“Mandela Day” : aujourd’hui, 67 minutes contre la pauvreté

“Mandela Day” : aujourd’hui, 67 minutes contre la pauvreté

Des foules de Sud-Africains s’engagent aujourd’hui pour aider leurs prochains, l’occasion pour l’opposition de critiquer le gouvernement en place.

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Il aurait eu 99 ans aujourd’hui. Et pour honorer son œuvre, la fondation Nelson-Mandela organise comme chaque année une journée internationale placée sous le signe d’une cause qui lui était chère. Aujourd’hui, c’est la lutte contre la pauvreté qui est mise en avant : les citoyens de la nation arc-en-ciel – et du monde entier – sont appelés à donner 67 minutes de leur temps à leur communauté. Soixante-sept minutes en mémoire des 67 années de militantisme de “Madiba”. Plus que la mémoire de l’homme, c’est bien son héritage qui est honoré, et pour le média sud-africain Cape Argus, cette initiative “célèbre l’idée que chaque individu a le pouvoir de transformer le monde”.

Pour les ONG du pays, cette journée est synonyme de lancements de projets bien souvent destinés à durer au-delà du 18 juillet. “Pour nous, c’est le plus gros événement de l’année”, se réjouit un responsable associatif dans les colonnes de La Croix. Récolte de dons, inscriptions d’adhérents, visibilité : une aubaine pour ces associations majoritairement engagées dans la lutte contre la faim. “Le plus gros défi qui reste à relever en Afrique du Sud, c’est celui de nourrir ceux qui sont dans le besoin, en leur proposant une alimentation de qualité”, continue le responsable.

Afin d’orienter les Sud-Africains dans cet élan de générosité, l’ONG publie pour la première fois un guide listant de nombreux exemples d’actions possibles, avec l’aide de l’Onu. “Nous les appelons à s’engager dans des projets destinés à tacler la pauvreté”, assure Sello Hatang, président de la fondation Mandela. Tricoter des couvertures pour les plus démunis, cultiver le potager d’une école, aider à construire une maison : tout est bon pour mobiliser la nation, et chaque année, le 18 juillet voit des flots de personnes déferler dans les rues avec la ferme intention d’aider. Mais entre des sessions jardinage, des ateliers tricots, la réalisation de fresques et l’organisation de grands concerts, le Mandela Day serait-il en train de devenir une fête populaire, de plus en plus éloignée de son message originel ?

C’est en tout cas ce que semble craindre le Zulu Land Observer, qui publie dans ses colonnes une liste d’écueils à éviter. Bien préparer sa journée, ne pas se focaliser sur certaines tâches simplistes comme le jardinage, voir au-delà des enjeux financiers, s’inscrire sur le temps long. Ce dernier conseil revient souvent : 67 minutes par an, c’est bien peu. C’est pourquoi les médias sud-africains et la fondation Nelson-Mandela appellent les volontaires à poursuivre leurs actions tout au long de l’année. Un “changement stratégique” qui vise justement à éviter la déperdition de la raison d’être de cette journée. “Nous souhaitons que les gens s’engagent dans un effort sur le long terme”, avance ainsi Sello Hatang, car “la pauvreté et les inégalités érodent les fondations de la société juste et démocratique pour laquelle Madiba s’est battu avec tant de force”.

Nous vivons dans un pays démocratique”

Une journée très engagée qui a évidemment été récupérée par les représentants politiques du pays, à commencer par le président Jacob Zuma, qui a exhorté la population à s’engager contre la pauvreté. Les opposants voient dans le Mandela Day l’occasion de fédérer la nation arc-en-ciel autour d’idéaux démocratiques forts : “Nous avons baissé la garde, le Mandela Day nous aidera à la relever”, écrit dans les colonnes du Sunday Times l’analyste et ancien militant politique Khehla Shubane. En ligne de mire, Jacob Zuma, au pouvoir depuis huit ans et inquiété par de multiples affaires de corruption. Au-delà de ses démêlés judiciaires, ses pratiques de gouvernance font tache et suscitent la colère d’une partie la population, exaspérée par le népotisme et les limogeages arbitraires d’hommes politiques réputés intègres.

“Zuma veut gouverner ce pays comme ils le font dans d’autres pays d’Afrique. Notre pays n’a rien à voir avec ces pays. Nous vivons dans un pays démocratique”, déclarait un militant au journal Le Monde en juin, à l’occasion d’une manifestation contre le chef de l’État. Un président pourtant issu des rangs de l’African National Congress (ANC), parti longtemps dirigé par… Mandela lui-même.