NEW WAVE 2018 : Benjamin Lavernhe, l’acharné

NEW WAVE 2018 : Benjamin Lavernhe, l’acharné

Ils sont jeunes et vont prendre la relève du cinéma français. Après Sofian Khammes et Eye Haïdara, Benjamin Lavernhe pousse un coup de gueule dans nos studios.

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(© Benjamin Marius Petit)

Après un parcours scolaire solide, Benjamin Lavernhe découvre le Cours Florent et commence à se passionner pour le théâtre jusqu’à devenir pensionnaire de la Comédie-Française. Après avoir décroché son premier rôle dans le film Radiostars, il se fait remarquer cette année dans Le Sens de la fête d’Olivier Nakache et Éric Toledano.

Nommé aux César, l’acteur poursuit sa route, avec élégance, humour et originalité et fait un saut dans nos studios pour pousser un coup de gueule et ressusciter la chanson culte de Francky Vincent, “Droit de réponse”.

Konbini | Quel âge as-tu ?

Benjamin Laverhne | J’ai 34 ans.

Tu es né où ?

À Poitiers.

As-tu des origines ?

Certainement, mais je ne les connais pas vraiment. Je ferais peut-être le test un jour. Ça m’amuserait de savoir quel est le pourcentage de sang de tel continent et de tel pays, mais je n’ai pas d’origines étrangères à ma connaissance. Ma mère vient de Châtellerault et mon père a vécu un peu partout en France.

Ta famille a-t-elle un lien avec le cinéma ?

Pas du tout ! Ma mère peint et sculpte mais en tant qu’amatrice, donc la fibre artistique viendrait plus d’elle. Elle est vraiment douée en dessin.

En revanche, avec mes trois frères et sœurs, on est artistes. J’ai une sœur danseuse contemporaine et deux frères musiciens, le premier a un groupe qui s’appelle Pampa Folks et le deuxième mixe. Je ne sais pas si on s’est donné les idées entre nous mais c’est un drôle de hasard.

Vos parents vous soutenaient ?

Ils étaient vachement inquiets, pour les bonnes raisons, mais ouverts. Ils avaient envie que l’on continue nos études, qu’on fasse un truc dit “sérieux”. C’était le deal.

Moi j’ai eu mon bac, j’ai fait hypokhâgne puis une année de fac d’histoire et un Master de journalisme pour arriver à un bac + 4. En parallèle je faisais le Cours Florent à Paris. Et en fait, plus je faisais du théâtre, plus ça me plaisait. C’est là que ça m’a emporté.

C’était ton plan B, le journalisme ?

J’ai voulu commencer par la prépa car c’est très général. J’étais en internat et j’ai travaillé comme un âne mais c’était l’une des meilleures années d’études de ma vie. J’ai ensuite fait une fac d’histoire et c’était beaucoup plus impersonnel.

À la fin de cette année-là, je suis venu à Paris et j’ai essayé le Cours Florent. J’en avais marre d’hésiter, donc je suis allé voir. En parallèle, je me suis dirigé vers le journalisme car ça m’intéressait. Mais les écoles sont chères et représentent un engagement important, je suis donc allé à l’IFP, à Panthéon-Assas.

Et maintenant tu es pensionnaire à la Comédie Française…

Oui, j’ai trouvé une voie où je peux m’épanouir et ça me rend heureux. J’ai l’impression d’avoir une bonne étoile, j’ai été très protégé de périodes où l’on ne travaille pas. Il y en a qui détestent la Comédie-Française. Il y en a très peu qui refusent mais qui partent car c’est une drôle de manière de faire son boulot. C’est très prenant et certains ont envie de plus de liberté, d’écrire, de mettre en scène.

Moi j’adore. La Comédie-Française c’est une école incroyable. On joue beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup donc on comprend plus vite.

Et comment as-tu été attiré par le cinéma ?

J’avais des grandes émotions de cinéma quand j’étais petit, comme beaucoup d’êtres humains [rires]. On tournait aussi beaucoup de vidéos avec mes copains : on se faisait de faux documentaires d’Envoyé Spécial, on mettait de la farine dans des petits pochons pour faire des Enquêtes exclusives sur la drogue, des scènes de Quentin Tarantino avec des pistolets à billes, des scénarios… Ça m’amusait terriblement de faire ces vidéos le soir en rentrant du collège.

J’avais aussi une fascination pour le cinéma et l’amour qu’il y avait autour de ça : je regardais les cérémonies mais je ne me sentais pas très légitime. J’avais peur d’aimer ce métier pour de mauvaises raisons. C’est vraiment après, en faisant du théâtre que j’ai découvert le métier. Je me suis découvert une passion, j’ai commencé à lire plus aussi. C’est devenu une évidence, en allant voir, en fouillant, en pratiquant.

Je pense que l’expérience du théâtre est hyper importante pour le cinéma.

