Mardi 6 février, la consigne dite de “tolérance zéro” du pape François à l’égard des agissements pédophiles dans l’Église a été sérieusement mise à mal.
À voir aussi sur Konbini
Les soupçons d’agissements pédophiles sur un prêtre chilien, le père Karadima, pèsent sur l’Église catholique depuis plusieurs années, après que des victimes présumées ont élevé la voix et directement mis en cause ce dernier. Un autre représentant de l’Église, Monseigneur Juan Barros, est quant à lui suspecté d’avoir couvert les agressions du prêtre, mais aussi d’avoir été présent lors de certaines d’entre elles, commises sur de jeunes garçons.
Mardi 6 février, l’agence Associated Press a publié des informations qui mettent très sérieusement en doute les déclarations du pape François, qui a toujours assuré n’avoir jamais eu accès à des “preuves” lui permettant d’accuser Mgr Barros.
Alors qu’il était en visite au Chili du 15 au 18 janvier dernier, le souverain pontife avait en effet apporté son soutien à Mgr Barros et demandé aux victimes de fournir des preuves des faits avancés : “Le jour où vous m’apportez une preuve contre Barros, je parlerai. Il n’y a pas une seule preuve contre lui. Ce ne sont que calomnies. C’est clair ?”
Des propos remis en cause par une lettre
Suite au tollé provoqué par ses propos, François avait dû s’expliquer en déclarant :
“Entendre le pape leur dire en face : ‘Apportez-moi une lettre avec la preuve’, c’est une gifle. Et je me rends compte maintenant que mon expression n’a pas été heureuse.
Et je comprends, comme dit l’apôtre Pierre dans une de ses lettres, l’incendie qui s’est déclenché.”
Sauf que.
En 2015, l’une des victimes présumées, Juan Carlos Cruz, avait rédigé une lettre pour supplier le pape d’écouter sa douleur. Un courrier long de huit pages dans lequel on peut lire ces mots, consultés et rapportés par Associated Press :
“Saint-Père, je vous écris cette lettre car je suis fatigué de me battre, de pleurer et de souffrir.
Notre histoire est bien connue et il n’y a pas besoin de la répéter, si ce n’est vous dire l’horreur que c’est d’avoir vécu cet abus et à quel point je voulais mettre fin à mes jours.”
Il y affirme noir sur blanc la culpabilité de Mgr Barros : “Juan Barros a couvert tous les agissements que je viens de vous rapporter.” Cette lettre, remise à la commission pontificale chargée de la prévention de la pédophilie, a été transmise au président de la commission, le cardinal Sean O’Malley, qui a ensuite assuré l’avoir communiquée au pape lui-même.
Monseigneur Barros avait été nommé en 2015 par le pape François, alors même que des soupçons de pédophilie pesaient déjà sur lui. Juan Carlos Cruz, l’auteur du courrier, a réagi après la parution de l’article d’Associated Press et publié un message dans lequel il écrit : “Une fois encore, la lumière brille là où ils ne voudraient que de l’obscurité…”
Lies and cover up from Pope Francis @Pontifex @episcopado_cl and Vatican on bishop Barros’ case exposed today by @AP @nwinfield @evergaraap today. Once more a light shines where they only want darkness. https://t.co/ctUbznvhlH
— Juan Carlos Cruz Ch. (@jccruzchellew) 5 février 2018