On salue tout le monde ! Waïa est une plateforme 100 % digitale dédiée aux femmes noires, à leur beauté, leur style, leur attitude, mais qui a l’ambition de s’inscrire dans les médias français. Nous voulons parler des et aux filles modernes, de la génération millennial. Elles sont ancrées dans leur temps, nourries de culture anglo-saxonne mais aussi européenne et africaine. Waïa va proposer des séries mode réalisées par l’équipe mettant en scène les femmes noires comme on n’a pas l’habitude de les voir, mais aussi des tutoriels beauté en vidéo, des interviews et des portraits de femmes inspirantes. On va bien sûr parler de beauté, mais aussi de sujets culture et société.
Qu’est-ce qui vous a poussé à fonder ce magazine aujourd’hui ?
Waïa découle de l’envie collective de notre équipe de mettre les femmes noires en avant. Nous sommes cinq filles à l’origine du projet : Raïssa Tchoulague, directrice artistique, Nathalie Chebou Moth, responsable de l’organisation et des partenariats, Regynn Yengo, styliste, Oldie Mbani, maquilleuse, et Mélanie Wanga, directrice éditoriale. Chacune d’entre nous, de manière différente, a pu être témoin de la difficulté des médias et de l’industrie de la beauté française à mettre les femmes noires en avant. Avec Waïa, nous avons voulu apporter une réponse positive et joyeuse, qui soit proche de notre communauté. On a voulu être les actrices de notre représentation.
Pourquoi cette initiative n’a pas pu être réalisée avant, selon vous ?
Étonnamment, il existe une tradition des magazines francophones destinés aux femmes noires. Par exemple,
AWA Magazine est un féminin africain des années 1960-70 et l’une de nos inspirations. Et bien sûr, il existe dans les kiosques français des magazines papier à destination des femmes noires ou maghrébines, comme
Amina ou
Miss Ebène, mais ils sont destinés à un public plus âgé, et assez éloignés des nouvelles tendances que l’on voit émerger sur les réseaux sociaux (le féminisme intersectionnel, ou les mouvements nappy et body positive).
Nous voulons nous adresser aux millennials qui ont entre 15 et 40 ans. Ce qui est sûr, c’est qu’un projet comme Waïa ne pouvait voir le jour indépendamment des grands médias classiques. Encore aujourd’hui, on entend dans les rédactions françaises des débats sur le fait d’intégrer ou non des photos d’illustration avec des personnes noires. Dans les féminins, c’est encore plus compliqué : les femmes noires “ne vendent pas” parce que les “lectrices ne s’y reconnaissent pas” selon un adage courant. Dans ce contexte, compliqué de laisser la place à de nouvelles visions, de nouveaux visages ou à une vraie diversité. C’est en partie pour cela qu’Instagram est devenu une telle force prescriptrice qui a sapé la toute-puissance de la presse : pêle-mêle, on y trouve des tutoriels, des photos célébrant les peaux foncées, les cheveux et les corps des femmes noires…
Quelle était votre plus grosse appréhension lorsque vous vous êtes lancées dans ce projet ?
Les procès en communautarisme bien sûr qui, notons-le, ont tendance à faire surface uniquement quand ce sont des personnes non-blanches qui se réunissent. Mais surtout, on n’était pas sûres de fédérer un public. Nous savions que nous trouvions l’idée super, et que nous aurions aimé grandir avec un média comme Waïa. Mais on ne savait pas si ça allait intéresser d’autres personnes. Aujourd’hui, on est rassurées : en trois semaines d’existence, nous avons recueilli 1 500 abonnés sur Instagram ; des photographes, modèles et marques nous ont proposé de travailler avec eux… Pour nous, c’est une vraie victoire.
Sur le site, Waïa est décrit comme un “mouvement”, une “révolution”, pouvez-vous m’expliquer pourquoi ?
C’est notre manière d’inclure notre public dans notre projet. Waïa n’est pas quelque chose que l’on veut construire seules : on veut répondre aux demandes, aux idées de celles et ceux qui nous suivent, créer une vraie plateforme. Et pour cela, le mot “révolution” sonne bien, du coup !