Wall Street planche sur des algorithmes basés sur les tweets de Trump

Wall Street planche sur des algorithmes basés sur les tweets de Trump

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Par Thibault Prévost

Publié le

La finance américaine, qui réalise que les tweets de son président ont des conséquences bien réelles sur les marchés, veut s’en servir pour spéculer.

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À plus d’un égard, et avant même d’accéder officiellement au bureau ovale, Donald Trump a déjà profondément modifié l’exercice du pouvoir présidentiel américain. Refusant les briefings quotidiens de la CIA car “trop intelligent” pour perdre son temps avec les questions de sécurité internationale, bafouant les protocoles diplomatiques en appelant à l’improviste d’autres chefs d’État le temps de conversations surréalistes, et donnant son avis à chaud sur tout et n’importe quoi sur Twitter, le président américain semble parfois inconscient des conséquences de ses actes, si triviaux soient-ils – à moins que tout ça ne soit parfaitement calculé. Ces effets sont pourtant bien réels, particulièrement sur les marchés financiers habitués à suspendre leurs cours aux lèvres des hommes d’influence.

Dernier exemple en date le 12 décembre, lorsque Trump s’en prend violemment, sur Twitter, au contrat de construction des jets F-35 de l’armée américaine, produits par le géant de l’armement Lockheed Martin : “Le programme et le coût du F-35 sont hors de contrôle. Des milliards de dollars d’achats militaires (et autres) peuvent être économisés et le seront dès le 20 janvier”, écrit le futur président, qui avait déjà critiqué Boeing au sujet du futur avion présidentiel Air Force One. Que la menace soit réelle ou non, l’action de Lockheed Martin a chuté de 4,2 % dans la foulée et tout l’index Dow Jones U.S. Aerospace & Defense perd 1,6 % – rassurez-vous, la multinationale a épongé la moitié de ses pertes dès le lendemain.

Qu’il agisse par pure inconscience ou, infiniment plus grave, en usant stratégiquement de sa parole présidentielle pour s’enrichir sur les marchés financiers (les stocks de Lockheed Martin avaient commencé à s’effondrer six minutes avant la publication du tweet), Trump, incarnation du businessman capitaliste, a désormais plus d’influence sur les marchés financiers qu’il n’aurait jamais pu en rêver. Et Wall Street l’a bien compris : aujourd’hui, rapporte Politico, plusieurs fonds d’investissement planchent sur des algorithmes qui prendraient des décisions financières (achat ou vente d’actions) en fonction des tweets du président. Et pourquoi pas, si possible, avant même qu’il ne les écrive.

Du sarcasme à plusieurs milliards de dollars

“Il y a du monde qui travaille activement à créer des algorithmes pour les tweets de Trump, et s’il continue à augmenter le volume de données disponibles, une automatisation totale apparaîtra forcément bientôt”, confirme Zachary David, analyste chez la firme de conseil Kor, à Politico. Tout en rappelant qu’un tel dispositif serait extrêmement risqué : à l’heure où Apple, Microsoft et Google s’échinent à perfectionner l’interprétation textuelle par IA, les résultats de Siri, Cortana et consorts sont encore loin d’être satisfaisants, et la marge d’erreur d’analyse trop importante. Surtout si l’IA doit faire la différence entre le sarcasme, l’ironie ou le second degré des tweets présidentiels pour prendre des décisions financières à plusieurs milliards de dollars.

Mais ces algorithmes hypothétiques ne sont pas la seule arme dont disposent les fonds d’investissement pour utiliser l’outil Trump à des fins lucratives : comme le rappelle un article de Fortune, les gérants de portefeuilles d’actions se tournent de plus en plus vers les entreprises d’analyse de prédiction des tendances, comme Gits ou Social Market Analytics, qui repèrent des “indicateurs de sentiments” pour anticiper les cours des marchés.

Depuis une semaine, ces oracles avaient anticipé la chute du cours de Lockheed Martin, expliquent-t-elles, après une interview de Trump à Fox News dans laquelle le futur président évoquait déjà le coût des F-35. Et les Pythies de Wall Street ont déjà identifié la prochaine cible de leur caractériel président : le géant de la distribution Walmart. Les investisseurs sont prévenus.