On a posé quelques questions à Teki Latex, nouveau curateur des Boiler Room en France

On a posé quelques questions à Teki Latex, nouveau curateur des Boiler Room en France

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Par Arthur Cios

Publié le

Le célèbre DJ français Teki Latex devient curateur pour la France des célèbres Boiler Room. À l’occasion de sa première soirée, on a posé quelques questions à l’intéressé.

D’un côté, une machine bien huilée qui, depuis 2010, filme et retransmet en streaming des sets d’artistes, de Laurent Garnier trois heures durant au Sucre, à Lyon, à BadBadNotGood dans le célèbre studio de Gilles Peterson, à Londres. De l’autre, un monstre connu de tous ou presque dans le paysage musical français, de TTC à son label Sound Pellegrino. Les Boiler Room s’associent donc avec Teki Latex, nouveau curateur et présentateur des éditions françaises.
Le premier fruit de cette collaboration est l’édition de ce lundi 25 avril, mettant en avant quatre artistes pas (encore) vraiment connus du public : Simo Cell, Voiron, AZF et Koyote. On en a profité pour poser quelques questions au bonhomme.
Konbini | Tu es le nouveau curateur de Boiler Room France, comment ça s’est goupillé ?
Teki Latex | Cela fait plusieurs années qu’on en parle avec Blaise, de Boiler Room, via Sound Pellegrino. J’avais déjà fait plusieurs épisodes consacrés au label, et je me souviens d’un rendez-vous à l’Amsterdam Dance Event il y a deux ans où nous parlions déjà de fusionner Overdrive Infinity (mon émission hebdomadaire de streaming de DJ sur Dailymotion) et Boiler Room. On est tous très occupés dans la vie, donc ça a pris le temps qu’il fallait. J’ai revu l’équipe lors du Boiler Room un peu orienté “voguing” que j’ai programmé récemment au Generator et les discussions ont repris.
Aujourd’hui je suis à la tête de l’équipe Boiler Room France. Je suis le curateur et présentateur, Émile Shahidi, qui bosse avec moi depuis toujours s’occupe de la partie production, et Jonathan Miltat, qui travaille pour Boiler Room depuis déjà quelque temps, s’occupe des partenariats.
Qu’est-ce que ça implique pour toi, et pour les Boiler Room?
Environ une fois par mois, je vais programmer et organiser une Boiler Room en France avec mon équipe, dans des clubs et dans divers lieux. En parallèle, Overdrive Infinity devrait très vite intégrer la chaîne Boiler Room et donc bénéficier de sa promo chaque semaine. En plus, je peux suggérer des idées de Boiler Room “chapeautées” par moi dans le monde entier — j’ai la chance d’avoir la confiance des gars du bureau londonien. Le mois dernier, j’ai programmé une Boiler Room Londres avec les jeunes espoirs Riz La Teef et Nervous Horizon, ça s’est super bien passé et, du coup, j’en refais une à Londres fin mai.

Comment définirais-tu l’esprit Boiler Room?
Quand je discute avec les boss, et notamment Blaise, ce qui leur tient à cœur, c’est vraiment de mettre en avant la culture underground dont Boiler Room découle. L’esprit des radios pirates, aller chercher les petites scènes underground et les mettre en valeur de la manière la plus authentique possible, c’est ça le moteur de Boiler Room. Ils sont vraiment sans concession et il savent que leur atout c’est une connaissance du terrain et des scènes locales indiscutables.
En gros ils partent du principe que les grosses marques et les gros évènements vont les chercher parce qu’ils ont une expertise de l’underground sans faille et qu’ils touchent énormément de gens, donc même s’ils s’associent à ces marques ce sera toujours dans l’optique de faire quelque chose de pointu et d’excitant, sans aucune concession.
En quoi, selon toi, les Boiler Room ont joué un rôle dans la diffusion de l’électro et de la techno dans le monde ?
C’est devenu une institution, ça ouvre la porte de tout un monde de musique électronique à des gens qui n’ont pas forcément les clés pour y pénétrer. Si tu as entendu parler de la scène Baltimore club sans jamais avoir mis les pieds dans cette ville, tu peux en avoir un aperçu fidèle en regardant l’épisode de Boiler Room consacré à ça. Pareil pour la house sud-africaine ou le baile funk. Si tu as un job et une famille et que tu ne peux plus te déplacer en club ou en festival comme pendant tes jeunes années, tu peux regarder Richie Hawtin ou Fatima Yamaha au festival Dekmantel allongé dans ton lit, ça ne te rendra pas ta jeunesse mais c’est tout de même fabuleux.

