États-Unis : le truculent coup de gueule d’un élu sur la commercialisation des données personnelles

États-Unis : le truculent coup de gueule d’un élu sur la commercialisation des données personnelles

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Par Astrid Van Laer

Publié le

Mardi 28 mars, Michael Capuano, élu du Massachusetts au Congrès, a fermement exprimé son opposition à un projet de loi autorisant les entreprises de télécom à marchander les données personnelles glanées grâce aux recherches de leurs utilisateurs sur Internet. La vie privée entre donc pleinement dans le domaine marchand. 

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Jeudi 23 mars 2017, les sénateurs américains ont adopté un texte autorisant les fournisseurs d’accès Internet à devenir propriétaires des données personnelles de leurs utilisateurs. Le texte devait donc par la suite être discuté devant la Chambre des représentants afin d’être validé.

Lors du débat à la Chambre des représentants, Michael Capuano, élu démocrate de l’État du Massachusetts a tenu à faire entendre sa voix :

“J’ai une question simple : qu’est-ce qu’il vous est passé par la tête ? Qu’est-ce qu’il y a dans votre cerveau ? Pourquoi voudriez-vous donner toutes vos informations personnelles à une corporation afin qu’elle les vende ?”

Michael Capuano a poursuivi son argumentaire en citant des exemples tirés de sa vie personnelle, d’autant plus pertinents que chacun subit au quotidien ce système de publicité ciblée à travers l’utilisation des réseaux sociaux ou en effectuant des recherches sur Google. L’élu démocrate s’est donc appuyé sur des recherches qu’il a lui-même effectuées  sur Internet, concernant des médicaments et des sous-vêtements :

“Donnez moi une seule bonne raison pour que Comcast  [un groupe de médias américain, ndlr] connaisse le dossier médical de ma mère. Vous voulez savoir comment ils pourraient être au courant ? Parce que quand je suis allé chez le médecin avec elle, ‘il m’a dit ce qu’elle avait, mais je n’avais aucune idée de ce dont il me parlait. Je suis donc rentré à la maison et j’ai fait des recherches sur Internet. J’ai fait des recherches sur les médicaments qui lui ont été prescrits. C’est la même chose avec mes enfants.

Encore la semaine dernière, j’ai acheté des sous-vêtements sur Internet. Pour quelle raison devriez-vous savoir quelle taille je prends ? Ou la couleur de mes sous-vêtements ? Ou n’importe quelle autre information de ce genre ? Ces sociétés ne font pas faillite ! Ce n’est pas la question. Internet n’est pas en péril !”

Une position partagée par l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) :

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La marchandisation de la vie privée contre notre gré : “Ah super, Mike prend ses sous-vêtements en taille 38”

Horripilé, Mike Capuano insiste sur la primauté de son droit de propriété sur les velléités financières d’entreprises commerciales. Ces informations sont en effet une véritable mine d’or pour celui qui les possède : les goûts et les couleurs, nos goûts et nos couleurs devrais-je dire, sont vendus au plus offrant : du traitement pour le cancer de mon père à la marque de caleçon préféré de mon frère en passant par ma maison de vacances dans le Loiret, toutes ces données sont pillées, malgré notre volonté. Une situation que Mike Capuano se refuse à laisser advenir :

“C’est à moi ! Pas à vous, pas au gouvernement, à moi ! Vous ne pouvez rien avoir sans que je ne vous le donne. Mon numéro de téléphone, mon numéro de sécurité sociale, mon code de carte bancaire, mes mots de passe, tout est à moi ! Et qu’est-ce qu’ils vont en faire ? J’en sais rien, les regarder et se dire : ‘Ah super, Mike prend ses sous-vêtements en taille 38.’ Ils vont aller vendre toutes ces infos à des sociétés de sous-vêtements. ‘Hé, il a acheté ce genre de sous-vêtements, il aime cette couleur, envoyons-lui plein de pubs !’

D’ailleurs, la plupart de ces pubs ne servent à rien, puisque je viens de m’acheter des sous-vêtements, je n’ai pas besoin de m’en racheter. Ça ne les regarde pas, ce ne sont pas leurs affaires ! Allez dans la rue et je vous mets au défi de trouver juste trois personnes qui sont d’accord avec ça. Et allez leur expliquer que ‘les entreprises doivent se développer, on doit faire de l’argent’.”

Une mesure malgré tout adoptée

Son emportement sincère ne lui a malheureusement pas donné gain de cause. En effet, malgré ce discours convaincant, mardi 28 mars, la Chambre des représentants a adopté cette résolution qui permet d’abroger la réglementation qui obligeait les entreprises de télécom à obtenir le consentement de leurs utilisateurs avant d’utiliser leurs données.

Recherches Google, historique de navigation, géolocalisation, codes de cartes bancaires, dossiers d’inscriptions à l’université, préférences culinaires et autres données sont désormais les propriétés de grandes entreprises, et ce sans que l’on vous ait demandé votre avis au préalable. Pourtant, la question de Michael Capuano – “Donnez-moi juste une, même pas deux, bonne raison pour que tous les gens présents ici, les gens qui nous regardent, veuillent que Comcast ait leurs informations personnelles, à moins qu’ils ne décident de les lui donner” – reste bel et bien sans réponse.