Après un voyage de cinq ans, la sonde d’exploration de la Nasa Juno s’est placée comme prévu en orbite autour de Jupiter. Une manœuvre parfaite.
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“La mise à feu du moteur principal est enclenchée. Je brûle pour toi, Jupiter” : en 2016, les grandes odyssées technologiques sont désormais annoncées au monde par des tweets à l’humour douteux (même si, techniquement, Juno, ou plutôt Junon en français, est la femme de Jupiter dans la mythologie romaine).
Si la Nasa a encore quelques cours de communication à prendre, malgré les spectaculaire progrès observés ces dernières années, son savoir-faire reste inégalable lorsqu’il s’agit d’envoyer des vaisseaux dans l’espace.
Après l’immense succès de la sonde New Horizons, qui mate Pluton sous toutes les coutures depuis bientôt un an et s’en va bientôt explorer la glaciale ceinture d’astéroïdes de Kuiper, l’agence spatiale américaine a réussi un autre tour de force : mettre une sonde en orbite autour de Jupiter, après cinq ans de voyage et 2, 7 milliards de kilomètres parcourus.
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Pour Rick Nybakken, responsable de la mission Juno, il s’agit tout simplement de “la chose la plus difficile qu’ait jamais fait la Nasa”, relate The Atlantic. Si l’excitation du moment a probablement fait perdre au scientifique son sens de la mesure, l’exploit technique est néanmoins colossal. Lancée en 2011, la sonde, de la taille d’un terrain de basket, s’est approchée de Jupiter à 265 000 kilomètres par heure — ce qui en fait l’objet le plus rapide jamais construit par l’être humain — avant d’entamer la périlleuse manœuvre d’insertion orbitale dans le champ de radiations le plus intense du système solaire (le champ magnétique de Jupiter est 20 000 fois supérieur à celui de la Terre).
Lancée à pleine vitesse, la sonde a dû allumer son moteur principal pendant 35 minutes pour se ralentir un bon coup, au moment précis où elle frôlait Jupiter, avant de déployer ses panneaux solaires le plus vite possible pour ne pas tomber en rade de batterie. Le moindre souci, le moindre décalage, et Juno aurait continué sa course dans l’espace, comme l’explique le New York Times en dressant la doom list de tous les problèmes qu’aurait pu rencontrer la manœuvre. Mais tout s’est déroulé sans la moindre anicroche et Juno, tranquillement installée à 300 kilomètres en orbite, peut maintenant entamer sa mission de recherche.
Au cœur du problème
La dernière fois qu’une sonde est allée jeter un œil à la titanesque et vénérable Jupiter, c’était Galileo, en 1995, qui nous avait déjà envoyé de jolies photos de vacances. Avec Juno, néanmoins, nous risquons d’en savoir beaucoup plus sur l’anatomie de la géante gazeuse, deux fois plus grande que toutes les autres planètes combinées.
Durant les vingt prochains mois, Juno et ses neuf instruments de mesure tourneront 37 fois autour de Jupiter (un tour de la planète s’effectue en 53 jours) et devraient fournir des informations inédites sur la magnétosphère (si puissante que les électrons se déplacent à des vitesses proches de celle de la lumière), le champ gravitationnel, les extraordinaires aurores parfois plus grosses que la Terre elle-même et, surtout, la composition de la planète.
Car si Jupiter, d’un diamètre onze fois supérieur à celui de la Terre, est une planète gazeuse dotée d’une atmosphère incroyablement dense, personne ne sait encore si elle est ou non dotée d’un cœur solide.
Quel que soit le diagnostic final, il fournira de précieuses informations sur la formation des planètes géantes, créées aux origines mêmes de l’Univers, qui sont en quelques sorte les grands-mères des corps planétaires.
Juno va aussi enquêter sur la présence d’eau (solide) dans la composition de Jupiter, bien qu’il soit hors de question d’envisager la géante gazeuse comme destination d’expatriation pour l’espèce humaine. Si tout va bien, d’ici deux ans, Juno devrait nous permettre de savoir de quoi Jupiter est faite, comment elle s’est formée et comment fonctionne son terrifiant magnétisme.
Pour le moment, les ingénieurs du Jet Propulsion Laboratory vont passer les prochains mois à calibrer les instruments de mesure, avant de débuter les observations en octobre. À partir du 3 novembre, la Nasa a prévu de faire voter les internautes pour choisir sur quelle partie de Jupiter pointer la caméra de la sonde.
Et le 20 février 2018, après un tour d’honneur orbital, Juno et ses instruments de mesure irradiés par l’équivalent de 100 millions de scanners dentaires (malgré leur caisson de protection en titane de 200 kilos) plongeront dans l’atmosphère invivable de Jupiter, scellant le sort de la mission… et du vaisseau à énergie solaire le plus endurant jamais conçu. En attendant, pour suivre ses deux années de pérégrinations scientifiques, c‘est par ici.