Projet UnSlut : un manifeste pour en finir avec le slut-shaming

Projet UnSlut : un manifeste pour en finir avec le slut-shaming

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Par Lydia Morrish

Publié le

Konbini s’est allié au projet UnSlut pour écrire un manifeste qui explique simplement comment on peut tous essayer de mettre fin à ce phénomène vraiment pourri.

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Quand Emily Lindin a commencé le projet UnSlut, peu de gens savaient ce qu’était le slut-shaming. Bien sûr, la plupart des femmes l’avaient déjà vécu, mais il n’y avait pas de mot pour nommer cette réalité.

Trois ans plus tard, le slut-shaming est connu de tous. Quand ce n’est pas Amber Rose qui lance son mouvement Slut Walk pour dénoncer le contrôle de la sexualité féminine, ce sont d’autres, comme nous qui défendent le droit des femmes à faire ce qu’elles veulent de leur corps, sur Internet et dans la vraie vie.

Chaque jour, des gens prennent conscience de l’ampleur de ce phénomène et cherchent à combattre l’usage de l’adjectif “salope” pour qualifier des femmes dont le seul crime est d’être actives sexuellement. Tout ça est très bien, mais il faut en finir une fois pour toutes avec le slut-shaming.

Auteure d’un livre et d’un film pour le projet UnSlut, Emily Lindin, qui est désormais à sa façon une prophétesse de la lutte anti-slut-shaming, me raconte comment à l’école, tout le monde la traitait de salope. Elle explique :

“À l’époque, je ne savais pas que c’était du harcèlement et du slut-shaming, je pensais que le problème venait de moi et que ça n’allait jamais s’arrêter.”

Heureusement, grâce au soutien de ses parents et à des activités créatives, elle a finalement réussi à dépasser les douloureuses brimades du slut-shaming. Mais, comme elle l’a appris grâce au projet UnSlut, pour lequel des personnes partagent leurs histoires personnelles de slut-shaming, “tout le monde ne s’en tire pas aussi bien”.

Elle est la preuve vivante que le contrôle de la sexualité féminine commence très jeune. Il paraît évident qu’il faut agir, non seulement en faisant un doigt d’honneur à ceux qui se livrent au slut-shaming, mais surtout en empêchant que de nouvelles personnes ne tombent dans ce piège.

C’est pourquoi Konbini vous a concocté en collaboration avec Emily Lindin un manifeste exhaustif pour faire du slut-shaming de l’histoire ancienne.

Pour en finir avec le slut-shaming, un manifeste

Une éducation sexuelle adaptée

Le slut-shaming commence dès le plus jeune âge. C’est l’une des formes les plus communes que prend le harcèlement envers les jeunes filles. Que ce soit lié à un dress-code sexiste, ou à du harcèlement, des filles incroyablement jeunes se font traiter de salopes. Une éducation sexuelle saine et bien faite qui donne une bonne image du sexe pourrait changer la donne.

“L’éducation sexuelle est déplorable, déclare Emily Lindin. On a une éducation qui ne prône que l’abstinence, alors qu’on sait depuis longtemps que cela ne fait qu’augmenter le nombre de grossesses non désirées et de MST. C’est vraiment débile.”

Il faudra certainement du temps, mais l’éducation est le facteur clé. Pour mettre fin à cette situation, il faut éduquer les enfants aux relations saines et de leur âge. À défaut de pouvoir compter sur notre système éducatif pour s’adapter aux évolutions de la société, c’est à nous d’apprendre à nos jeunes à nouer des relations saines.

On peut tous le faire, même sans être employé par le ministère de l’Éducation. Il y a des jeunes dans votre famille ? Parlez de sexualité avec eux et évoquez le deux poids deux mesures entre les filles et les garçons qui ont une vie sexuelle fournie. Vous avez un ami qui continue à se livrer au slut-shaming ? Apprenez-lui et montrez-lui en quoi c’est un acte terrible.

