.
Pas de flocons d’avoine. Sérieusement.”
Au-delà du côté folklorique de l’initiative, la croisade du mème illustre une problématique bien plus sérieuse (et bien plus récurrente) : la recette de la modération des contenus de Facebook (qui s’est récemment engagé devant la Commission européenne à bien faire), et la nécessité d’une transparence sur ses processus de suppression de pages. Comme l’expliquent certains administrateurs de pages de mèmes contactés par le Daily Dot, le processus de signalement de contenu est ubuesque, au point de se demander si ce sont bien des humains qui s’en chargent. En arrêtant de produire des mèmes, “le contenu le plus précieux d’Internet d’un point de vue commercial”, selon l’un des administrateurs, la Meme Alliance pèse suffisamment lourd pour avoir l’attention de Facebook. Et, peut-être, rendre les rouages du réseau social un peu plus transparents.