Rencontre avec Lizzie Armanto, icône du skate féminin

Rencontre avec Lizzie Armanto, icône du skate féminin

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Par Naomi Clément

Publié le

À l’occasion de la House of Vans de Paris, qui s’est tenue les 16 et 17 décembre derniers, nous avons rencontré l’inspirante Lizzie Armanto – l’une des skateuses les plus marquantes de sa génération.

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La culture skate, longtemps considérée comme marginale, est aujourd’hui sur tous les fronts. Remise au goût du jour à l’aube des années 2010 par les cool kids d’Odd Future, les campagnes Supreme et les défilés du créateur russe Gosha Rubchinskiy, la planche à roulettes s’invite désormais dans les publicités des plus grandes marques de luxe, d’Hermès à Céline en passant par Miu Miu, s’affichant au passage sur les torses de Rihanna et autre Justin Bieber grâce à un T-shirt Thrasher aux lettres enflammées.

Si elle peut déplaire à certains, cette démocratisation massive du skate-board a pourtant permis d’accompagner la mise en lumière d’un phénomène on ne peut plus important : la prolifération des skateuses. À l’instar des membres des collectifs The Skate Kitchen ou Brujas, les femmes s’imposent plus que jamais sur le béton lisse de nos bowls, forçant l’industrie du skate à leur ouvrir ses portes. Preuve en est : autrefois exclues des compétitions officielles, les skateuses ont aujourd’hui le droit à leur propre section, à l’instar du Vans Girls Combi Pool.

Lizzie Armanto a remporté la plupart de ces contests 100 % féminins. À 24 ans, ce pur produit de la Californie est l’une des skateuses les plus marquantes de sa génération. Et pour cause : grâce à son indéniable talent, elle devient, en novembre 2016, la première femme à incarner le magazine Transworld Skateboarding sur sa couverture, avant d’être mis à l’honneur en “une” du mythique Thrasher Magazine. Un fait anecdotique pour certains, qui marque pourtant un véritable tournant concernant la place des femmes dans l’industrie du skate. De passage en France dans le cadre de la House of Vans de Paris, la skateuse aux cheveux bleus est revenue sur son parcours inspirant.

“Quand j’ai commencé, le skatepark est devenu mon endroit à moi”

Aujourd’hui, le skate fait partie de ton quotidien. Pourtant, tu as commencé à t’y mettre il y a seulement une petite dizaine d’années, en 2007. Comment t’es-tu lancée ?

Grâce à mon petit frère, c’est lui qui voulait s’y mettre ! À l’époque, on venait tout juste de s’installer à Santa Monica, en Californie. Mon frère, ma mère (qui nous a élevés seule) et moi-même, on avait l’habitude de toujours tout faire ensemble donc, un beau jour, on a décidé de se rendre tous les trois au skatepark et… je suis devenue accro en un rien de temps ! Pour les sensations, le fait de partager ça avec mon frère, et puis pour la liberté aussi.

Avant ça, mon frère et moi n’avions pas vraiment le droit de nous aventurer dans Santa Monica, car cela reste une grande ville pour des enfants… Donc, quand j’ai commencé, le skatepark est devenu mon endroit à moi, à nous. En fait, c’était simple : ma mère nous autorisait à être à la maison, à la bibliothèque, ou au skatepark [rires].

Est-ce qu’il y avait beaucoup de filles au skatepark à cette époque ?

Hmmm… non, pas vraiment. Il y avait bien ma voisine, avec laquelle j’ai commencé à skater de plus en plus souvent… Mais non, clairement, le skatepark était quasi exclusivement rempli de mecs.

À 24 ans, tu as remporté la plupart des compétitions auxquelles tu as participé. Comment te prépares-tu à ce genre d’événement ?

C’est différent pour chaque compétition. Mais en général, avant que la compétition ne commence, je m’entraîne pas mal dans mon coin, sur ma board, pour me sentir à l’aise sur mes appuis. Après, je m’adapte à l’épreuve : s’il s’agit d’un contest de rampes, je vais utiliser les rampes ; si le contest a lieu dans un bowl, je vais me concentrer sur le bowl… Et puis, comme le skate demande à ton corps d’opérer des mouvements ultra-répétitifs, je fais beaucoup d’exercices préventifs aussi, pour éviter de me faire mal à l’épaule ou aux chevilles, des zones que les femmes se froissent plus facilement que les hommes en général.

