Six étudiants de l’école de jeux vidéo d’Angoulême ont développé ce “jeu du réel” qui s’appréhende avec des lunettes Oculus Rift.
Le pire attentat de l’histoire renaît sous nos yeux, l’espace de quelques minutes. Six étudiants de l’école de jeux vidéo d’Angoulême, l’ENJMIN, ont développé une expérience inédite de réalité virtuelle qui recrée la tragédie du 11 septembre. Le “joueur” est plongé dans l’une des deux tours, au moment de l’impact.
Ce projet, intitulé [08:46] (heure du premier crash sur le WTC, Tour Nord), fonctionne avec le casque Oculus Rift DK 2. Peu de personnes ont pu le tester. Parmi les happy fews, un journaliste de Libération, qui raconte son expérience, jeudi 29 septembre.
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Je suis assis à mon bureau. En face de moi se trouve une collègue. Elle me demande un dossier qui se trouve dans un des tiroirs de mon bureau. J’attrape ce dossier et lui tends… Un bruit sourd se fait entendre. Les lumières s’éteignent, se rallument, s’éteignent. Tout le bâtiment tremble.
On se précipite vers la fenêtre pour voir ce qu’il se passe. Une épaisse fumée s’échappe de notre bâtiment, quelques étages plus bas […]. Une évacuation a déjà commencé. Les ascenseurs sont hors service, il faudra descendre par les escaliers.
La chaleur devient insoutenable. Les mains moites sur la manette, j’attrape l’écran d’ordinateur qui se trouve sur le bureau et le lance contre la fenêtre. Un peu d’air entre… Mais notre collègue craque. Il s’approche de la fenêtre. Il saute.
Le reste, c’est au joueur de le créer. Bien que ce projet soit “un peu court”, du fait de sa dimension étudiante, le journaliste se dit “assez bluffé par l’immersion” qu’il parvient à susciter.
“Une œuvre fondamentalement fictionnelle”
Le game designer de [08:46], Anthony Krafft, a été longuement interrogé par The Pixel Hunt, fin septembre. Il raconte comment le jeu a pris vie.
Depuis la structure des bâtiments jusqu’aux angles d’impact en passant par les dynamiques sociales dans les tours avant et pendant les incidents, nous nous sommes imprégnés du sujet pour être à la fois justes et précis, et ne pas verser dans le fantasme morbide.
Pour parfaire cette documentation, l’équipe a pu interviewer Brian Clark, un des quatre seuls survivants qui étaient au-dessus des points d’impact lors des attaques. Anthony Krafft est conscient des limites de l’expérience, notamment les écarts qu’il a pris avec la réalité.
Il est tout de même important de noter que [08:46] représente une version synthétique, condensée et hautement incomplète des événements individuels survenus dans les Tours, tant d’un point de vue humain que temporel, et qu’il reste donc fondamentalement une œuvre fictionnelle.
Selon lui, la grande force de [08:46] réside justement dans cette distance, qui permet de créer de l’émotion.
Selon notre approche du jeu vidéo, nous nous sommes naturellement dirigés vers une approche empathique de l’événement en choisissant de le représenter directement du point de vue des victimes, en essayant de justement reproduire leur schéma émotionnel.
Ces expériences, si elles sont produites avec soin et honnêteté, peuvent apporter une appréhension du réel à échelle humaine que d’autres médias ne peuvent sans doute qu’effleurer.