Dans un long témoignage, Joffrey nous explique les tenants, aboutissants et surtout l’enfer de son addiction, la masturbation.
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À la mi-février, nous avons reçu un mail d’un certain Joffrey. En titre du sujet était écrit “Proposition de témoignage”. Il nous expliquait alors, dans le corps du message, son intention d’écrire un témoignage sur son addiction, “la masturbation et le porno” :
“Il est important que les gens sachent que cela peut être une vrai drogue. Je ne suis certes pas unique dans mon cas, mais j’aimerais vous faire part de mon témoignage car je pense que d’autres hommes pourraient se reconnaître et être rassurés de savoir qu’ils ne sont pas les seuls.”
Et de préciser son intention :
“La masturbation n’est pas un tabou, bien au contraire. Ces derniers temps, elle est même devenue “tendance”, comme on peut le lire dans certains articles. La sexualité dans son ensemble, tout comme une partie du porno, est devenue mainstream.
Les applications de rencontres y sont pour beaucoup. Ce qui est tabou, c’est l’addiction. En fait non, ce n’est même pas tabou, c’est juste méconnu, voire inconnu. L’addiction, dans l’esprit du grand public, est relative soit aux drogues, soit aux jeux. Mais peu ont conscience qu’elle peut concerner un simple besoin physiologique.”
Voici son témoignage :
En 2008, Masanobu Sato, un jeune Japonais originaire de Tokyo, battait le record du monde de la masturbation la plus longue, soit 9 heures et 33 minutes, lors du très renommé ‘Masturbate-A-thon’ de San Francisco. Une performance battue depuis par Sonny Nash qui, en 2012 a littéralement explosé sa performance avec un plaisir onaniste d’une durée de 10 heures et 10 minutes.
À quelque 9 000 kilomètres de là, seul dans ma chambre et depuis de nombreuses années, je flirte régulièrement avec ces records, sans que la présence d’aucun juge puisse attester de la durée souvent exceptionnellement longue de mes actions auto-érotiques. Si Masanobu et Sonny l’ont fait pour la gloire, moi je le fais maintenant avec désespoir.
Avant de continuer, sachez que je ne suis pas plus différent que votre père, pas plus dérangé que votre petit ami. Je suis un homme, tout ce qu’il y a de plus normal : la petite trentaine, issu de la classe moyenne et avec un métier passionnant.
40 % des hommes se masturbent tous les jours
Si en moyenne, 90 % des hommes admettent se masturber et 40 % reconnaissent le faire tous les jours, certains comme moi, ne le font plus spécialement par plaisir, ni pour assouvir une quelconque envie physique, mais par nécessité. Si la cocaïne et l’héroïne sont reconnues comme des drogues extrêmement addictives, sachez que la masturbation est bien pire. Elle ne souffre d’aucune limite économique, d’aucun risque pour la santé et d’aucune interdiction légale. Ce qui la rend plus simple et plus accessible, mais aussi plus addictive, comme dans mon cas. Une bite, une main et c’est parti !
Une addiction intrinsèquement liée à une consommation, tout aussi excessive, de pornographie. Avant d’aller plus loin dans le développement des raisons et des moyens qui m’ont poussé à en arriver là, sachez que la simple rédaction du mot “pornographie” rend difficile la rédaction de ce témoignage, tant l’envie d’en regarder est forte. Bref.
Mon premier contact avec cet univers a eu lieu quand j’avais une dizaine d’années dans la chambre de mon père, divorcé, où se trouvait le meuble à VHS. Ce dernier, non sans une certaine maladresse, avait caché ses cassettes vidéos pornographiques derrière une pile de films d’action qui, pensait-il, n’éveillerait pas ma curiosité. Manque de chance, je suis tout de même tombé sur ses quelques vidéos.
Tour à tour, les sentiments se bousculent très vite dans ma petite tête de gamin, et après l’étonnement vint le dégoût, puis la curiosité. Pourquoi ces femmes, sosies érotiques de Samantha Fox et Sabrina Salerno, se contorsionnaient-elles dans les bras d’un étalon italien, cousin raté de Rocco Siffredi ? Une VHS enfoncée dans le magnétoscope de mon père et j’eus rapidement la réponse à ma question.
Pornographie de supermarché
Les mois passent, le corps évolue, et quelques années après arrivent les premières éjaculations. Somme toute rien d’anormal jusque-là, juste le parcours d’un préadolescent qui découvre son corps. Les années passent, et la masturbation me tient par la main un peu plus chaque semaine. Là encore, rien d’anormal quand on a 16 ans. Mon cerveau en pleine ébullition ne cesse de créer des images érotiques, puis pornographiques à longueur de journées. Les fantasmes se construisent grâce à un imaginaire débordant, mais bientôt ce n’est plus suffisant. La pornographie prend alors le relai, mais comment y accéder ?
