Cette année, en plus de proposer à nouveau un espace réservé aux personnes s’identifiant en tant que femmes, les organisateurs du Glastonbury Festival se sont mobilisés pour permettre à une victime de viol de profiter des concerts en toute sécurité malgré la présence de ses agresseurs présumés.
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Il y a quelque temps, on apprenait que le Bråvalla, le plus grand festival de musique suédois, s’arrêtait à cause des viols et autres agressions sexuelles qui s’y sont produits à répétition. Une humoriste suédoise avait ainsi décidé d’ouvrir un nouveau festival réservé aux femmes, pour que celles-ci y soient en sécurité. Un principe déjà mis en place notamment aux États-Unis, où le Michigan Womyn’s Music Festival s’est tenu de 1976 à 2015.
La nécessité d’espaces protégés a également été revendiquée au Royaume-Uni, où le 8 mai dernier, 28 festivals de musique britanniques se sont mobilisés pour mettre en place un “black-out” en ligne. Leurs sites n’affichaient que le message #saferspacesatfestivals (“des espaces plus sûrs dans les festivals”) pendant vingt-quatre heures afin de sensibiliser au problème. Et celui-ci est de taille, puisque les viols commis dans les boîtes, bars et pubs de Londres ont augmenté de 136 % entre 2011 et 2016.
Une mobilisation pour assurer la protection des femmes
Le célèbre festival de Glastonbury a ainsi décidé d’agir en installant un espace protégé lors de son édition de 2016, puis en 2017. Les organisateurs ont expliqué que “les espaces réservés aux femmes sont nécessaires dans un monde qui continue d’être contrôlé et organisé pour profiter principalement aux hommes”. Réservé à toutes les personnes s’identifiant en tant que femmes, cet espace baptisé “the Sisterhood” (“la sororité”) compte un personnel de sécurité 100 % féminin. Et des performances, ateliers, conférences et concerts (également entièrement féminins) s’y déroulent directement. Le but affiché est de permettre aux femmes “de communiquer, de se faire des relations, de partager leurs expériences, de s’amuser et de découvrir la meilleure façon de se soutenir”.
Et ce soutien, l’équipe du festival l’a également démontré en se mobilisant pour permettre à une femme victime de viol de profiter en toute sécurité de l’édition 2017, qui s’est tenue du 21 au 25 juin. C’est The Telegraph qui a publié la lettre ouverte que Laura Whitehurst avait rédigée sur son blog pour remercier les organisateurs du Glastonbury. La jeune femme de 27 ans, qui vit à Manchester, se faisait une joie d’aller pour la première fois au festival. La semaine de fête était prévue depuis longtemps avec un groupe d’amis qui partageait son enthousiasme. Mais en avril, deux hommes de ce groupe l’ont violée au cours d’une soirée. Dès le lendemain, explique-t-elle, certains de ses “amis” l’ont harcelée de coups de téléphone et de menaces pour qu’elle ne dépose pas plainte, afin de ne pas “gâcher le groupe” et leur “gâcher Glastonbury”.
On lui disait également de ne pas aller au festival, ce que l’agent de police ayant pris sa plainte lui avait aussi conseillé. Sauf que l’équipe du festival n’a pas donné suite à sa demande de remboursement de la manière qu’elle imaginait. Ils ont en effet tout mis en place pour qu’elle puisse se rendre aux concerts en toute sécurité, sans risquer de croiser ses agresseurs présumés − qui ont par contre pu tranquillement assister au festival.
“Vous m’avez à nouveau fait me sentir comme une survivante”
Elle a ainsi été accueillie personnellement et accompagnée à l’intérieur sans faire la queue, et reçu un emplacement de camping éloigné du groupe. Les organisateurs lui ont également donné un pass de parking et un accès aux bars et aux zones privées pour qu’elle puisse éviter la foule. Laura avait en outre des numéros d’urgence et une lettre des organisateurs demandant à ce qu’elle soit emmenée en lieu sûr si elle en manifestait le besoin. Elle a ainsi été protégée de ses agresseurs présumés, et a pu apprécier le festival qu’elle avait tant attendu.
Cette initiative des organisateurs du Glastonbury était donc une façon extrêmement louable de faire en sorte que ce ne soit pas la victime de viol qui soit punie, restreinte dans sa vie et contrainte de vivre dans la peur − même si cela ne constitue bien entendu pas une solution, puisque ses agresseurs présumés, accusés d’un crime grave, restaient entièrement libres d’assister au festival. Dans ce cas de violence sexuelle, la présomption d’innocence, qui est un droit fondamental, a un terrible revers et on peut se demander pourquoi la justice n’a pas émis un ordre d’éloignement provisoire pour protéger Laura en attendant que le jugement soit rendu.
Cette dernière a en tout cas tenu à raconter cette situation sur son blog pour louer la mobilisation des organisateurs, expliquant :
“Ces humains incroyables se sont unis pour s’assurer que pendant cinq jours, je n’aurais pas à me sentir comme une victime − je pouvais vraiment profiter du festival.”
Tout ceci n’a malheureusement pu empêcher l’agression d’une femme pendant le festival. Mais Laura a tenu à transmettre un message d’espoir, pour dire que des personnes avaient à cœur de protéger les femmes des agressions sexuelles, et de faire changer les choses. Et qu’en plus de pouvoir profiter des concerts, Glastonbury lui avait permis de “retrouver [la] foi en les gens”. Avant de conclure en écrivant à l’attention des organisateurs :
“J’espère que vous savez que vous avez fait une différence, et que vous m’avez à nouveau fait me sentir comme une survivante.”
Avec son témoignage à visage découvert, elle espère, comme elle l’a expliqué au Telegraph, aider les personnes “dans une situation similaire à chercher de l’aide”.