Circuit court
Une fois ces données empiriques compilées, les chercheurs ont constitué des cartes montrant les zones de production des substances et lez zones où elles sont commercialisées. Sans surprise, aucune des trois drogues étudiées n’est envoyée dans des zones géographiques différentes de celles où se trouvent les vendeurs. De fait, le marché du darknet ne modifie absolument pas les circuits traditionnels de trafic de drogue instaurés par les cartels ; les vendeurs anonymes derrière les plateformes d’échange récupèrent probablement leur marchandise auprès de grossistes implantés en Europe et aux États-Unis avant de la revendre au détail, exerçant de facto la même activité qu’un dealer IRL, situé en bout de chaîne et alimentant un marché local. Une seule exception : les opiacés, pour lesquels les chercheurs avouent ne pas avoir pu tracer de modèle.
Quant aux marchés où l’offre de drogue est déjà abondante et diversifiée, comme l’Europe, le darknet n’a pas rendu l’achat particulièrement plus accessible, expliquent les chercheurs (une opinion à nuancer, cependant : le Global Drug Survey de 2017, la plus grande étude statistique annuelle sur la consommation de drogue en Europe, démontrait qu’au Royaume-Uni, l’utilisation du darknet avait doublé en trois ans, passant de 12 à 25 % des sondés). Seule différence, peut-être : en achetant en ligne, grâce au système de note des vendeurs, la probabilité d’acheter des produits très coupés ou de “mauvaise qualité” est foncièrement moindre.
Entre 2012 et 2016, relevait The Economist, l’économie des drogues sur le darknet était passée d’une quinzaine de millions à environ 150 millions de dollars au moment de la fermeture de Silk Road 2 (à titre de comparaison, le marché mondial de la drogue IRL était estimé à 300 milliards de dollars par les Nations unies). Depuis, le marché s’est atomisé, rendant plus difficile toute tentative de mesure. Selon l’étude, les plus gros réservoirs à consommateurs (70 % du trafic mondial) se trouvent aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas, et “la géographie des marchés du darknet est surtout déterminée par la demande des consommateurs, et non par une nouvelle demande impulsée par les différents marchés.” L’économie de la drogue en ligne respecte donc les fondamentaux mis en place par le trafic de rue : réseaux de production d’un côté, réseaux de vente de l’autre, et chacun chez soi.
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