Au Kenya, Google a refusé de supprimer de YouTube un clip de rap militant pour les droits des homosexuels interdit par les autorités en février. Résultat : sa popularité explose.
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En langage Internet, on parle d’ “effet Streisand”. Une sorte d’effet boomerang médiatique, où la tentative de censure d’un contenu par un individu ou un organisme propulse soudainement ledit contenu en pleine lumière médiatique. Faites interdire quelque chose, et vous avez de grandes chances de le rendre beaucoup plus populaire. Au Kenya, la lutte pour les droits LGBT vient de bénéficier d’un effet Streisand totalement inattendu après l’interdiction par les autorités de la vidéo ci-dessus.
Le morceau, une reprise de l’hymne pro-homosexualité “Same Love” de Macklemore par le groupe Art Attack, n’a rien de particulièrement subversif en soi, à part un couplet inédit dénonçant la situation des LGBT au Kenya. Le clip, qui montre des couples d’hommes et de femmes s’embrasser goulûment face caméra, entrecoupé de montages de unes locales décrivant l’homosexualité comme “une maladie pire que l’alcool”, a en revanche provoqué l’ire des autorités. Fin février, redoutant que la vidéo transforme le pays en “Sodome et Gomorrhe”, les régulateurs kenyans ont donc décidé de la bannir et de punir tous ceux qui la diffuseraient, rapporte Quartz.
YouTube a “des politiques claires” pour supprimer du contenu
Fin février, le Kenya Films Classification Board (KFCB), le régulateur national de contenu vidéo, a donc écrit à Google Kenya pour se plaindre du clip de “Same Love”, qui selon lui “promeut l’homosexualité et contient de la nudité et de la pornographie”, et lui demander gentiment de la faire disparaître. Trois semaines plus tard, la vidéo est toujours en ligne et comptabilise 140 000 vues, tandis que Google ignore superbement la requête du KFCB.
Ife Osaga-Ondendo, l’avocat de Google Kenya, a néanmoins répondu par courrier au responsable du KFCB en se défaussant de toute responsabilité, au motif que la succursale kenyane de Google n’a aucune autorité pour modérer les contenus de YouTube. En substance, l’entreprise a conseillé au gouvernement de s’adresser au service compétent. Ezekiel Mutua, président du KFCB, s’est dit prêt à mener l’affaire devant les tribunaux, invoquant “une guerre idéologique” en cours dans son pays, tout en reconnaissant une évolution des mentalités au sein de la société civile.
La maison-mère de Google, contactée par Quartz, s’est elle retranchée derrière les “politiques claires” de YouTube quant à la suppression de contenu et a précisé que les demandes de modération gouvernementales étaient étudiées “en accord avec une philosophie de transparence et de liberté d’expression“. L’année dernière, la visite de Barack Obama à Nairobi avait été perturbée par des manifestations anti-gay, voyant dans la visite du dirigeant américain une campagne de promotion des droits LGBT. Au Kenya, 90 % de la population se déclarent ouvertement homophobe et l’homosexualité est passible de cinq à quatorze ans de détention.