Avant mes 17 ans, nous n’avions pas d’ordinateur chez moi, et les smartphones n’existaient pas encore. Trop timide pour oser rentrer dans un sex-shop, il m’a alors fallu ruser pour trouver de quoi alimenter de nouveau mes fantasmes. Tout les week-ends, j’accompagnais ma mère faire les courses au supermarché. Le kiosque à journaux de la galerie marchande était ainsi le lieu idéal pour trouver les ressources érotiques nécessaires à mes envies masturbatoires, pendant que ma mère tournait dans le magasin pour trouver de quoi remplir le réfrigérateur familial. Je me suis alors lancé dans la quête d’images pseudo-érotiques éparpillées dans de nombreux magazines, plus facilement accessibles que les revues clairement pornos du dernier étage.
Les périodiques de photographies professionnelles, avec leurs pages de nus, les magazines de tuning, avec leurs modèles sexy et les traditionnelles revues masculines devenaient mes nouveaux supports à fantasme. Mais je ne pouvais décemment pas en acheter un seul, car je n’avais pas d’argent et ma mère n’aurait, bien entendu, pas compris. Par peur de perdre toute ces visions que je venais d’emmagasiner dans mon esprit, il me fallait alors me branler le plus vite possible, sortir ma jouissance avant de la perdre. Impossible d’attendre notre retour à la maison : la solution toute trouvée résidait dans les toilettes de la galerie marchande.
Oui, celles où les excréments sont étalés sur des murs miteux remplis de graffitis. C’est donc dans ces lieux d’aisances que durant plusieurs années, je suis venu me soulager, plongeant sans m’en rendre compte dans tout ce que la masturbation peut avoir d’infâme.
Des branlettes par gigabite
Puis arrive un ordinateur dans le salon familial, chez ma mère. C’est beau la technologie, et ça l’est encore plus lorsque l’on découvre que l’on peut accéder facilement, rapidement et gratuitement à un flot d’images pornographiques variées. Fini les magazines et bienvenu dans l’air du numérique ! Le salon familial remplace alors les toilettes de la galerie marchande. Plus de confort certes, mais plus de risque aussi. Oui, car se branler dans le salon, quand il n’y a personne à la maison, c’est facile, il suffit juste d’être prudent. Mais quand ta mère est juste à côté en train de regarder la télévision, c’est un peu plus sport.
Non, je n’aurais pas pu attendre d’être tout seul et, oui, je devais le faire, nonobstant le risque de me faire choper. Est-ce que les toxicos, les vrais accros, se piquent uniquement dans de lieux dédiés, à des moments propices ? Mais ne vous inquiétez pas, un baggy suffisamment large me permettait de me branler dans ma poche en toute discrétion sans imposer à ma mère la vue de ma queue tendue de plaisir. Et la plupart du temps, ma mère dormait devant la télévision. Bien sûr, l’apparition de nombreux virus sur l’ordinateur familial lui avait mis la puce à l’oreille. Mais la honte passée, l’envie de recommencer se faisait plus forte.
Une envie qui me prenait également au travail. Durant cette période, en parallèle de mes études, je bossais tout les week-ends en tant que veilleur de nuit dans un hôtel du centre-ville. De 22 heures à 7 heures du matin, rares sont les clients qui arrivent à l’improviste pour réserver une chambre. Ainsi, durant ces nuits de veille, je n’hésitais pas à utiliser l’ordinateur de la réception pour surfer sur des sites pornos. De manière ponctuelle et discrète au début, j’en suis rapidement venu à me masturber en plein milieu du hall d’accueil de l’hôtel, durant ces longues heures d’attente.
Les baies vitrées donnant sur la rue, la porte verrouillée et le comptoir suffisamment haut de la réception formaient autant de remparts qui me permettaient de m’adonner à la masturbation en toute discrétion. J’aurais bien entendu pu me faire choper par un client insomniaque ou via une quelconque surveillance de l’ordinateur par mon patron, mais qu’importe, quand vous êtes accro, ces risques ne rentrent pas en ligne de compte tant l’envie et le plaisir sont forts.
Le départ du domicile familial, à l’aube de mes 21 ans, pour aller étudier dans une autre ville fut pour moi et mon sexe l’occasion de repousser un peu plus loin mes expériences auto-érotiques. Vivre seul dans un petit studio me donnait enfin l’occasion de m’adonner pleinement à mon passe-temps favori sans aucune gène technique. De mes deux heures quotidiennes de masturbation, je passais à cinq heures de branlettes intensives, me perdant bien souvent dans le plaisir au cours de nuits blanches.
