Alors que peu de médecins connaissent l’endométriose, dont souffre pourtant une femme sur dix, une étudiante australienne a lancé une étude sur les effets de cette maladie sur la vie sexuelle des hommes. Une malade s’en est indignée dans une tribune publiée sur le Guardian.
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L’endométriose a beau toucher une femme sur dix, peu de gynécologues connaissent cette maladie. D’après le Pr Philippe Descamps, les malades doivent consulter “en moyenne plus de 3 gynécologues avant que le diagnostic ne soit posé”. La lectrice qui témoignait il y a deux semaines sur Konbini nous expliquait ainsi qu’il lui avait fallu “près de quinze ans, et surtout un acharnement” de sa part pour que l’on identifie enfin la source de toutes ses souffrances. Selon l’Inserm, l’endométriose se manifeste en effet par la présence de tissu utérin hors de l’utérus. Cette maladie cause des lésions dont les cellules se comportent de la même façon que la muqueuse utérine, soit l’endomètre : elles vont “proliférer, saigner et laisser des cicatrices fibreuses à chaque cycle menstruel”.
Et les crédits pour la recherche sur l’endométriose, ou même “simplement” la dysménorrhée, manquent cruellement. Slate rapportait par exemple en 2015 qu’il y avait autant de personnes atteintes d’endométriose que de diabète aux États-Unis, mais que les fonds qui lui étaient attribuée pour la recherche étaient trente-six fois inférieurs. Et il ne semble pas y avoir énormément de progrès en la matière, puisque l’on a appris ce mercredi 31 mai que l’université de Sydney avait approuvé la conduite d’une étude sur l’impact de l’endométriose… sur la vie sexuelle des hommes. C’est Imogen Dunlevie, une étudiante australienne qui souffre d’endométriose depuis ses 13 ans, qui en a parlé dans un article publié sur le Guardian : “Une étude sur l’impact de l’endométriose sur la vie sexuelle des hommes ? Rageant !”
So this is what blind rage feels like pic.twitter.com/LsncCg1hjJ
— Imogen Dunlevie (@ImogenDunlevie) 30 mai 2017
Un angle qui semble plutôt malvenu
Cette étude, menée par Jane Keany, une étudiante en master, a pour but d’analyser la vie sexuelle des hommes en couple avec une personne atteinte d’endométriose. Un angle qui, au vu de l’errance médicale faisant empirer les souffrances des malades, semble plutôt malvenu. Ce sont en premier lieu les femmes qui souffrent, et considérablement, mais l’étude de Jane Keany préfère s’intéresser aux conséquences sur la vie sexuelle des hommes.
On pourrait pourtant facilement imaginer que celle des femmes prévaudrait, puisqu’il est question d’endométriose – sans parler déjà de leurs douleurs quotidiennes et de toute la dimension invalidante de la maladie qui se répercute sur leur vie personnelle comme professionnelle. Selon Imogen Dunlevie :
“Les études comme celle-ci donnent l’impression que la seule façon d’attirer l’attention sur l’endométriose est de montrer comment elle touche les hommes. Cela ne suffit pas que les femmes partagent leurs innombrables histoires de douleur et de souffrance, comment cela limite leur capacité à finir leurs études, à travailler à plein temps ou même à faire l’amour. Cela ne suffit pas de décrire les opérations et les médicaments, les procédures envahissantes qui ne procurent que peu, voire pas du tout de soulagement. La seule façon d’amener les gens à s’y intéresser est de leur dire que les hommes sont aussi affectés.”
Pour l’étudiante-chercheuse, l’endométriose est “un problème de couple”
La chercheuse à l’origine de l’étude, Jane Keany, a expliqué à ABC qu’elle comprenait la désapprobation des femmes, mais qu’encourager les couples à parler des effets de la maladie était nécessaire. Pour elle, “on peut facilement mal interpréter la maladie comme étant un problème de femme, mais je pense que c’est un problème de couple”. Imogen Dunlevie précise qu’il ne s’agit pas d’attaquer la jeune chercheuse, mais plutôt de parler de la frustration causée par la façon dont l’endométriose est considérée – c’est-à-dire un contexte “dans lequel la douleur des femmes n’est toujours pas reconnue”.
“L’année dernière, on a plus parlé de l’endométriose aux infos, mais voir une étude sur la façon dont cela affecte les hommes, particulièrement leur vie sexuelle, donne l’impression qu’on fait un pas en avant et deux en arrière. […] Nous arrivons déjà à peine à communiquer sur l’endométriose. Nous ne devrions pas commencer à parler de l’endométriose pour voir comment les hommes se sentent par rapport à la maladie, et particulièrement pas pour voir comment elle affecte leur vie sexuelle.”
De l’importance d’aider avant tout les malades
Depuis la publication de son article, Imogen Dunlevie se voit inondée de réactions sur Twitter – et elles ne sont pas toujours positives, notamment venant des hommes.
I can't believe writing an opinion piece about having endo and why we should focus on people with endo has made people so mad.
— Imogen Dunlevie (@ImogenDunlevie) 31 mai 2017
Traduction : “Je n’arrive pas à croire qu’écrire une tribune sur mon endométriose et pourquoi nous devrions nous concentrer sur les personnes ayant de l’endo a à ce point mis les gens en colère.”
Mais d’autres messages ont parfaitement illustré son propos, montrant que beaucoup ignorent encore l’existence de l’endométriose, et qu’il est crucial de parler en premier lieu des malades.
Sending it 2 a friend of mine badly affected by her periods, hopefully will help her so thanks a million for writing this 🙂
— Wilderland Theatre (@WilderlandT) 31 mai 2017
Traduction : “Excellent article, je n’avais littéralement jamais entendu parler ou lu quelque chose à propos de l’endométriose. Il n’y a aucune médiatisation du tout.
Je l’envoie à une amie aux règles extrêmement douloureuses, avec un peu de chance cela l’aidera, donc mille mercis de l’avoir écrit !”