Avec seulement 1,4/10, le film Gunday prend la tête du classement IMDb des 100 films les plus mal notés. Ce film bollywoodien, sorti le jour de la Saint-Valentin 2014, a pourtant été un succès au box-office indien. Explications.
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Lorsqu’on regarde la bande annonce, Gunday, réalisé par Ali Abbas Zafar et produit par Yash Raj Films, a tout du blockbuster qui fonctionne. Scènes de bagarres, triangle amoureux avec la superbe Priyanka Chopra et deux acteurs, Ranveer Singh et Arjun Kappoor, qui jouent dans des succès commerciaux depuis deux ou trois ans. Deux gros durs, plutôt beaux-gosses, le corps huilé et l’air arrogant. Le tout avec des slow motion sur leurs muscles bien saillants, entrecoupés de scènes de danses à la Bollywood.
Le plus gros succès au box-office de février en Inde, selon The Times. En effet, rien qu’en une semaine, les recettes s’élèvent à 630,8 millions de roupies, soit environ 7 millions d’euros. La critique du New York Times ira même jusqu’à dire que le film est “downright enjoyable” – à traduire par “carrément plaisant”. Alors pourquoi une si mauvaise note ? La clé est cachée dans le synopsis.
En 1971, deux enfants, Bikram et Bilal, fuient la guerre du Bangladesh et arrivent à Calcutta en Inde. Ces deux orphelins, livrés à eux-mêmes, doivent se battre chaque jour pour survivre. Ce combat quotidien les rend forts et unis. Plus qu’ils ne l’espéraient.
Lorsque les réseaux sociaux du Bangladesh condamnent le film
Regardons du coté de ceux qui ont voté. Selon le site IMDb, sur 44 830 utilisateurs, 40 779 ont mis une note de 1/10. Parmi eux, 36 000 votants ne proviennent pas des Etats-Unis… et sont peut-être bien du Bangladesh. Et pour cause, le scénario commence avec l’indépendance de ce pays dans les années 1970, un moment historique forcément sensible pour les Bengalis qui n’ont visiblement pas apprécié la manière dont l’Inde a dépeint cette période.
La révolte commence alors sur la Toile. Le groupe nationaliste Gonojagoron Moncho – initié par des blogueurs en 2013 pour soutenir la condamnation des criminels de guerre, comme Abdul Quader Mollah – crée rapidement une page Facebook avec l’entête suivant :
Notre demande : 1 – Une conférence de presse d’excuse de Yash Raj Films ; 2 – Changer les onze premières minutes du film Gunday.
Au même moment, le hastag #GundayHumiliatedHistoryOfBangladesh se développe sur Twitter et les accusations fusent.
@yrf Do a little research before manipulating history http://t.co/VqpE6eT1H0
#BoycottGunday #GundayHumiliatedHistoryOfBangladesh
— Piccheee (@Piccheee) 21 Février 2014
#GundayHumiliatedHistoryOfBangladesh This is the most Insulting thing i have ever heard about my country (cont) http://t.co/b80DgI3qCm
— JoKER (@Desire_Burning) 20 Février 2014
Quand la politique s’en mêle
Ainsi, dix jours après la sortie du film et les accusations sur les réseaux sociaux, le Ministre des Affaires étrangères du Bangladesh demande aux autorités indiennes d’arrêter la diffusion de Gunday sous sa forme actuelle, selon The Times of India.
Selon lui, les faits historiques ont été déformés concernant la libération du pays. Le film donnerait une version erronée de la naissance du pays, la considérant comme le résultat de la guerre indo-pakistanaise et mettant ainsi de côté le rôle de la résistance armée des Bangladais. Oubliant, par la même occasion, les trois millions de civils assassinés avant que le Pakistan Oriental ne prenne son nom actuel, le 16 décembre 1971, résultat de neuf mois de conflits.
Le film est un travail de fiction et n’a voulu en aucun cas projeter ou manquer de respect à un segment de société, des personnes ou une nation en particulier.
Il faut croire que cela n’a pas suffi.