Sophie Calle, l’une des artistes françaises les plus connues du monde de l’art contemporain, a signé une œuvre au cimetière des Rois, à Genève, dans le cadre de l’exposition Open End. Un drôle de lieu pour une expo…
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C’est en remarquant que les cimetières sont souvent des endroits abandonnés que le sculpteur Vincent Du Bois a pris la décision d’organiser une exposition intitulée “Open End” (“Fin ouverte” en VF) au cimetière des Rois à Genève, une façon de redonner de la vie à un lieu que de moins en moins de gens visitent. Il y a donc invité 16 artistes contemporains, dont Sophie Calle, à exposer des œuvres sur le thème de la mort.
L’artiste, connue pour se livrer à des jeux conceptuels avec son public, a imaginé une sépulture vide, avec une fente sur la pierre tombale. Les passants peuvent y glisser des secrets que l’artiste s’engage à ne jamais divulguer. Si l’exposition ne dure que jusqu’au 30 novembre, la tombe de Sophie Calle restera plus longtemps, la concession funéraire ayant été enregistrée pour vingt ans.
“Je voulais juste créer un rituel, ajouter un élément à la poésie de ce jardin. J’ai imaginé des visiteurs qui se promènent, trouvent par hasard cette tombe, pensent à leur vie, et glissent un secret dans la fente”, explique-t-elle au journal suisse Le Temps.
Née le 9 octobre 1953 à Paris, la photographe, écrivaine, plasticienne et performeuse Sophie Calle a fait de sa vie une œuvre continuellement mise en scène. La mort est l’un de ses sujets de prédilection, comme le montrent les célèbres photos de sa mère en train de mourir.
“Mes toutes premières photos, je les ai faites dans un cimetière au Guatemala, avec un appareil qu’on m’avait prêté. Ensuite, mes premiers clichés professionnels, ceux qui m’ont fait penser que j’allais peut-être devenir photographe, c’était dans un cimetière en Californie, en photographiant des pierres sur lesquelles étaient inscrits des mots comme ‘Father’, ‘Mother’, ‘Brother’, ‘Sister’. De plus, la mort traverse beaucoup mon travail. De ces tombes en Californie jusqu’à ma dernière exposition importante, et qui concerne la mort de ma mère que j’ai filmée, ainsi que tout ce qui a entouré ses funérailles, son corps dans le cercueil, sa pierre tombale”, explique Sophie Calle au quotidien helvète.
“Les cimetières sont des lieux qui me sont proches. J’ai parcouru celui de Montparnasse dans le ventre de ma mère, car nous n’avons pas beaucoup de parcs à Paris et que c’était son lieu de promenade. Ensuite, je l’ai traversé quatre fois par jour quand je me rendais à l’école. J’y ai eu des rêveries, ce n’était pas un lieu dramatique à mes yeux. Quand je séjourne dans une ville, je me rends toujours au cimetière, parce que j’ai l’impression de la comprendre un peu mieux ainsi”, ajoute-t-elle.
Au-delà du sujet de la mort, le thème de sa dernière œuvre est aussi celui du secret et de la confession. Ce n’est pas la première fois que Sophie Calle écoute les gens à travers son art. En 2010, lors de la Nuit Blanche de Paris, elle invitait des inconnus dans son lit, au sommet de la Tour Eiffel, pour qu’ils lui racontent des histoires. Trois ans plus tard, c’est dans une chambre d’hôtel à Avignon que des insomniaques sont venus lui chuchoter des mots.
Si Sophie Calle enterre les secrets des inconnus à Genève, elle a l’intention d’être un jour enterrée en Californie. “Dans un film sur moi, on me voit au moment où j’achète une concession en Californie, là même où j’ai pris mes premières photographies. Bref, la question se pose, parce qu’à mon âge il est difficile de ne pas y penser. D’autant plus que c’est vraiment mon sujet”, conclut-elle son entretien avec Le Temps.