“J’ai compris que si j’avais envie de skater longtemps, il fallait que j’apprenne à prendre soin de mon corps”

T’es-tu déjà blessée au point de devoir arrêter de skater ?

Oui, en décembre 2013… Je suis tombée, et je me suis complètement tordu le ligament croisé postérieur, ce qui m’a conduite à devoir arrêter complètement le skate pendant plusieurs mois, à faire beaucoup de rééducation… et ça craint vraiment ! Mais avec le recul, j’ai su positiver, car cette expérience m’a appris à prendre soin de mon corps. Avant ça, je ne faisais jamais d’exercices préventifs par exemple. J’étais jeune, je m’en foutais, je voulais juste skater…

Aujourd’hui, j’ai compris que si j’avais envie de skater longtemps, il fallait que j’apprenne à prendre soin de mon corps. D’ailleurs, durant cette période où j’étais blessée, j’ai arrêté les études (au grand désespoir de ma mère, qui pensait qu’au contraire cette blessure allait m’amener à étudier deux fois plus !) dans le but de me concentrer sur mon rétablissement. L’année suivante, en 2014, j’étais signée chez Vans. Ça a vraiment été un moment charnière pour moi.

Qu’est-ce que ça t’a fait d’intégrer la team Vans ?

Comme je te le disais, ça a vraiment marqué un tournant dans ma carrière de skateuse ! Je dois dire que ça tombait vraiment à pic : j’en étais arrivée au point où je ne pouvais plus m’acheter de chaussures de skate, étant donné que j’en défonçais une toutes les deux semaines [rires] ! Tu sais, quand tu t’entraînes à fond… ça part vite. Je compare souvent cette situation à celle d’un peintre qui doit utiliser des dizaines et des dizaines de pinceaux pour s’améliorer. Le skate, c’est pareil, mais avec les pompes !

“Les femmes sont beaucoup plus présentes dans les médias de skate spécialisés”

J’imagine que tu as énormément voyagé depuis que tu es passée pro. Quelle est la ville où tu préfères skater ?

Honnêtement, c’est dur à dire. À mon sens, ce sont davantage les sessions et les gens que tu rencontres qui comptent, plutôt que la ville à proprement parler. Mais si je devais vraiment choisir… hmmm… je dirais San Francisco, où est installé un de mes bowls préférés ! Et puis San Diego, où je vis aujourd’hui, qui compte pas mal de rampes et quelques nouveaux skateparks. Sinon, en dehors des États-Unis, j’aime beaucoup skater à Copenhague !

Que fais-tu quand tu ne skates pas ?

Quand je suis à la maison et qu’il fait beau, j’adore aller à la plage ou faire de la randonnée. Je passe beaucoup de temps avec mes amis et ma famille aussi. Et j’adore cuisiner !

As-tu l’impression que l’industrie du skate représente davantage les femmes aujourd’hui ?

Écoute, en seulement un an, entre 2016 et 2017, j’ai vu une vraie évolution : les femmes sont beaucoup plus présentes dans les médias de skate spécialisés, ce qui est vraiment génial ! À mon sens, tu ne peux pas aspirer à devenir ce que tu ne vois pas, donc en mettant davantage les femmes sur le devant de la scène, ces médias permettent à la nouvelle génération de jeunes filles d’aspirer à faire du skate. Et c’est tellement stimulant de trouver une nouvelle voie, de s’adonner à une nouvelle activité dans laquelle tu peux t’éclater, que ce soit le skate, la peinture, la musique…

En tant que skateuse pro, as-tu l’impression d’avoir une sorte de mission qui consisterait justement à inspirer la nouvelle génération de skateuses ?

Disons que ça va naturellement de pair avec ce que je fais, ce n’est pas conscient si tu veux. J’adore ce que je fais, et en le montrant aux autres, notamment par le biais des réseaux sociaux ou de magazines comme Transworld Skateboarding, dont j’ai fait la couverture en novembre 2016, je pense que ça permet à d’autres d’y croire.

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