Emploi fictif, népotisme, communication catastrophique, pétition… La situation du candidat Les Républicains se complique au fil des révélations, on vous aide à y voir plus clair.
À voir aussi sur Konbini
Ce qu’on appelle désormais le “Penelopegate” est un véritable accident industriel pour la droite française : alors même que son candidat avait fait de la probité son cheval de bataille, les suspicions d’emploi fictif de sa femme comme “attachée parlementaire” font exploser en plein vol sa posture de chevalier blanc de la classe politique. Nous revenons avec vous sur les points clés de ce tremblement de terre.
Quatre affaires dans l’affaire
Le Canard enchaîné assure que Penelope Fillon a été employée par son mari comme assistante parlementaire entre 1998 et 2007, sans qu’elle ne laisse beaucoup de traces de son passage ou des travaux effectués. Les collaborateurs interrogés assurent ne l’avoir jamais vue, un absentéisme présumé de neuf ans pour lequel elle a touché pas moins de 500 000 euros. Une véritable bombe qui vaut aujourd’hui à François Fillon d’être la cible d’une enquête pour détournement d’agent public et abus de biens sociaux. Voilà pour l’affaire initiale, qui pourrait coûter au couple Fillon jusqu’à 1,3 million d’euros d’amende et 15 ans d’emprisonnement.
À cette affaire s’ajoutent d’autres détails croustillants. On apprend ainsi que la même Penelope a été embauchée par la Revue des deux mondes pour un salaire avoisinant les 100 000 euros, en moins de deux ans. Encore une fois, les traces du travail produit sont bien maigres. En fait, elles ne consistent qu’en deux petites notes d’une page chacune. 50 000 euros la page, pas mal. Le propriétaire de la revue, le milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, est un proche de la famille Fillon. S’il est avéré que madame Fillon n’exerçait aucune activité (ou presque) au sein de la revue, l’affaire tiendrait donc du financement illégal d’activité politique.
Des faits pour lesquels le couple Fillon est entendu par les policiers de l’Office central contre la corruption et la lutte contre les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ce lundi 30 janvier, dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte mercredi 25 janvier.
Le troisième volet de l’affaire a été dévoilé par… François Fillon lui-même. Interviewé sur TF1 pour exposer sa version du Penelopegate, il tente de prendre les devants et d’éviter une nouvelle “boule puante” en avouant qu’il avait lui-même embauché deux de ses enfants alors qu’il était sénateur, mettant en avant leur qualité d’avocats. Le hic, c’est qu’on découvre rapidement que lesdits enfants étaient encore étudiants en droit et n’avaient pas encore prêté serment à l’époque où ils travaillaient pour leur père, soit entre 2005 et 2007. L’un deux n’est même officiellement devenu avocat qu’en… 2011, soit quatre ans plus tard. Exit l’argument des enfants parfaitement compétents pour le job, place au népotisme dans sa forme la plus simple. Une nouvelle séquence catastrophique pour François Fillon qui révèle un peu plus la désastreuse communication de crise élaborée par son clan.
Enfin, Mediapart a révélé samedi 28 janvier que le candidat Les Républicains (LR) avait bénéficié pendant des années d’un système de commissions opaques orchestré au Sénat qui permettait aux sénateurs de récupérer en sous-main une partie des fonds destinés au fonctionnement des différents groupes politiques. De l’argent public dans des poches très privées. Les sommes évoquées ne peuvent être comparées à celles touchées par Penelope Fillon (elles tournent plutôt aux alentours de 25 000 euros), mais les juges d’instruction estiment que le système de captation pouvait relever d’une infraction pénale. Coup de bol pour le candidat, ils ne s’intéressent qu’à la période 2009-2015. Lui était sénateur de 2005 à 2007 : “passer entre les gouttes”, allégorie.
La droite dans l’inconnu
Face aux révélations à répétition, les fidèles de François Fillon organisent leur réponse à la crise autour d’un seul argument : employer des membres de sa famille dans la fonction publique est parfaitement légal. C’est indéniable. Mais si ces emplois sont fictifs ? L’argument ne tient plus. Une défense hasardeuse qui nous vaut quelques jours plus tard cette (jouissive) séquence malaise de Valérie Boyer, porte-parole du candidat :
Pour désamorcer la bombe, François Fillon joue l’émotion, dénonce la supposée “misogynie” du Canard enchaîné et est forcé d’aller au front au 20 heures de TF1 : “La seule chose qui m’empêcherait d’être candidat c’est si mon honneur était atteint, si j’étais mis en examen.” Prise de risque en apparence seulement : les délais du parquet sur ces affaires laissent peu de chance à un tel événement d’arriver avant la présidentielle. Mais la question reste en suspens : si jamais l’ex-Premier ministre devait être mis en examen, qui pour le remplacer ? Et le simple fait que cette interrogation soit sur toutes les lèvres est représentatif de la fragilité de la posture de celui qui, fin novembre, sortait triomphant de la primaire de la droite.
Alain Juppé, finaliste malheureux de la primaire, a déclaré ne pas souhaiter être une “solution de repêchage” et écarte d’un revers de la main tout remplacement : “Non, c’est clairement non, certes, la polémique est préoccupante, mais cela ne change rien à ma décision.” De son côté, Nicolas Sarkozy s’est montré sobre : “La question ne se pose pas.”
La question ne se pose tellement pas que toute la droite est en branle-bas de combat pour trouver un recours à son nouveau chef menacé. Écartant l’idée de l’organisation d’une nouvelle primaire, à seulement quelques mois de l’élection présidentielle, les barons se mettent à rêver d’un vote en bureau politique. Une manière d’écarter définitivement un homme au bord du précipice.