Réforme des prisons : Macron accusé par la droite d’être “plus laxiste que Taubira”

Réforme des prisons : Macron accusé par la droite d’être “plus laxiste que Taubira”

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(c) Kremlin.eu (Je n’ai pas trouvé de photo libre de droit de Belloubet et Macron ensemble mais je suis preneuse!)

Mardi 6 mars, Emmanuel Macron a annoncé une série de mesures pour “refonder” le système pénal français.

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Mardi 6 mars, le président de la République était avec la ministre de la Justice Nicole Belloubet à Agen pour présenter sa proposition de “refondation pénale”. Dans sa prise de parole, Emmanuel Macron a affiché un quadruple objectif : “réserver la prison aux cas les plus graves, élargir les peines en milieu ouvert, redonner un sens aux sanctions et réduire la surpopulation carcérale”, comme le rapporte l’AFP.

Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité de changer le système carcéral, qu’il juge obsolète : “Nous devons changer ce système qui ne protège plus suffisamment le citoyen, mine le personnel pénitentiaire et empêche ceux qui voudraient se réinsérer de sortir de la délinquance”. Selon lui, une fois ces mesures mises en place, une conséquence devrait être rapidement observée : “sortir de prison plusieurs milliers de personnes.”

Peines alternatives, conseillers d’insertion, fin de l’automaticité d’aménagement de peines…

Le chef de l’État a donc annoncé plusieurs mesures :

  • Mettre fin à l’automaticité de l’aménagement des peines inférieures à un an de prison

Emmanuel Macron a expliqué vouloir “transformer les aménagements systématiques des peines” :

“Nous allons transformer les aménagements systématiques des peines. Ce que je viens à l’instant de dénoncer. En effet, pour les peines inférieures à un an, nous mettrons un terme à l’automaticité. C’est le tribunal qui devra décider expressément d’un aménagement, au vu du profil de la personne et non plus en se soumettant à un système automatique.”

  • Supprimer l’aménagement de peine au-dessus d’un an

Le chef de l’État a expliqué qu’il considérait qu’on “déresponsabilis[ait] quand on pronon[çait] une peine de prison ferme tout en sachant qu’elle va être aménagée”. Il a donc annoncé que pour les peines supérieures à un an, “le juge d’application des peines ne sera plus saisi car il n’y aura plus d’aménagement”.

  • Modification des courtes peines

Concernant les peines inférieures à un mois, elles seront tout bonnement supprimées, tandis que pour celles allant d’un à six mois, les peines dites “alternatives” seront privilégiées. Il a ainsi parlé de travaux d’intérêt général ou du système de bracelets électroniques, évoquant les économies susceptibles d’être faites en y ayant recours : “Un jour en détention coûte 100 euros en moyenne quand un placement sous bracelet électronique ne coûte que 11 euros.”

  • Dépénalisation de certains délits

Certains actes répréhensibles ne seront plus passibles d’une peine de prison, mais “forfaitisés”, comme les délits routiers ou la consommation de drogue.

  • 1 500 conseillers d’insertion supplémentaires

Des conseillers d’insertion vont être recrutés pour préparer “l’après-prison” des détenus et les suivre à leur libération.

  • Rétropédalage sur les places de prison

Dans son programme présidentiel, le chef de l’État, alors candidat, avait promis la création de 15 000 places supplémentaires. Il est revenu sur sa promesse, rabaissant son chiffre à plus de sa moitié sur le quinquennat, expliquant :

“Compte tenu des contraintes qui pèsent sur la construction d’établissements pénitentiaires, il apparaît possible de construire 7 000 places sur le quinquennat. Il s’agit donc d’adapter notre programmation à cette réalité, en travaillant avec l’administration pénitentiaire pour planifier les constructions.”

  • Enfin, quelques mots sur les conditions de détention

Emmanuel Macron a également insisté sur la nécessité de préserver la “dignité” des personnes incarcérées. “Quand on est condamné, on n’est pas condamné à vivre avec des punaises de lit. Il faut faire de la prison un temps utile et un lieu de dignité”, a-t-il déclaré, sans réellement expliquer comment cela allait concrètement être mis en place. Enfin, le chef de l’État a promis que tous les détenus pourraient voter à l’occasion des prochaines élections européennes.

“Que Christiane Taubira sorte de ce corps”

“Que Christiane Taubira sorte de ce corps”, a immédiatement réagi le député Les Républicains Valérie Boyer, pointant du doigt ce qu’elle considère être la “culture du laxisme”. L’élue a également souligné la promesse non tenue de créer 15 000 places de prison supplémentaires, à l’instar de son collègue Éric Ciotti.

Même son de cloche du côté du Front national. Le vice-président du parti, Nicolas Bay, a lui aussi critiqué le “laxisme” des mesures proposées par le chef de l’État, déclarant :

“Rappelons qu’il y a déjà bien longtemps que les peines de prison de moins de 2 ans ne sont pas appliquées ! Si le gouvernement pense lutter contre la surpopulation carcérale avec toujours plus de laxisme, c’est la sécurité des Français qui est menacée.”

“C’est une putain de blague”

Il y a quelques semaines, Éric, incarcéré en centre de détention depuis deux ans, avait accepté de témoigner pour Konbini news à l’occasion d’une permission. Il nous avait donné son point de vue sur le système pénitentiaire actuel, insistant sur le fait qu’actuellement, selon lui, la prison “ne joue absolument pas son rôle de réinsertion” :
https://www.facebook.com/konbinifr/videos/362877914194386/

Recontacté par Konbini news, Éric a réagi aux annonces d’Emmanuel Macron. Selon lui, “c’est une putain de blague” car “il n’y a rien, absolument rien” dans les mesures promises par le gouvernement. D’après ce dernier, les peines alternatives existent déjà mais les juges n’y “ont jamais recours”. Selon lui, le discours du Président apparaît grandement insuffisant au regard de la situation dans laquelle se trouvent les détenus français aujourd’hui :

“Ça fait plus de deux ans que je suis enfermé et jamais on ne s’est adressé à nous, jamais on ne nous a parlé. On ne parle même pas de nous, hormis lorsqu’il s’agit de parler de la minorité de détenus radicalisés. Sérieusement ?”

Quant au vote aux élections européennes, Éric, qui précise faire partie du “5 % de détenus” qui votent en prison, a un avis sans appel : “on ne pouvait pas plus se foutre de nous que cela”. “Les gens s’en contrefoutent ici. Je ne dis pas que c’est bien, mais c’est un fait”, poursuit-il, avant de conclure :

“Plutôt que de penser à ce que les gens votent aux Européennes, le président devrait déjà s’inquiéter du fait qu’ils se sentent bel et bien membres de la communauté nationale. On verra ensuite ce qu’il en est de la communauté européenne.”