La branche marketing du conglomérat a tenté de disséquer ce qui est cool aux yeux de la mystérieuse “génération Z”. En s’offrant le premier rôle au passage.
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Ah, cette insaisissable “génération Z”… Derrière ce surnom énigmatique conceptualisé – testé et breveté par des responsables marketing à destination de leurs collègues –, il y a des adolescents, nés après 1995 (enfin, on ne sait pas trop, à vrai dire), trop jeunes pour se rappeler clairement du 11-Septembre, de la France black-blanc-beur et du Nokia 3310, mais apparemment difficiles à convaincre lorsqu’il s’agit d’acheter des biens et services superfétatoires et d’aller docilement mendier un CDI sous-payé pour un bullshit job dont l’unique fonction sera de rembourser les crédits contractés pour mieux consommer lesdits biens et services. Ce qui n’attaque pas la détermination des agences de marketing, qui rivalisent de méthodes d’analyse pour tenter de comprendre – et d’orienter – cette future clientèle versatile.
Il y a quelques semaines, Google se joignait à la clique en publiant It’s lit : A definitive guide to what teens think is cool, sorte de catalogue du cool fait par une multinationale à destination d’autres multinationales, dont la légitimité s’avère in fine aussi discutable que les conclusions. Le long des 15 pages de ce faux fanzine, Google nous inonde de sa sagesse récoltée à la source, dans les contrées hostiles où vivent les meutes de 13-17 ans, et redéfinit intégralement notre idée du cool.
Qu’est-ce qui est cool pour les ados ? Les Oreo sont cool. Snapchat est cool. Drake aussi. Les chaussures sont “la monnaie du cool”, lit-on. Mieux : Fall Out Boy, Selena Gomez, Twenty One Pilots et Panic! at the Disco sont cool, paraît-il. WhatsApp ? Pas cool. Pourtant, nous sommes bien en 2017… Et vous savez quoi ? “Les ados adorent la malbouffe et consomment 17 % de leurs calories de cette manière”, ils utilisent beaucoup leur portable, adorent les jeux vidéo et il se murmure même qu’ils savent encore lire. L’anthropologie de l’adolescence ne sera plus jamais la même.
Au nom de Google, de Netflix et du saint YouTube
En progressant un peu plus dans un texte déjà chargé de révélations d’ampleur biblique, on tombe aussi sur un classement des marques par réputation – un graphique avec un axe “coolitude” et un axe “succès”. Si certaines marques sont peu connues mais perçues comme très cool – Supreme, Uniqlo ou Patagonia, par exemple –, d’autres sont extrêmement populaires mais mal perçues, comme Abercrombie ou… le Wall Street Journal, dont on se demande bien ce qu’il a pu faire aux ados pour s’attirer un tel mépris.
Tiercé gagnant du cool, et de loin : Google, YouTube et Netflix. Là, fatalement, on lève un sourcil : quid de Facebook, de Snapchat (que l’étude définit comme le réseau social le plus utilisé par ces ados) ou d’Apple, que tous les teenagers de la planète utilisent en permanence ?
Et du côté des millennials, cette génération qu’on dit complètement démoralisée et désargentée ? Rebelote : Google, YouTube, Netflix. Lorsqu’on se rappelle que YouTube appartient à Google, on se dit qu’en lieu “d’analyse”, ça fleure plutôt la publicité déguisée, même si un sondage canadien, mené en 2016, plaçait également la plateforme en tête.
En guise de méthodologie, Google assure que ses résultats proviennent de trois sondages effectués par YouGov en 2016 auprès de 1 500 ados, et un autre de Gutchek mené sur 67 ados. Outre des échantillons relativement petits, Google a apparemment eu de la chance puisque plus de 40 % des sondés utilisent Google+.
Et là, on peut réellement rigoler, car même si Google a toujours refusé de donner un autre chiffre que 2,5 milliards d’utilisateurs de son réseau (en même temps, chaque adresse mail crée un profil automatiquement), les rares analyses menées évoquent plutôt 4 à 6 millions d’utilisateurs réellement actifs. Autrement dit, Google+ est un four, et tout le monde le sait.
Quitte à se donner une importance démesurée, Google aurait quand même pu faire preuve d’un peu plus de subtilité car au final, même les twittos de la “génération Z” ont compris qu’on les prenait pour des jambons. À tout le moins, Google, une compagnie de djeun’s super hip, nous aura appris que pour les ados d’aujourd’hui “les pizzas, les chips et les glaces sont cool.” Décidément, le consumérisme n’est pas prêt pour cette génération.