En confirmant une décision de la Cnil, le Conseil d’État a interdit à JCDecaux de tracer les téléphones des passants grâce à ses panneaux publicitaires.
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À la Défense, la dystopie à la Minority Report planifiée par l’afficheur JCDecaux via ses panneaux publicitaires n’aura pas lieu. Le 8 février, le Conseil d’État a enterré pour de bon le contentieux qui opposait, depuis deux ans, l’entreprise à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), au sujet de son projet de mobilier urbain jugé un tantinet envahissant. Il faut dire que l’entreprise avait vu large : elle comptait équiper ses panneaux publicitaires présents sur la dalle de la Défense, juste à côté de Paris, de boîtiers Wi-Fi capables de capter et d’identifier tout appareil mobile dans un rayon de 25 mètres afin de quantifier les flux de piétons. Le test devait durer quatre semaines. Il n’aura finalement jamais lieu.
Car ces boîtiers auraient récolté les adresses MAC des smartphones à proximité, une sorte de signature unique pour chaque appareil, et auraient permis grâce aux différents panneaux publicitaires de savoir précisément où, quand et comment se déplaçait chaque piéton. Une fois pêchées, les données devaient être envoyées à un prestataire (la société Fidzup) pour analyse, histoire d’en savoir un peu plus long sur les habitudes de consommation de chaque passant – s’est-il arrêté devant tel panneau plutôt qu’un autre, a-t-il regardé la publicité, etc. En juillet 2015, la Cnil donnait son verdict : trop dangereux pour la protection des données personnelles.
Anonymisation trop faible
Selon le régulateur des dispositifs informatiques, le système proposé par JCDecaux n’est pas assez respectueux de l’anonymat des passants : dès lors qu’un smartphone peut être repéré plusieurs fois par les panneaux publicitaires et qu’il est possible de retracer son chemin sur la dalle de la Défense, cela signifie qu’il est identifiable. Pour résoudre le problème, JCDecaux avait alors proposé de crypter le dernier demi-octet de l’adresse MAC, mais la Cnil y avait vu un simple procédé de “pseudonymisation”. Ajoutez à cela le fait que JCDecaux n’a pas suffisamment informé le public de la mise en place de ce système, et vous avez tous les ingrédients d’un bon véto en règle.
Le 8 février, le Conseil d’État, saisi par JCDecaux après s’être fait rabrouer, a donc entériné la décision de la Cnil, arguant que “la société JCDecaux France n’est pas fondée à demander l’annulation de la délibération qu’elle attaque” et que le régulateur “a relevé de bon droit” les irrégularités du projet de l’afficheur. Le projet est donc bel et bien interdit, sans autre forme de procès. Et tant mieux, parce que l’idée de voir proliférer des panneaux publicitaires intrusifs a tout du cauchemar d’anticipation.