Bien sûr, cinq heures de masturbation, c’est long. Mais si vous saviez ce que l’on peut trouver sur Internet, vous comprendriez. Une source intarissable, constamment renouvelée, d’une matière pornographique variée qui m’empêchait de décrocher. Avec sérendipité, j’ai exploré les bas-fonds les plus obscurs, les recoins les plus glauques de ce que la pornographie peut offrir. Un joyeux spectacle fait de matières roses dilatées, de fluides dégoulinants et d’amalgames corporels.
Vous connaissez sans doute les films de Dorcel et les pornos du samedi soir. Pour moi, ce ne sont que des jolies comptines pour enfants. Une guerre nucléaire se déroulait sous mes yeux, pour mon cerveau, ma main et ma queue. La cocaïne et l’acide doivent donner des résultats bien tristes face aux effets que me procuraient ces escapades masturbatoires. Mais comme chacun le sait, la guerre ça blesse. Surtout après de longues heures de masturbation sans éjaculation.
Retenez-vous de pisser pendant une journée et je suis sûr que vous ne saurez toujours pas la douleur que peut engendrer le fait de ne pas éjaculer pendant des heures. Les couilles gonflent et durcissent, le canal déférent se tord de douleur, le gland rougit et, parfois, pèle. Et lorsque, après avoir épuisé toute vos ressources, tant physiques que psychiques, vous vous décidez enfin à éjaculer, ce n’est pas avec plaisir. Des centaines de lames de rasoir sortent alors de votre urètre, comme si, malaxés durant des heures, vos milliards de spermatozoïdes se vengeaient de ne pas les avoir libérés plus tôt.
Masturbation intellectuelle
Tout cela n’aurait eu que peu d’importance si cette passion pour la masturbation ne concernait que l’intérieur feutré de mon studio. Mais comme toute addiction, elle se répercutait de plus en plus sur ma vie sociale. Oui, il m’est arrivé de refuser une soirée avec mes potes pour pouvoir me branler. Oui, je suis déjà arrivé en retard à un rendez-vous à cause de cela. Oui, je n’ai pas révisé mes cours en période de partiels à cause de ma queue. Et oui, j’ai flirté avec l’immoralité sur Internet au point de me mettre parfois en danger.
C’est d’ailleurs à ce moment que j’ai commencé à me poser réellement des questions et que j’ai décidé de consulter un sexologue. Je l’ai choisi à l’autre bout de la ville. Il n’aurait pas fallu que je croise un camarade de classe en allant au rendez-vous. Ayant fréquenté des psychologues dans ma jeunesse pour quelques déprimes adolescentes, j’étais donc serein à l’idée de livrer mes secrets à cet inconnu. Ce n’était ni plus ni moins qu’un psy du cul.
“Je me masturbe beaucoup trop et ça commence à m’inquiéter. Le plus souvent sur des choses pas très nettes. J’aimerais bien trouver une solution pour m’en sortir” : cette déclaration posa la base d’un échange que j’espérais salvateur. “Vous n’avez qu’à installer un logiciel de contrôle parental sur votre ordinateur… “ me répondit-on. Oui, bien sûr, avec le code secret que j’aurais configuré. “Alors dans ce cas-là, vous n’avez qu’à me laisser votre ordinateur pour ne plus y avoir accès.” Non, mon ordi me sert également pour mes études, donc ce n’est pas non plus une solution pertinente. Il est con ce psy. Et puis le problème ce n’est pas l’ordi. Quand le dealer d’un toxico fini en prison, ce dernier n’attend pas dix ans pour avoir à nouveau sa dose, il trouve un nouveau dealer dans le quart d’heure.
Deux séances plus tard et soulagé d’une cinquantaine d’euros, j’ai décidé de retourner dans mon studio me branler en toute impunité. J’étais certainement tombé sur un mauvais professionnel et l’échange avec un sexologue plus perspicace m’aurait sûrement aidé à m’en sortir à l’époque. Peu importe, ma chance était passée et je n’en avais plus rien à foutre.
J’ai alors tenté d’en parler à ma copine de l’époque, pour essayer de trouver chez elle une certaine forme de soutien. Tout se passait merveilleusement bien avec elle sexuellement et son ouverture d’esprit me laissait penser qu’elle comprendrait sans souci. Tout en arrondissant les angles, je lui ai parlé de mes rendez-vous chez le sexologue et de mon besoin constant de me masturber. Au fond, je ne sais pas si c’est vraiment d’une oreille compréhensive dont j’avais besoin, ou plutôt d’une justification pour me permettre d’aller toujours plus loin avec elle sexuellement.
“Je suis malade, et si tu veux m’aider à guérir, il va falloir que tu acceptes de faire tout ce que je veux au lit.” Si ce ne sont pas les mots que j’ai prononcés dans la forme, sur le fond ça y ressemblait vraiment. Forcement, ça n’a pas fonctionné. Si cette dernière a compris mon penchant pour la masturbation, elle n’a bien entendu pas accepté mes dérives sexuelles durant nos ébats ; elle n’était ni actrice porno ni médecin.
