“L’Otan avait longtemps tenu le devant de la scène et voilà qu’elle n’est déjà plus qu’un personnage en quête d’auteur. Tout à la fierté de ses succès passés et à l’espoir de ses succès futurs, elle se cramponne à ce qu’elle fut et rêve de ce qu’elle pourrait être, sans bien comprendre ni ce qui lui arrive ni ce qu’elle est devenue.” Gabriel Robin
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Ce propos de Gabriel Robin, ambassadeur permanent de la France à l’Otan, rédigé en 1995, témoigne assez fidèlement de la situation encore actuelle dans laquelle se trouve l’Otan. Créée le 4 avril 1949 lors de la signature du Traité de Washington, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord est née de la volonté de douze démocraties occidentales – Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, France, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni – de se protéger de la crainte d’une volonté expansionniste en provenance de l’URSS. Elle s’est depuis élargie et compte désormais 28 pays membres signataires ainsi que 45 partenaires.
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L’Otan se définit comme un organisme de défense collective
“An attack on one of us is an attack on all of us” : voici le credo que se propose l’Otan, craignant depuis ses débuts une menace soviétique et cherchant à s’en prémunir. Comme le rappelle Le Figaro, selon le diplomate britannique Hastings Lionel Ismay, le but premier de cette alliance entre pays d’Europe et d’Amérique du Nord était de “garder les Russes à l’extérieur, les Américains à l’intérieur et les Allemands sous tutelle”. L’on va chercher à mettre en perspective sa présence dans le monde de 2017 et la pertinence d’une telle institution depuis la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’URSS.
Il convient au préalable de légitimer en quelques chiffres la démarche qui est la nôtre en soulignant l’importance de cette organisation. Concrètement, l’Otan dispose d’1,918 milliards d’euros de budget et ce sont quelque 3 182 000 soldats qui ont été mobilisés durant l’année 2016. L’Otan se définit elle-même comme une organisation dont “l’objectif fondamental […] est la sauvegarde de la liberté et de la sécurité de tous ses membres par des moyens politiques et militaires.” L’article 5 du Traité de Washington, fondement de son existence, instaure la possibilité d’ingérence dans les conflits internationaux, que l’on peut considérer comme étant son principal pouvoir. Ce point précise :
“Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord.”
Afin de financer l’organisation de la défense, en théorie, chaque pays doit contribuer à hauteur de 2 % de son PIB (produit intérieur brut), c’est du moins l’objectif que s’est fixé l’Otan. Certains déséquilibres se laissent entrevoir. Par exemple, une grande partie du budget de l’Otan provient du financement américain, ce qui peut occasionner certaines tensions.
Enfin, il faut savoir la différencier de l’Organisation des Nations unies (Onu). L’Otan fut créée deux ans après, dans une logique de défense collective. Elles fonctionnèrent de manière indépendante jusqu’à ce que la crise des Balkans dans les années 1990 ne les force à coopérer. Dans “L’Otan et l’Onu : une relation complexe et ambiguë“, le chef d’escadron Benjamin Roehrig, qui a servi durant deux années à l’Otan, estime que cette période marque un tournant dans les relations qu’entretiennent les deux organisations, déclarant “une forme de division du travail apparaît alors : l’ONU fournit la légitimité quand l’Otan apporte son efficacité” mais évoque “une incapacité des deux organisations à agir de conserve”. Lorsque l’Onu montre quelques faiblesses lors de conflits internationaux, en raison notamment de la notion de veto qui existe au Conseil de sécurité de l’Onu, qui peut bloquer des décisions de coalition, l’Otan peut aller sur son terrain. Plus simplement, l’Onu est une organisation diplomatique quand l’Otan est une organisation de coordination militaire.
Quelle légitimité depuis 1991 ?
