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Le pain est d’or, le manifeste pour une cuisine anti-gaspi, solidaire et humaniste de Massimo Bottura

Le pain est d’or, le manifeste pour une cuisine anti-gaspi, solidaire et humaniste de Massimo Bottura

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(© Pharrell Arot)

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Par Pharrell Arot

Publié le

150 recettes de 50 chefs pour 400 pages de rencontres, de simplicité et d’une nouvelle forme d’eucharistie.

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Trois étoiles au compteur, son établissement à la première place du classement des 50 meilleurs restaurants du monde en 2016, Massimo Bottura est un monstre culinaire. Mais il est surtout le prêcheur moderne d’une communion par la gastronomie. La cuisine de ce nouvel ouvrage, ce n’est pas celle des tables aux ingrédients prestigieux et aux accords mets et vins à plusieurs centaines d’euros. Le pain est d’or est un recueil avec 50 chefs comme 50 apôtres, tous venus cuisiner au premier “Refettorio” du chef, cette incroyable soupe populaire lancée pendant l’Exposition universelle de Milan à la fin du printemps 2015. Première brique de sa fondation Food for Soul, qui a ensuite permis de faire voyager cette nouvelle forme de partage pour les plus démunis aux JO de Rio et depuis ce 15 mars à Paris, cette histoire écrite de souvenirs, d’instants concrets et d’anecdotes émouvantes redéfinit le livre de recettes.

Traduction : “#refettorio #paris est prêt, les tables sont prêtes et la cuisine aussi.”

Il pane è oro

Dès les premières pages du livre, Massimo, qui rédige l’ouvrage à la première personne à la manière d’un journal chronologique, nous explique le titre, et nous donne les clés pour mieux comprendre sa vision et son engagement sur ce projet. Inspiré d’un souvenir d’enfance, où Massimo chérissait le plaisir du pain dur trempé dans du lait avec beaucoup de sucre, Le pain est d’or est la recréation de ce plat aux ingrédients simples, intellectualisée et sublimée par la cuisine du chef. Ce pain, d’or, est aussi le pilier de son projet de soupe populaire ; ici, peu importe le nombre d’étoiles des chefs aux commandes, ils cuisineront chaque jour avec les rebuts, des produits presque périmés, et autres légumes abîmés donnés par les producteurs, supermarchés et marchés des alentours, autant d’aliments normalement destinés à la poubelle.

“Transformer des produits est certes une opération concrète, mais elle est surtout intellectuelle. Travailler dans les cuisines du Refettorio, c’était comme travailler à un problème de mathématiques, à cela près que les chefs raisonnaient en termes d’ingrédients et démontraient leurs théorèmes par des recettes. Une autre différence était que les solutions n’avaient rien de mathématique : elles étaient affectives.”

#refettoriogastromotiva #foodforsoul Tables are ready

Une publication partagée par Massimo Bottura (@massimobottura) le

Traduction : “#refettoriogastromotiva #foodforsoul Les tables sont prêtes.”

Sublimer une cuisine de débrouille

De ces contraintes, que les chefs surpassent avec talent, on s’inspire. On repense alors le contenu de nos placards et de nos frigos. Que ce soit le pain ou les autres produits alimentaires, ils doivent être utilisés pleinement, en les repensant, les transformant, ou en apprenant à les appréhender différemment. Nous produisons pour deux fois la population mondiale, il est donc impensable que nous jetions tant et que certains n’aient pas de quoi se nourrir dignement.

“Ce que nous, les chefs, devons faire : rendre l’attitude ‘anti-gaspi’ désirable, afin de manger avec bonheur et délectation”, soulève justement Alain Ducasse, lors de son passage à Milan. Le chef est d’ailleurs le premier à cuisiner, en duo avec Yannick Alléno, pour l’ouverture du Refettorio français.

Transcender la simplicité par l’intelligence culinaire

50 chefs prestigieux, venus du monde entier, de Joan Roca à René Redzepi en passant par Michel Troisgros ou Mitsuharu Tsumura, se sont donc succédé, pendant 5 mois, dans la banlieue de Milan, et ont cuisiné pour des laissés-pour-compte et des enfants du quartier. Qu’ils soient italiens ou venant du bout du monde, ces chefs ont transcendé les ingrédients disponibles pour proposer une cuisine riche d’idées et de saveurs, et toutes les recettes compilées dans Le pain est d’or n’ont rien d’une cuisine au rabais ; chaque sauce, chaque plat à base de pâtes ou de pain, chaque dessert aux fruits abîmés sortent dans l’assiette avec le même engagement que dans leurs restaurants. “En tant que chef, peu importe pour qui vous cuisinez, vous devez tout faire pour que ce soit le meilleur possible”, rappelle Massimo Bottura.

Recueil de plats simples, de recettes issues de dizaines de patrimoines différents avec pourtant les mêmes ingrédients, Le pain est d’or est un ouvrage choral, comme une dream team de la cuisine jouant un match amical pour le partage FC. Et vu que nous sommes tous des entraîneurs, à chaque recette, quelques lignes sont laissées pour nous laisser le loisir de prendre des notes. Rencontré cette semaine à Paris, le chef a sans doute résumé son credo dans les quelques mots qu’il a griffonnés au feutre sur la première page de mon exemplaire : “Cuisiner est un acte d’amour”.

Le pain est d’or, ingrédients ordinaires pour repas extraordinaires
Massimo Bottura & Friends
Édition Phaidon
39,95 euros