À la poursuite des déchets sous-marins dans un web-documentaire interactif

À la poursuite des déchets sous-marins dans un web-documentaire interactif

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Troubled Waters

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Par Arthur Cios

Publié le

Quatre ans de production

Ce n’est pas le premier fait d’armes d’Isabelle Sylvestre, loin de là. Après huit ans passés chez Strip-Tease, dont elle tourna l’épisode culte “135,3 db” sur le tuning dans le nord de la France, elle dirigea plusieurs films qu’elle qualifie elle même “d’activistes”. Jusqu’à ce qu’elle se fasse contacter pour Troubled Waters.

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En fait, cela vient d’un projet scientifique européen, le Marlisco, où il y a 18 partenaires, des universitaires surtout, et des scientifiques qui travaillent sur la question des déchets. Un partenaire français m’a approché parce qu’il savait que je travaillais sur les nouvelles écritures et m’a demandé, comme c’est un projet de communication scientifique, de faire un web-documentaire. Même si c’est une question qui m’intéressait, ce n’est pas vraiment moi qui ait choisi le sujet, c’est le sujet qui m’a choisi.

Pendant deux ans donc, elle a tourné un peu partout en Europe, à la rencontre des acteurs de cet enjeu. C’est ainsi qu’elle se retrouve à courir un peu partout, en Roumanie ou en Italie :

J’avais une excellente assistante et on a pris un an pour faire les recherches. Mais il y avait des suggestions de nos partenaires déjà. L’un d’eux est basé sur plusieurs pays de nord et travaille avec des pêcheurs pour les aider à trier les déchets qu’ils remontent à la surface. On appelle cela du fishing for litter. On ne pouvait pas ne pas faire de séquence là-dessus. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

La documentariste a aussi puisé dans des souvenirs plus personnels puisqu’une partie des séquences se déroule à Marseille, où elle a vécu quelques années, également ville-clé dans la compréhension de la traite des déchets. Mais surtout, elle essaye au maximum de traiter le sujet avec ses traits de sociologue :

L’objectif numéro un du film, c’était de mettre les gens au cœur du projet, pour qu’ils se reconnaissent et pas pour les culpabiliser, au contraire, afin qu’ils s’approprient ces questions-là. Et je regrette de ne pas avoir parlé avec davantage d’industriels parce que les gens, ce sont aussi les industriels, les groupes politiques et les décideurs. Mais effectivement, le but, c’était d’amener chaque groupe social au coeur de sa propre question et sa propre problématique

Un problème également politique et économique

N’oubliant pas son passé d’activiste, Isabelle Sylvestre a tant bien que mal mis en avant l’aspect politique de la chose, en allant directement à Bruxelles, à la rencontre des eurodéputés concernés par la question :

Je suis allée voir par exemple la personne qui est maintenant l’ex-commissaire à l’environnement de la commission européenne, Janez Potočnik, un homme intelligent avec une vision. C’est un vrai écologiste et il a vraiment travaillé sur un paquet de lois qui devaient être votés en 2015 concernant les déchets… que le nouveau président de la commission européen, Jean-Claude Juncker, a décidé de jeter en entier. Avoir son avis était très important.

Néanmoins, tout n’a pas été si simple pour Isabelle. Parmi les difficultés rencontrés, celle de jongler entre libertés et contraintes de partenariats :

C’était difficile parce qu’on est entre le film de commande et la liberté d’expression, sachant que le client reste la Commission européenne, qui déborde de lobbyistes, parmi lesquels les industriels du plastique. La seule question que j’ai pu leur poser [aux industriels, ndlr] – parce qu’ils ne m’ont accordé que dix minutes – c’est “est-ce que vous ne pensez pas, vu que vous prônez la diminution du plastique dans la mer, qu’on devrait en produire moins ?” Quand j’ai dit cette phrase, ils sont tous devenus blancs et c’est comme ça qu’ils m’ont répondu “c’est la faute des consommateur, c’est pas nous“.

Un format original pour mieux atteindre son public

D’où l’intérêt de la forme. Afin de rester le plus neutre possible, le film ne s’embarrasse d’aucun commentaire afin que le spectateur se pose ses propres questions. Car si la réalisatrice ne pense pas changer la face du monde, elle reste tout du moins optimiste sur l’impact de son film et du message qu’il dégage :

J’aimerais que le film aide à la réflexion, que ça pousse les soi-disants décideurs à bouger les lignes. J’aimerais que les politiques, pour l’Europe notamment, et quelques industriels, puissent réagir. Parce qu’on aura beau ramasser toute leur camelote sur les plages, c’est quand même eux qui produisent et surproduisent les choses.
Mais au-delà de ça, on s’adresse au public le plus large possible. Si le documentaire est disponible en huit langues, c’est pour que tout le monde entende parler de ce sujet, pas uniquement les spécialistes. Ce qui explique pourquoi les sujets trop pointus ne sont pas abordés.