Puisque nous évoquions l’origine de sa création, qui provient de la crainte qu’avaient les pays occidentaux d’une volonté hégémonique et expansionniste de l’URSS, une fois son adversaire disparu, quelle est sa raison d’être aujourd’hui ? On peut considérer qu’il y eut une nouvelle donne à l’occasion de la chute du mur de Berlin en 1989 puis deux ans plus tard lors de l’éclatement de l’URSS, notamment puisque des pays de l’Est intégrèrent eux-mêmes l’Otan. En réalité, de nouveaux adversaires aux visages divers parmi lesquels le terrorisme ont fait leur apparition. Dans un contexte politique international qui impose de reformuler le propos de Raymond Aron en “paix impossible, guerre très probable”, la nécessité d’une organisation mondiale n’est plus à prouver. La question de sa légitimité ou de la pertinence de l’Otan en est une autre.
Il n’en reste pas moins que l’Organisation existe toujours, le président américain Donald Trump étant allé jusqu’à stopper ses vives critiques à son égard, déclarant qu’elle “n’est plus obsolète”. L’Otan a dû et doit constamment faire face à une certaine obsolescence qui tient à l’instabilité du contexte politique actuel et des dynamiques politiques en permanente recomposition. Selon François d’Alançon, journaliste à La Croix et spécialiste des questions internationales, elle a dû composer avec les grands changements opérés avec le passage au XXIe siècle et la mutation des menaces :
“L’Otan d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec celle de 1966, lorsque la France en quitta le commandement militaire. L’Alliance a abandonné sa posture de guerre froide, centrée sur la défense du territoire, tout en conservant sa mission de défense collective en cas d’agression. […] Désormais, l’Alliance intervient pour défendre les intérêts de ses membres au-delà de leurs frontières : en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan et, récemment, au large des côtes de Somalie. […] Les missions se sont étendues à la protection contre des menaces aussi diverses que la prolifération des armes de destruction massive, les trafics transnationaux, la piraterie ou les cyberattaques. Pour l’avenir, elle cherche à développer son rôle en matière de sécurité énergétique.”
Turquie, Irak, Afghanistan, guerre du Donbass… Les cartes ont été redistribuées et les terrains d’action de l’Otan déplacés, même si la relation conflictuelle avec la Russie est toujours sous-jacente. En effet, la Russie apparaît en filigrane de manière plus ou moins importante ou oppositionnelle de chacun des théâtres de conflits cités précédemment. Enfin, on questionne la capacité de la Turquie à rester dans l’Otan, capacité contestée en raison de la situation politique du pays. Car les pays ne sont pas membres de l’Otan de manière irréversible, en témoigne notre exemple français.
La France dans le commandement intégré de l’Otan
“La France considère que les changements accomplis ou en voie de l’être, depuis 1949, en Europe, en Asie et ailleurs, ainsi que l’évolution de sa propre situation et de ses propres forces ne justifient plus, pour ce qui la concerne, les dispositions d’ordre militaire prises après la conclusion de l’Alliance.”
Quarante ans plus tard, quelques mois après son accession au pouvoir, le président Nicolas Sarkozy décide de réintégrer la France dans l’Otan et l’annonce officiellement à l’occasion du Congrès de Washington le 7 novembre 2007. Il entérine définitivement cette décision en 2009. Durant ces quarante années, la France n’a jamais quitté l’Otan, mais le commandement intégré, c’est-à-dire le Comité de défense de l’Otan. Lorsqu’elle l’a réintégré, la France n’a pas pour autant adhéré à nouveau au Groupe des plans nucléaires et est aujourd’hui le seul pays à ne pas en faire partie.
La participation de la France constitue encore aujourd’hui un sujet de discorde, qui divisait les candidats à l’élection présidentielle. Si l’on souhaite savoir ce que va être la position de la France face à l’Otan pour le prochain quinquennat, on ne peut pour l’instant que tenter de se fier aux promesses de campagne du président nouvellement élu, Emmanuel Macron, qui est favorable au maintien de la France dans l’Otan. Il est également contre un élargissement de l’Organisation, à moins que celui-ci s’adresse à des pays des Balkans ou de Scandinavie. En outre, son programme précisait :
“[La France] veillera à limiter les interventions de l’Otan en dehors de sa zone géographique aux seuls cas où les intérêts de la France sont directement concernés.”