Condamné pour le meurtre de René Roullet, Michel Cardon a passé 14 827 jours en détention. Il était jusqu’à ce jour le détenu emprisonné depuis le plus longtemps.
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C’est avec une démarche hésitante que Michel Cardon, 67 ans, est sorti du centre de détention de Bapaume (Pas-de-Calais) ce vendredi 1er juin, vers 8 heures 30, suivi par les caméras de France 3. Il laisse derrière lui son numéro d’écrou : le 7147.
Depuis le décès en 2011 de Pierre-Just Marny, surnommé “la panthère noire”, qui avait mis fin à ses jours après 48 années passées en détention, il était le prisonnier français écroué depuis le plus longtemps.
Incarcéré en 1977 à l’âge de 26 ans, Michel Cardon a passé plus de quarante ans derrière les barreaux avant d’obtenir une liberté conditionnelle. S’il est surnommé “le détenu oublié”, il faut toutefois rappeler qu’il a commis un meurtre. Dans la nuit du 25 au 26 octobre 1977, alors qu’il tentait de cambrioler un pavillon près d’Amiens avec un complice, il a tué le retraité invalide résidant dans l’appartement, René Roullet.
Jugé pour ce vol de 200 francs et ce meurtre, Cardon échappe à la peine de mort mais écope d’une peine de prison à perpétuité tandis que son complice, Jean-Yves Defosse, meurt en détention provisoire. Michel Cardon a toujours juré de ne pas avoir porté le “coup fatal” qui a ôté la vie à René Roullet, accusant son ami de ce fait.
Michel Cardon est sorti de prison ce matin à 8h40 après 14.827 jours de détention, soit 40 ans 7 mois et 5 jours.
— Eric Morain (@EricMorain) 1 juin 2018
“40 ans de vie dans un chariot à peine plus grand qu’un Caddie de supermarché”
Le 30 mars dernier, alors que les médias français se passionnaient pour l’affaire de l’héritage de Johnny Hallyday, le tribunal d’Arras examinait donc le destin d’un homme affaibli par la solitude et la détention. Hormis quelques coups de fil passés à ses enfants au début de son emprisonnement, Michel Cardon n’a eu aucun contact avec le monde extérieur durant tout ce temps.
Le 18 avril dernier, il obtient sa première permission de sortie en quarante ans et c’est avec son avocat qu’il choisit de déjeuner. Mais surtout, sa première visite derrière les barreaux, Michel Cardon l’a reçue au bout de trente-huit ans. Il s’agissait de celle d’un ancien codétenu, qui avait promis de venir lui rendre visite. Ce dernier confie alors à La Voix du Nord : “Ce qu’il vit est plus dur que la peine de mort. Il aurait moins souffert.”
Celui qui deviendra son avocat, Éric Morain, s’était ému de son cas en lisant l’article du quotidien local et se mit alors en tête de le faire libérer. Interrogé par France 3, l’avocat compare son client à Robinson Crusoé : “[le visage] mangé par la barbe, mais avec un merveilleux sourire.” “Il a du mal à parler car il a les restes d’un AVC, du mal à respirer car il a des problèmes cardiaques, il est sourd d’une oreille”, poursuit-il avant de préciser qu’il “comprend et s’exprime” tout de même de manière suffisante.
“Quarante ans de vie dans un chariot à peine plus grand qu’un Caddie de supermarché”, résume Éric Morain, qui est venu le chercher ce matin. Il confie néanmoins à La Voix du Nord ne pas être “inquiet” et son client “non plus” quant à son futur en liberté : “Il va retrouver son vieux copain Joël, ça sera génial !”
Nous, on loue des camionnettes de 20m3 quand on déménage au bout de 10 ans.
— Eric Morain (@EricMorain) 1 juin 2018
Ici 40 ans de vie dans un chariot à peine plus grand qu'un caddie de supermarché. #FreeMichelCardon pic.twitter.com/Q851X6lsvP