Pourquoi on ne doit pas appeler Marine Le Pen “Marine”

Pourquoi on ne doit pas appeler Marine Le Pen “Marine”

Pour sa deuxième campagne présidentielle, Marine Le Pen use d’un redoutable outil de communication : son prénom. Mais elle reste une Le Pen avant d’être une “Marine”. 

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Appeler la candidate du Front national “Marine”, est une mauvaise idée. Déjà, parce que ce n’est pas très gentil pour toutes les Marine de France qui ne sont pas forcément d’extrême droite et n’ont pas de papa qui s’appelle Jean-Marie. Ensuite, parce que c’est sexiste d’appeler une femme politique par son unique prénom. Enfin (et surtout), parce que supprimer le patronyme de Madame Le Pen c’est tomber dans le piège de la dédiabolisation.

Quand les jeunes du Front national tractent sur les marchés, ils ne disent pas “Votez Le Pen”, ils clament “Votez Marine”. Et ça change tout. Ainsi, l’étiquette “Le Pen”, qui nous fait forcément penser à Jean-Marie, s’efface au profit du seul prénom de la candidate. Elle devient, juste “Marine”, notre bonne vieille copine. La féminité de son prénom vient adoucir la dureté de son nom de famille et crée une certaine familiarité avec les potentiels électeurs.

En temps normal, nommer une femme politique par son prénom – comme Ségolène Royal renommée “Ségo” en 2007 – la décrédibilise. Ce qui est clairement du sexisme a été utilisé par la communication du Front National pour féminiser l’image du parti d’extrême droite.  Cela pourrait nous faire croire que voter Marine, ce n’est pas voter Le Pen. Et pourtant, c’est exactement la même chose.

Un outil de communication imparable

Si en 2012 elle était tout simplement la fille de Jean-Marie Le Pen, aujourd’hui elle n’est plus que “Marine”. Tapez “Marine” dans Google et vous n’aurez que des articles sur la candidate du Front national. Essayez avec n’importe quel autre prénom, vous tomberez sur des “fiches prénoms” vous expliquant leurs origines et significations.

Le Front national a même créé le site Internet marine2017.fr, avec un compte à rebours jusqu’à l’élection présidentielle. Même Jean-Marie Le Pen a dit “Moi, je vote Marine”, sur son compte Twitter. Pourtant, Marine n’est pas le prénom de naissance de la candidate : elle est née Marion-Anne.

Pour le sociologue Baptiste Coulmont, auteur de Changer de prénom : de l’identité à l’authenticité, le prénom des personnalités politiques pourrait être utilisé “de manière stratégique”, et ce encore plus au Front national, où cette question vire à l’obsession. Pour l’extrême droite, le prénom serait un révélateur de l’identité. Grosso modo, avoir un prénom bien français, c’est être vraiment français. Pour preuve, la fachosphère s’amuse à appeler les candidats “Farid Fillon”, “Ali Juppé”, ou encore “Bilal Hamon”.

Elodie Mielczareck, sémiologue spécialisée en communication verbale et non verbale, parle même d’une “Marine” qui se transformerait en “Marianne”. L’auteure de Déjouez les manipulateurs explique également que la candidate du Front national “arrive à jouer sur des codes inconscients”, en particulier dans son clip de campagne, “où la mer n’est pas seulement un lieu physique (la côte bretonne) mais un lieu symbolique, la mère de la France”. C’est ainsi que, symboliquement, Marine Le Pen devient “la métaphore de la mère patrie”, une sorte de Marie avec un “n”.

Et voilà comment Marine Le Pen a fait de son prénom une arme de dédiabolisation massive et essaye de faire oublier à une partie de son électorat qu’elle est une Le Pen. Alors ne vous y trompez pas.