Le jeu de cartes Solitaire, qui équipait tous les ordinateurs Windows depuis un quart de siècle, a été inventé par un stagiaire qui s’ennuyait ferme.
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À moins que vous ne portiez pas une once d’intérêt à l’informatique ou que vous ayez moins de cinq ans (et dans ce cas-là, vous avez mieux à faire que de traîner sur les Internets), vous connaissez forcément le Solitaire, ce jeu de cartes et de patience immémorial plus connu, sous l’ère moderne, pour avoir volé des millions d’heures de productivité à des salariés d’entreprise dans le secteur tertiaire, bien avant Facebook, Reddit ou 9GAG. Le Solitaire est d’une simplicité presque écœurante : un fond vert, des tas de cartes, un jeu à terminer en réalisant des suites. Et pourtant. Pourtant, comme son voisin de dossier le Démineur, cette saloperie est difficile. Et c’est là que le jeu nous happe, car on se dit qu’il est hors de question de se lever de sa chaise et/ou de se remettre à sa fiche de compta tant qu’on aura pas, au moins, connu l’épiphanie de la cascade de cartes indiquant la fin du jeu. De Windows 3.0 à Windows 8, de 1990 à 2012, le Solitaire aura détruit des carrières professionnelles, avec froideur et méticulosité.
Mais au fond, ne vous êtes-vous jamais demandé quel génie du mal, chez Microsoft était responsable de cette abominable création ? La chaîne YouTube Great Big Story s’est posé la question et a facilement retrouvé le créateur du jeu, Wes Cherry, pour revenir avec lui sur la genèse – et le succès – de cette arme de procrastination massive. Retour en 1988 chez Microsoft, où Wes Cherry est alors un jeune stagiaire. Si l’ex-stagiaire n’hésite pas à décrire l’expérience comme “exhaustive”, tout stage a ses trous d’air, ces heures vides et élastiques qui semblent s’étirer comme un jour sans pain. Le Solitaire est donc né par ennui, dans une simple volonté d’accélérer le temps. Pas étonnant, au final, que le jeu soit si prenant : c’est exactement ce pour quoi il est conçu.
La touche spéciale “patron”
Le reste n’est qu’une affaire de contexte : peu après sa création, le jeu est repéré par les têtes pensantes de Microsoft et parvient jusqu’à Bill Gates lui-même – qui, selon Wes Cherry se serait plaint “que le jeu soit trop difficile à finir” – avant d’intégrer le système d’exploitation Windows 3.0, qui équipe les machines en 1990. À l’époque, l’entreprise justifie l’existence du Solitaire par le besoin de familiariser les utilisateurs avec des modes de navigation encore déconcertants, comme le pointage par souris. Volonté pédagogique ou pas, Wes Cherry explique que peu après la sortie du Solitaire en interne, tant de ses collègues y passaient leurs journées que le jeune programmeur avait ajouté une touche spéciale “patron”, qui faisait apparaître une fausse feuille de calcul Excel pour éviter de se faire griller. Mais ce monde manque décidément d’humour, et Microsoft refusera de garder la fonctionnalité lors du lancement mondial du jeu. Et si vous vous dites que le Wes Cherry est devenu multimillionnaire grâce à son jeu de cartes en ligne, vous vous gourez : en tant que stagiaire, le jeune codeur n’a jamais touché un centime sur sa création.