La loi sur le secret des affaires adoptée en première lecture à l’Assemblée

La loi sur le secret des affaires adoptée en première lecture à l’Assemblée

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Par Astrid Van Laer

Publié

Qualifié par certains de “loi bâillon”, le projet de loi du député Raphaël Gauvain, qui effraye de nombreux journalistes qui craignent un phénomène de censure, voire d’autocensure, vient d’être approuvé par l’Assemblée nationale.

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Le très controversé projet de loi au sujet du “secret des affaires” était discuté ces mardi 27 et mercredi 28 mars à l’Assemblée nationale. Proposé par le député La République en marche de la 5e circonscription de Saône-et-Loire, Raphaël Gauvain, il a pour but de transposer une directive européenne, adoptée il y a deux ans, à l’échelle nationale, en faisant inscrire cette dernière dans le droit français.

Son but : protéger les entreprises françaises contre la divulgation d’informations confidentielles. “Il s’agit de protéger nos entreprises contre l’espionnage économique, le pillage industriel ou la concurrence déloyale”, détaille le rapporteur du texte, M. Gauvain. D’après l’AFP, les députés ont approuvé ce texte en première lecture, par 46 voix contre 20.

Malgré l’intervention de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui avait assuré que “le secret des affaires ne pourra être opposé aux lanceurs d’alertes et aux journalistes”, les craintes qu’il y ait des dérives étaient restées présentes. La loi est accusée d’être susceptible d’entacher la liberté d’informer des journalistes, sous couvert de protéger les petites et moyennes entreprises contre les dangers de l’espionnage industriel.

“Des scandales comme celui du Mediator pourraient ne plus être portés à la connaissance des citoyens”

Le 22 mars dernier, des collectifs de journalistes, travaillant dans des médias comme Le Monde, Les Échos ou encore Libération, ont cosigné une tribune intitulée “L’intérêt général et le droit des citoyens à l’information remis en cause”. Ces syndicats de journalistes y dénoncent les “lobbies des multinationales et des banques d’affaires”.

Selon eux, des “scandales comme celui du Mediator ou du bisphénol A, ou des affaires comme les Panama Papers ou LuxLeaks pourraient [à l’avenir] ne plus être portés à la connaissance des citoyens”. Ils craignent que ce texte juridique ne devienne une “arme de dissuasion massive” notamment à cause des procédures “longues et coûteuses” qu’impliquent d’éventuelles poursuites judiciaires.

Ils rappellent en outre que “le vol de documents et la propriété intellectuelle sont déjà encadrés par la loi” et détaillent ce qui leur pose problème :

“La définition des ‘secrets d’affaires’ est si vaste que n’importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie. L’infraction au secret des affaires aurait lieu dès lors que ces informations seraient obtenues ou diffusées, et leur divulgation serait passible de sanctions pénales.”

Comme le rapporte l’Agence France Presse, pour répondre “aux craintes exprimées par les journalistes et les lanceurs d’alerte” sur les procédures dites “bâillon”, des “sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive” ont été ajoutées, à l’initiative du rapporteur en commission. L’amendement adopté prévoit une amende civile qui pourra aller jusqu’à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts, ou jusqu’à 60 000 euros en l’absence de demande.

Malgré tout, une pétition avait été lancée pour “restreindre le champ d’application” de la loi “aux seuls acteurs économiques”. Cette dernière est notamment soutenue par la journaliste Élise Lucet et le lanceur d’alerte Édouard Perrin.