On a rencontré Cautious Clay, le flûtiste new-yorkais qui renouvelle la soul américaine

On a rencontré Cautious Clay, le flûtiste new-yorkais qui renouvelle la soul américaine

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Cautious Clay. (© Dean Luis)

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Par Naomi Clément

Publié le

L'occasion de parler de son parcours de multi-instrumentiste, du caractère thérapeutique de sa musique, et de son tout nouvel EP.

Fin 2017, Joshua Karpeh quittait son poste d’agent de location pour se jeter à corps perdu dans le grand bain de la musique en délivrant “Cold War”. Un premier single partagé sur SoundCloud sous le mystérieux pseudonyme de Cautious Clay, qui allait bientôt faire passer ce chanteur, producteur et flûtiste de 26 ans de l’ombre à la lumière.

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Beaucoup de choses se sont passées depuis la sortie de cette exaltante chanson. Il y a eu les critiques, dithyrambiques, dans des médias comme Pitchfork ou The Fader. Il y a eu des concerts à guichets fermés, ainsi que des performances aux Soul Train Awards et dans l’intimité du “Tiny Desk” de NPR. Sans oublier Blood Type et RESONANCE, deux premiers EPs parus courant 2018, qui précisaient avec élégance l’univers singulier de cet artiste, coincé quelque part entre soul, électro et jazz.

Fort de cette encourageante année 2018, Cautious Clay partageait récemment “REASONS” : un titre conçu aux côtés du producteur Hudson Mohawk et du musicien Tobias Jesso Jr., avec lequel le New-Yorkais au timbre si particulier explorait la nature multiple du plaisir, et annonçait la sortie de son nouvel EP Table of Context, disponible ce mercredi 27 mars. L’occasion de revenir sur son ascension fulgurante, et son avenir lumineux.

Des premiers cours de flûte au succès retentissant

Konbini | Ta musique s’est fait connaître il y a un peu moins de deux ans, mais tu la pratiques depuis bien plus longtemps. Pourrais-tu revenir sur ton parcours ?

Cautious Clay | J’ai commencé à jouer de la musique à l’âge de 7 ans. J’ai commencé par apprendre la flûte, que j’ai pratiquée jusqu’à mes 18 ans. J’ai également appris à jouer du saxophone au lycée. Et puis à l’université, quand j’ai eu quelque chose comme 19 ou 20 ans, j’ai commencé à produire, à faire des beats dans mon coin.

Je n’avais toujours pas réellement commencé à chanter à ce moment-là – enfin, j’avais chanté pour un spectacle au collège, mais ça ne compte pas vraiment. Le chant, c’est venu de façon sérieuse il y a environ cinq ans, au moment où j’ai intégré un groupe de reggae que je backais à la fois en chantant et en jouant du saxophone. En 2017, j’ai commencé à écrire mes premières chansons, et… c’est là que tout a décollé.

C’est là que tu as écrit “Cold War”, c’est ça ?

Exactement ! Et les choses se sont accélérées très vite après la sortie de ce titre. J’ai d’abord eu plein de super bons retours sur SoundCloud, et puis très rapidement, le morceau est apparu dans des émissions, dans des publicités, les médias en parlaient dans des articles…

Ça a été un moment très intéressant, très fort pour moi, parce que c’est le moment où les gens ont commencé à me connaître, finalement. Et puis mon premier EP, Blood Type, que j’avais quasiment terminé au moment de sortir “Cold War”, est sorti cinq mois plus tard, et le phénomène a grandi.

© Shervin Lainez

Blood Type était ton premier projet. Y avait-il un message particulier que tu souhaitais envoyer avec ?

L’idée de ce projet, c’était de parler ouvertement de la question d’identité, de l’idée d’être à l’aise avec sa propre personne. Faire cet EP, c’était presque un soulagement pour moi quelque part, parce que j’avais tellement de choses liées à mon identité avec lesquelles je me suis battu pendant ma jeunesse, et même encore récemment…

Comme le fait d’être une personne de couleur par exemple, ou le fait d’être engagé dans une relation à long terme, qui constitue également une facette de mon identité. Ce projet était donc un moyen d’affronter tout cela, et de mieux comprendre toutes les émotions que j’avais en moi.