C’est vrai que tu as fait énormément de théâtre…

Je suis sorti du Conservatoire et j’ai eu la chance de travailler tout de suite au théâtre pendant un an. À la Comédie-Française, on fait beaucoup de pièces. En fait, en un an, tu peux faire 7 ou 8 spectacles et des reprises de rôles : des remplacements de comédiens en congés ou assurer des désistements. C’est un exercice hyper intéressant : tu te fous dans les rails de l’autre, mais sans t’oublier, sans imiter.

Et tu me racontes ton premier casting ?

Je peux te raconter un casting hallucinant mais ce n’était pas le premier ! Un jour j’ai passé un casting un peu fou, dans le salon d’un réalisateur dont je tairais le nom, avec une comédienne qui était là pour me donner la réplique. Elle avait l’air terrorisée. (Rires)

Il fallait jouer un GO du club Mickey en Normandie et je n’avais aucune place entre sa lampe et son canapé pour m’imaginer sur la plage… J’étais debout comme un gland. Il commence par me demander si je connais Pierre Niney, ce à quoi je réponds que c’est mon ami. Là, il me sort : “Il est vachement bien, je le voulais pour le rôle.”Donc super entrée en matière, je vois qu’il est déçu. Il me fait ensuite faire la scène et m’arrête net, très désagréable : “Benjamin, t’es pas dedans. On s’arrête et tu vas aller te concentrer dans la cuisine.”

J’étais scotché. J’avais un sourire crispé. J’étais tellement soufflé que j’y suis allé dans la cuisine et je tournais en rond en rigolant puis la comédienne est arrivée, trop gentille et navrée pour venir me chercher. Je reviens faire la scène et après un essai, il me dit assez brutalement qu’on va s’arrêter là…

(Rires) Heureusement que ce n’était pas ton premier casting effectivement…

Ouais, voilà. Ça m’a agacé mais ça ne m’a pas traumatisé dans mon expérience d’acteur. C’est hyper fragilisant mais j’avais déjà passé plein de castings pubs. Sodebo, Quick, Coca Lime, Kappa. Mais je doute que tu les retrouves…

Radiostars était ton premier rôle, pourquoi as-tu accepté de rejoindre le projet ?

Justement, c’était l’un des premiers castings de longs-métrages que je passais. Je trouvais ça marrant, c’était une comédie et ça me passionne. En allant passer les essais, j’ai trouvé Romain Levy très intéressant et j’étais un peu intrigué par Manu Payet, que je ne connaissais pas vraiment, outre ses one man show.

Comme je te disais, on m’a fait venir 5 fois car le producteur avait des doutes. Il voulait voir si je pouvais être efficace en étant plus glauque, plus sombre, plus introverti et moins dans la comédie. Je n’avais jamais rien fait et je n’y croyais plus vraiment. C’était ma première chance car une fois que j’ai tourné le film, j’ai commencé à travailler. On a remarqué mon personnage car il était un peu taré, en marge.

Comme dans Le Sens de la fête finalement, ton personnage du marié est très décalé aussi.

Oui, les deux sont des films choraux d’ailleurs donc on a un parcours. Ici, c’est un rôle important car tout tourne autour du mariage. C’est la pression, c’est l’enjeu. C’était hyper marrant de jouer ce côté insupportable. J’adore quand on peut composer.

J’ai été emporté par Olivier Nakache et Éric Toledano qui font de grandes comédies populaires tout en écrivant très bien pour les acteurs, ça les met en valeur.

Oui, j’ai l’impression que tu es vraiment sorti de l’ombre avec Le Sens de la fête.

Ça a eu un impact énorme. Je le vois aussi en écoutant les gens, je ne me rendais pas compte. Beaucoup pensaient que c’était mon premier film alors que j’en ai fait 15 avant ! Le film a été beaucoup vu et a été apprécié par le public et la profession.

Tu as d’ailleurs été nommé aux César pour ce rôle !

C’était ma première nomination oui, c’était trop excitant ! J’avais été prénommé en 2012, pour Radiostars.

J’imagine que tu as plein de projets maintenant ?

En effet il y a deux films qui vont sortir en 2019. Un film d’époque qui s’appelle Curiosa avec Camélia Jordana, Noémie Merlant et Niels Schneider. C’est une histoire complètement folle, un triangle amoureux qui parle d’une blessure d’amitié. Ça sortira le 4 avril 2019.

Ensuite, je serai dans Mon Inconnue, une comédie d’Hugo Gélin avec François Civil et Joséphine Japy. Je connaissais Hugo Gélin car il avait réalisé et produit quelques épisodes de la série Casting.

Là je viens de terminer un film qui s’appelle Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part, adapté du recueil de nouvelles d’Anna Gavalda. Arnaud Viard réalise ce drame familial, choral avec Jean-Paul Rouve et Alice Taglioni.

Autrice du projet et journaliste : Lucille Bion
Réalisation : Raphaël Choyé
Monteur : Simon Meheust
Cadreurs : Simon Meuheust, Luca Thiebault, Mike Germain
Son : Manuel Lormel et Paul Cattelat
Créa : Terence Milli
Photos : Benjamin Marius Petit