Il y a eu, ces derniers temps, un petit creux chez les Boiler, probablement un problème de renouvellement, tous les gros artistes étant déjà passés par la case Boiler. Tu l’expliques comment, toi?
Dans la musique que j’écoute et parmi les artistes que je suis, je n’ai pas l’impression qu’il y ait eu de creux dans leur représentation chez Boiler Room. Peut être que l’idée que les gens se font de Boiler Room est celle d’une grosse institution qui a fait le tour de tous les gros DJ de la techno et de la house, et c’est certainement le cas, mais moi je m’intéresse à des scènes plus avant-gardistes et hybrides que ça.
Je pense qu’ils font appel à moi et à des personnalités qui ont le même type de profil pour apporter du sang neuf et mener des projets underground qui les rapprochent de leurs racines et de l’esprit vraiment pirate des premières Boiler Room. C’est dans cet esprit-là que j’ai programmé celle du mois dernier à Londres d’ailleurs, et par la suite les gens du bureaux m’ont remercié d’avoir ramené cette vibe londonienne underground très proche de leurs débuts.
Ce soir, tu décides de ramener quatre artistes peu reconnus, pourtant très bons, comme Voiron ou AZF. Est-ce ta manière de répondre à cela?
C’est le reflet de ce que j’aime tout simplement. Des artistes en qui je crois, qui vont cartonner bientôt, si ce n’est pas déjà le cas. Je pense que depuis le temps que je découvre des artistes à travers Institubes, Sound Pellegrino puis Overdrive Infinity, les gens ont appris à me faire confiance, et d’ailleurs ça s’est vu sur le RSVP de l’évènement qui était plein à craquer en quelques heures ! Le line-up de ce soir, ce sont les gens qui vont être à l’affiche de tous les clubs et festivals la saison prochaine. Maintenant que j’ai l’outil Boiler Room entre les mains, je vais tâcher de mettre la lumière sur les gens qui le méritent.

Est-ce que les prochaines Boiler seront aussi pointues ?
Oui, c’est garanti. Mais je ne réfléchis même pas en ces termes, je me dis juste : “Qui sont les meilleurs DJ que je connaisse?” Et hop, je les booke. Je m’en fous qu’ils soient reconnus ou pas, s’ils m’impressionnent, moi, alors que j’en ai vu défiler depuis tant d’années, c’est qu’ils méritent de l’être.
Il y a presque deux ans, tu poussais un coup de gueule intelligent sur le Huffington Post entre la rivalité entre la techno presque élitiste et l’électro moins puriste. Vas-tu utiliser cet outil pour mettre en avant des mouvances, des artistes plus en retrait et assez peu valorisés par les puristes justement?
Je vais tâcher de mettre en avant des artistes talentueux et avant-gardistes qui le méritent, notamment des gens de sensibilité, de couleur, de genre et de sexualité différents de ceux qui sont généralement mis en avant par le milieu techno parisien. Je pensais que ça allait s’atténuer mais en fait la situation des “clans” dans la musique électronique à Paris est toujours bel et bien en place : la house inoffensive et la techno autoroute très “blanche”, mise en avant dans tous les clubs et festivals soit-disant crédibles, commencent à tourner en rond et à s’essouffler. Je compte bien utiliser ce nouvel outil Boiler Room pour rétablir la balance et montrer que les vrais puristes et les vrais passionnés ne sont pas forcément ceux que l’on croit.

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