Du rêve à la réalité
Mes études terminées, j’ai rejoint le domicile familial. À 24 ans et sans travail, dans un premier temps, j’ai décidé de donner un nouveau départ à mon addiction. Après avoir baisé des milliers de femmes en rêve, j’allais maintenant me les faire en vrai.
Avant d’aller plus loin, sachez deux choses : durant toutes ces années, j’ai bien entendu eu des petites amies, la plupart du temps des relations longues, avec qui tout se passait bien et, pour les plus moralistes d’entre vous, l’éducation d’une mère méditerranéenne m’avait fait porter aux nues le respect envers les femmes. Je n’étais pas un de ces connards qui prennent et jettent les femmes comme un mouchoir après leur avoir promis la lune.
Avec moi, elles savaient où elles allaient et je faisais les choses bien : un verre en terrasse, un resto, un échange intellectuel constructif et après nous faisions l’amour. Non. Après je les baisais comme jamais. Tout ce que j’avais vu de plus hardcore dans mes pornos, je le retranscrivais dans la réalité. Je voulais du cul, j’allais en avoir.
Si selon l’Ifop, les hommes français couchent en moyenne avec 13 femmes dans leur vie (6,9 pour les femmes), durant cette folle année de baise j’avais plus qu’explosé le compteur. J’en ai d’ailleurs gagné une urétrite [inflammation de l’urètre, ndlr] après ce que j’aime appeler mon “marathon de la baise” : cinq filles en une semaine, c’est beaucoup trop. Surtout quand ton gland est devenu rouge et que tu te mets à pisser de la lave en fusion.
Mais ce n’était pas assez. Voulant pousser toujours plus loin mon envie, et vivre de mon addiction, j’ai donc naturellement tenté de tourner dans un porno. Par chance, un blog spécialisé dans la culture porn cherchait à l’époque des jeunes amateurs pour lancer leur nouveau site de vidéo. Par chance, là encore, ma connaissance du milieu et mes expériences débridées ont permis à ma candidature d’être retenue. J’allais enfin y arriver, j’allais tourner mon premier porno ! Mais l’industrie pornographique française étant ce qu’elle est, le projet eu du mal à se monter et lorsque l’équipe était enfin prête, j’ai dû refuser le tournage car depuis quelque mois j’étais en couple. Quelque chose de sérieux que je ne voulais pas foirer pour une simple baise cinématographique.
Malheureusement, entre-temps, j’avais annoncé ma reconversion à quelques personnes, dont ma mère, me couvrant ainsi auprès d’elle d’une honte éternelle. Par peur qu’elle le découvre elle-même, j’avais préféré lui annoncer de vive voix.
Après un étonnement de courte durée, ma mère connaissant bien entendu mon penchant pour la sexualité et la masturbation, j’ai vu naître dans ses yeux une certaine consternation empreinte de tristesse. Son fils allait devenir le genre d’homme que chaque mère abhorre, une bête assoiffée de sexe qui abaisse les femmes au rang d’objet. Après toutes ces années, je n’ai jamais osé lui dire que le tournage n’avait finalement pas eu lieu, pour éviter d’affronter à nouveau son regard et sa déception.
Juste du cinéma
Aujourd’hui, j’ai presque 30 ans et mon rapport à la masturbation commence à évoluer doucement. Durant toutes ces années, je n’ai jamais caché à personne, ni mes amis, ni mes copines, ma passion pour le porno et la masturbation. Un mec qui regarde des films de cul et qui se branle, c’est tout ce qu’il y a de plus normal. Je poussais même le vice en me présentant comme une bible du porno, fin connaisseur, mi-historien, mi-sociologue, connaissant sur le bout des doigts l’ensemble des studios de production et le nom de chaque actrice. Si certains se spécialisent dans les westerns spaghettis, moi c’était dans le porno et ça ne choquait personne. Au fond, c’était juste du cinéma.
Mais, maintenant, je peux vous le dire : non, ce n’est pas “juste” du cinéma. Sans vous ressortir le traditionnel cliché du porno dévastateur de la sexualité chez les jeunes, je veux que vous soyez bien conscient qu’il peut devenir une vrai drogue. Des personnes peuvent en devenir accro jusqu’à en gâcher leur vie. Les amis à l’écoute, les copines compréhensives, les sexologues ratés, tous peuvent être le point de départ d’une possible rédemption, mais ce ne fut pas mon cas.
Ce témoignage est la dernière solution que j’ai trouvée pour espérer m’en sortir un jour et peut-être aider d’autres personnes dans mon cas à y arriver. Je suis sur la bonne voie : de mes traditionnelles sessions de cinq heures de masturbation quotidiennes, je suis passé à deux heures tous les deux jours.