J’ai rencontré Camille Lepage lors de mon premier voyage dans le sud du Soudan l’été dernier. Une jeune française enjouée qui travaillait dans les rues sales de Djouba à l’arrière d’un vieux scooter. Elle espérait travailler avec moi pour illustrer un article que je devais couvrir.
Camille ne se laissait pas décourager et avait commencé à me faire part d’idées d’histoires immédiatement. Avant même de m’en rendre compte, j’étais déjà à ses côtés en train de couvrir un défilé de mode à Djouba [à voir sur son site, ndlr]. Un sujet lumineux et coloré pour un pays qui n’est pas connu pour l’être […].
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Camille était aussi à l’aise avec les civils qu’avec les soldats lorsqu’elle les photographiait. [Elle] était optimiste, généreuse, bosseuse et acharnée.
Septembre 2013 : Camille Lepage débarque en Centrafique, soit trois mois avant l’opération militaire Sangaris. À l’époque, très peu de journalistes sont sur place. Sur son Instagram, elle poste une image de la rivière Oubangui :
Quand on jette un coup d’oeil à son compte, sur lequel elle proposait quelques instantanés de sa vie de freelance entre New York, l’exposition Visa à Perpignan et ses reportages en Afrique, on remarque que sa dernière photo est plongée dans le brouillard. Sur une route, des soldats.
En commentaire, elle contextualise son périple et la centaine de kilomètres qu’elle vient de parcourir.
Le Soudan du Sud, principal sujet de Camille Lepage
Mais ce n’était pas la première fois qu’elle foulait le sol de l’Afrique. Un an plus tôt, en juillet 2012, elle était déjà au Soudan du Sud, pays né le 9 janvier 2011 suite à la sécession de la République du Soudan. Un référendum d’autodermination l’avait décidé.
Pour son projet photographique You Will Forget Me, elle racontait :
You will forget me essaie d’illustrer les changements des Noubas [les différentes populations africaines au Sud du Soudan, dans la région de Kordofan du Sud, ndlr]. La paix, la stabilité et le bonheur qui sont essentiels aux habitants ont disparu et maintenant leur vie quotidienne est un combat sans fin pour survivre – que ce soit pour aller trouver à manger ou des armes.
Si elle n’avait pas été une excellente photographe, elle n’aurait pas tenu aussi longtemps et n’aurait pas vendu ses photos au Parisien, au Monde, à Time, au Sunday Times, etc. Mais ce qui la distinguait dans cet univers cruel qui ne ressemble plus en rien à l’ère glorieuse du photojournalisme des années 1960-1980, c’était son investissement.
Camille avait décidé de s’installer à Djouba, la capitale du dernier État créé dans le monde, le Soudan du Sud. Elle y vivait depuis juillet 2012 et elle était tombée amoureuse de ce pays difficile et rude pour les journalistes.
Sur place, Camille Lepage illustre aussi la schizophrénie du pays, dans une série intitulée Vanishing Youth qu’elle réalise en deux parties. Elle reste trois jours à l’hôpital de Bor, photographiant des victimes d’attaques aux côtés d’autres blessés, ceux qui avaient tenté de les tuer. Une proximité qu’elle capture à l’aide de portraits froids, dans un noir et blanc brut.
L’une de ses dernières images, téléchargée sur son compte Instagram il y a deux semaines, représente bien son oeuvre de photojournaliste : proche des gens et colorée afin de ne pas donner qu’une vision terne et pessimiste de l’Afrique.