Arrêtez d’employer le mot salope comme insulte

Bien sûr, on peut se réapproprier le mot, mais il faut laisser du temps. Pour Emily Lindin, “c’est un devoir envers les autres femmes de ne pas employer le mot salope de manière à laisser entendre que le problème vient de la sexualité.”

Par exemple, si vous n’aimez pas une fille pour une raison ou pour une autre, demandez-vous ce que vous n’aimez pas chez elle (elle est méchante, trop critique, prétentieuse…) et, si vous devez l’insulter, partez là-dessus. On n’est pas obligé d’aimer toutes les femmes, mais on peut réfléchir une seconde avant de traiter quelqu’un de salope.

Le langage a le pouvoir de faire passer certains messages dans la mentalité collective. Traiter une fille de salope, juste parce que vous ne l’aimez pas c’est très traditionaliste, et ça n’aide personne. Ça ne fait que renforcer le phénomène du slut-shaming.

“Si elle t’a trompé, traite-la de traîtresse, affirme Emily Lindin. Insiste plutôt sur le fait qu’elle a trahi ta confiance plutôt que de parler de l’aspect sexuel de la chose, parce que ça ne rend service à personne.”

(via GIPHY)

Plus de porno féministe

Ces dernières années, le porno pour femmes a fait de grands pas dans le monde du film de cul. Des femmes incroyables et créatives comme Erika Lust inventent un style plus narratif qui aide les femmes à s’affirmer. Pour contrer toute l’offre de vidéos violentes, il faut inventer un porno féministe qui enseigne à la fois le plaisir sexuel, mais aussi à avoir une vie sexuelle saine.

“Je ne suis pas contre le porno en tant que tel, mais c’est un monde vraiment difficile. Il faut créer des alternatives féministes pour que tout le monde puisse être excité. Le porno est un autre type de médium et on n’arrivera jamais à l’éradiquer, donc il vaut mieux le faire évoluer de l’intérieur, en montrant qu’on peut être excité par différentes choses et de différentes manières. Pourquoi ça se résumerait toujours à des hommes qui font des films pour les hommes ?”

Écouter et partager plus d’histoires

Le projet UnSlut donne une voix aux nombreuses femmes qui ont été victimes du slut-shaming. Ce faisant, cela multiplie les possibilités de toucher les gens et de les alerter du danger de cette pratique.

Partager des histoires, on peut tous le faire pour participer au changement. D’après Emily, il faut que nous fassions savoir ce qui se passe dans nos propres familles et dans nos cercles sociaux.

“Ne vous fâchez pas en pensant qu’on écoute toujours les mêmes personnes, les mêmes histoires. Même si en tant que mec hétéro vous n’avez pas été victime de slut-shaming, vous pouvez comprendre que vos amis ou votre copine ont pu l’être.”

(via MIC)

Prendre ses responsabilités et décider de changer

Après avoir écouté, les récits de nos camarades filles, chacun peut se décider à participer à l’éradication de ce problème à l’avenir. Les femmes humilient tout autant d’autres femmes que les hommes, et ça n’est donc pas aux femmes de régler seules ce problème. Tout le monde peut participer.

Le fait que certaines d’entre nous aient été humiliées dans le passé ne signifie pas que nous n’ayons pas participé à humilier d’autres filles. Emily m’explique qu’il y a encore quelques années, elle ne se rendait pas compte de cette réalité et se livrait sans le savoir au slut-shaming, tout en ayant été une victime :

“Je crois que j’ai participé au slut-shaming jusqu’à mes 25 ans. J’avais moi-même été victimisée et traitée de salope, mais je ne voyais pas le rapport. Si l’ex de mon mec avait un nouveau copain, on allait regarder sur Facebook pour l’humilier. Ce n’était même pas un comportement bizarre, c’était complètement normalisé.”

“Il faut se décider à essayer de régler ce problème et rejoindre le mouvement pour que quelque chose puisse changer.”

Pour découvrir le projet UnSlut, vous pouvez visiter son site, son fil Twitter ou sa page Facebook

Traduit de l’anglais par Dario

À lire – > Pour en finir avec le “slut-shaming”