Donc ton écriture, et ta musique d’une façon plus générale, porte en elle quelque chose d’assez thérapeutique, finalement…

Oh oui, clairement. Ma musique est un moyen d’extérioriser beaucoup de choses.

Des collaborations avec Hudson Mahawk ou SebastiAn

Tu fais partie de ces artistes qui savent aussi bien écrire que produire. As-tu déjà éprouvé des difficultés à combiner les deux ?

Pendant très longtemps, je ne savais absolument pas comment enregistrer ma voix, c’est quelque chose que j’ai appris au cours des trois ou quatre dernières années. Donc je faisais les deux de façon totalement séparée. Mais à partir du moment où j’ai su enregistrer ma voix, et que j’ai commencé à faire les deux en même temps… Ça a vraiment tout changé, ça a porté ma musique.

Ça m’a rendu meilleur en termes de production, ça m’a aidé dans mon processus d’écriture aussi… Et mentalement, ça a eu un vrai impact. Le fait de pouvoir enfin être satisfait de mon travail dans ces deux domaines très différents, ça m’a libéré d’un poids. Et ça me rend super heureux.

Est-ce qu’il y a des producteurs qui t’inspirent pour ta musique ?

Oui, beaucoup, et j’ai eu la chance de travailler avec certains d’entre eux. Il y a Hudson Mohawk par exemple, avec qui j’ai coproduit le single “REASONS”. J’ai également récemment fait une session avec SebastiAn, que je trouve super talentueux, et qui vient de chez vous d’ailleurs ! Je suis super content de pouvoir collaborer avec des artistes que j’admire.

Dirais-tu que ta formation de flûtiste a un impact sur la façon dont tu produis ?

Oui, un gros impact même. La pratique de la flûte et du saxophone m’a appris à être très attentif aux mélodies, et c’est quelque chose auquel je fais donc naturellement très attention dans ma musique. Et puis, je joue également de la flûte et du saxophone sur mes morceaux donc tu vois, ça laisse des traces !

Faire de la musique qui puisse “offrir une réflexion, des émotions à ceux qui l’écoutent”

Tu dévoiles aujourd’hui ton nouvel EP, Table of Context. Qu’est-ce qui t’a inspiré pour ce nouveau projet ?

Cet EP s’inscrit dans la continuité de Blood Type, puisque je continue à y explorer cette notion d’identité. Mais je l’explore en confrontant la relation entre le bonheur, que l’on cherche continuellement à atteindre, et les buts que l’on se fixe. Parce que j’ai le sentiment que, bien souvent, les gens confondent les deux.

Moi-même, j’ai longtemps confondu les deux… Mais j’ai fini par comprendre qu’il s’agissait de deux choses complètement différentes. Et c’est le message que je souhaite faire passer avec ce nouveau projet, qui se lit un peu comme la seconde partie de Blood Type. La production y est certes un peu plus minimale, mais en termes de réflexion, ça va clairement dans la même direction.

Et pourquoi avoir choisi de sortir “REASONS” pour annoncer l’arrivée de Table of Context ?

Parce qu’il reflète complètement ce message que je souhaite faire passer. Il s’ouvre avec cette phrase : “Drama in my life on purpose, cuz I don’t need to have purpose…” (Ddu drame dans ma vie intentionnellement, car je n’ai pas besoin d’avoir de but.”) Pour moi, ça veut tout dire. Je sais que ce morceau est assez différent de ce que j’avais eu l’habitude de proposer jusque-là, mais c’était important pour moi de le faire parce qu’il est vraiment au cœur de la réflexion que je souhaite amener avec Table of Context.

Tu parles beaucoup de but. Mais quel est ton but à toi, finalement ?

Mon but, c’est d’être un artiste, dans tous les sens que cela englobe. Et de faire de la musique qui puisse offrir une réflexion, des émotions à ceux qui l’écoutent. D’ailleurs, j’adore constater le fait que ma musique est capable de voyager à travers l’espace et toucher des gens qui ne parlent pas la même langue que moi. J’ai souvent été touché par des chansons dont je ne pouvais pas forcément comprendre les paroles ; c’est super de pouvoir créer ça à mon tour.