Avec son clip Our Musical Ode to the Clitoris, le site Rafinery29 revient avec humour sur l’histoire de cet organe féminin trop longtemps ignoré.
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“Nous sommes fiers de vous présenter une ode musicale à la partie la plus fun du corps féminin“, c’est avec ces termes que le site Rafinery29, qui a vocation à devenir “le premier nouveau média pour les femmes intelligentes, créatives et élégantes du monde entier“, décrit son clip Our Musical Ode to the Clitoris, qui vient d’être publié sur sa chaîne YouTube.
Avec son refrain entêtant “le clitoris a été un mystère, le clitoris est mon anatomie” et son clip à la fois kitsch, WTF et déjanté, repéré par Madmoizelle, la chanson revient avec dérision sur l’histoire du clitoris, le principal détonateur de l’orgasme féminin et nous rappelle à quel point il a été pendant longtemps stigmatisé et marginalisé.
La terrible histoire du clitoris
La principale force de ce clip est de revenir sur les différentes étapes historiques qu’a connues le clitoris. D’une scène qui pourrait bien se dérouler au Moyen Âge et nous rappelle que la religion a souvent contribué à diaboliser le plaisir féminin, on passe à cette époque où les anatomistes ont commencé à étudier le corps humain en disséquant des morts et en prenant bien soin de jeter l’étude du clitoris aux oubliettes.
En effet, comme le rappelle la gynécologue-obstétricienne Odile Buisson dans son ouvrage Qui a peur du point G ? – dont le sous-titre “Le plaisir féminin, une angoisse masculine” résume bien le problème –, il a fallu attendre 1998 pour connaître précisément l’anatomie du clitoris et 2008 pour que la première échographie de l’organe le plus sensible de l’être humain soit réalisée.
Apparaît ensuite dans le clip Freud, et sa fameuse théorie du “désir de pénis” chez les femmes qui qualifiait ainsi l’orgasme clitoridien d’immature et l’orgasme vaginal d’adulte… C’est pourquoi Maïa Mazaurette considère dans son livre La Revanche du clitoris que le père de la psychanalyse a été “un des grands exciseurs du clitoris“.
Enfin, le clip rappelle l’apport important des scientifiques américains William H. Masters et Virginia Johnson dont l’histoire est mise en scène dans la série passionnante Masters of Sex. Ce couple américain a en effet révolutionné la sexologie des années 1960 et 1970 en étudiant des couples en train de faire l’amour et des hommes et des femmes en train de se masturber. Il suffit de revoir la scène où le gynécologue présente devant le corps médical la vidéo de l’intérieur d’un vagin pendant la masturbation pour comprendre pourquoi l’étude du plaisir féminin et du clitoris a pendant si longtemps été inexistante et, surtout, dérangeante.
“L’excision culturelle du clitoris”
Dans son ouvrage La Revanche du clitoris, Maïa Mazaurette explique comment les sociétés occidentales contemporaines procèdent à une “excision culturelle du clitoris“, cet attribut redouté depuis toujours par la gent masculine, effrayée à l’idée d’ouvrir un peu plus cette boîte de Pandore. Dans une interview accordée au site Au féminin, elle développe :
“Disons que le plaisir que les hommes donnent aux femmes par leur clitoris est un plaisir ‘gratuit’ : ils n’obtiennent aucune jouissance physique en retour, alors que la pénétration les fait jouir. Ils ont tout intérêt à ‘ignorer’ le clitoris. Ajoutons à cela que la sexualité est souvent associée par la religion à la seule reproduction.”
Le problème est alors le suivant : de nombreuses femmes et hommes envisagent seulement la stimulation du clitoris comme un préliminaire pour permettre la pénétration afin d’atteindre l’orgasme (simultané si possible). Ce qui en soi est très compliqué à réaliser sachant que seulement 25 % des femmes parviennent à l’orgasme grâce à une pénétration vaginale.
Ainsi, beaucoup trop de personnes considèrent encore la pénétration comme le “vrai rapport sexuel”, ce qui, soit dit en passant, reviendrait à dire que les lesbiennes sans godemichet n’ont pas de vrais rapports sexuels… Cela relève d’un manque flagrant de connaissance du clitoris et plus largement du corps de la femme. En effet, dans son livre, Maïa Mazaurette assène des propos percutants : “En 2007, tous les adolescents savent ce qu’est la sodomie, mais peu sont capables de situer le clitoris“, ce qui est quand même inquiétant !
Cela entraîne alors un autre problème : la vision de la masturbation féminine. Alors que l’on voit souvent la masturbation masculine comme une banalité et une nécessité (grossièrement, celle de se vider les couilles), la masturbation féminine est beaucoup moins assumée. De la réaction de garçons excités à l’idée d’entendre une fille avouer qu’elle se masturbe à cette sorte de honte qui peut exister au moment d’en parler, même entre copines, on constate que le préjugé selon lequel seules les nymphos se touchent est encore vivace. La masturbation féminine reste donc encore un sujet tabou.
Le plaisir féminin, en plus de rester un grand mystère, semble donc déranger les hommes, peut être tout simplement jaloux du potentiel de jouissance que procure la stimulation du clitoris. “L’excision culturelle du clitoris” est bien présente dans nos sociétés et pire encore l’excision réelle, soit la mutilation génitale féminine, est encore une pratique qui met en danger la vie de trois millions de femmes et filles dans le monde entier.
Alors de la même manière que l’ode musical au clitoris met à la poubelle le patriarcat, on a tout simplement envie de finir en disant : “Longue vie au clito !”