Le MoMA (Museum of Modern Art) a annoncé l’acquisition de la première série de 176 emojis, créée en 1999, pour sa collection permanente. Le plus grand musée d’art contemporain de New York confirme son saut à pieds joints dans l’ère du numérique.
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Le 26 octobre, le MoMA a fait un gros coup et a jeté des ponts entre l’art, Internet et le quotidien numérique, en faisant l’acquisition des 176 tout premiers emojis. C’est à l’opérateur mobile japonais NTT DoCoMo et son designer Shigetaka Kurita que l’on doit cette première planche, révolutionnaire en son temps. Avec le développement massif des emails dans les années 1990, le ton des conversations online s’asséchait pour rentrer dans un style quasi télégraphique. De fait, la transmission d’émotions humaines devenait de plus en plus difficile et un besoin urgent commençait à se faire sentir chez les utilisateurs.
Malgré leur simplicité apparente, les emojis sont porteurs d’une nouvelle culture du langage et apparaissent comme un moyen de remettre de l’humain dans l’espace abstrait des communications électroniques. Ceci explique pourquoi, près de vingt ans après, la conservatrice du département d’architecture du musée, Paola Antonelli, annonce avec enthousiasme : “Ils sont si beaux et expressifs, alors même que la technologie à l’époque était si limitée !” Une conservatrice de musée raide dingue d’un smiley, ça donne à réfléchir.
Ce n’est qu’avec leur adoption par Apple, en 2011, qu’ils commenceront à être utilisés massivement par le grand public, engendrant la création d’une multitude de nouveaux symboles (on en compte près de 2 000 aujourd’hui).
Pixelisé à mort
Mais qu’est-ce qui fait le charme de cette planche des origines ? Rien à voir avec le boule de Kim K ou la fameuse aubergine… Le style des premiers emojis est nettement plus rudimentaires : 12×12 pixels seulement (genre Tamagotchi), 7 coloris (noir, rouge, orange, violet, vert et bleu) et c’est tout. Malgré tout, sur son site, le musée affirme que “cette planche a planté la graine pour la croissance explosive d’un nouveau langage visuel“. Car c’est bien là l’objectif du MoMA : acquérir un morceau d’Histoire, un bout de la culture populaire, le point d’ancrage d’une nouvelle forme de communication, c’est pas rien. En effet, la plupart des emojis de la planche sont les précurseurs de ceux qu’on utilise quotidiennement sans y penser : le coeur, les yeux ronds, le smiley…
Le MoMA a par ailleurs signé un accord avec la firme japonaise pour pouvoir exploiter la planche à sa guise. La direction du musée prévoit ainsi de les exposer en décembre dans la grande salle d’accueil, au format 2D. Cette initiative rappelle celle d’il y a six ans, lorsque le musée avait défrayé la chronique en faisant l’acquisition du signe “@”, symbole immatériel de la modernité.
Si vous doutiez encore de la profondeur méta-philo-sociologique de la démarche, la conservatrice du musée en remet une couche : “En soi les emojis sont des idéogrammes, l’un des plus anciens moyens de communication. J’aime la manière avec laquelle les siècles arrivent à se connectent”. Les emojis, hiéroglyphes du troisième millénaire ?