Un photojournaliste utilise son compte Instagram pour alerter sur la situation d’anciens vétérans devenus, après la guerre, des sans-abris.
Instagram n’est pas seulement une plateforme où les personnes postent des selfies ou des photos de leur repas. Pour quelques uns, ce réseau social est même devenu une forme valide de photojournalisme permettant de partager et de promouvoir des causes. On se souvient du photographe Associated Press David Guttenfelder qui illustrait une certaine idée de la Corée du Nord.
Pablo Unzeata fait partie de ce genre de personnes. Il poste sur son compte des photos d’anciens combattants de Los Angeles devenus sans-abris pour mieux raconter leur histoire.
Dans une image téléchargée il y a neuf mois sur le réseau social, Pablo Unzeata explique la situation alarmante d’anciens de l’armée américaine :
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En rentrant chez eux, de nombreux vétérans de guerre sont estropiés ou font face à des troubles de stress post-traumatiques. Selon le House Department en 2013, environ 6400 vétérans étaient SDF et vivaient sans prestations médicales à Los Angeles.
“Les histoires de ces vétérans de guerre reflètent une perte d’espoir”
À Lightbox, le photojournaliste souligne l’objectif de son travail :
Le but de ce projet est de faire réfléchir les personnes sur pourquoi il y a tant d’anciens vétérans dans la rue. Plus de choses doivent être faites pour empêcher que le taux de pauvreté augmente chaque année. Les histoires de ces vétérans de guerre reflètent une perte d’espoir.
Si les SDF existent dans le monde entier, ces hommes ont une histoire particulière. Ils ont d’abord servi leur pays, se sont battus pour leur patrie pour qu’à leur retour, le système de soutien censé leur apporter une aide après les traumatismes de la guerre se révèle défaillant.
C’est ce qui a motivé Pablo Unzeata a réaliser cette série. Pour lui, la photographie, en plus d’être esthétique, peut servir de “plaidoyer“. À chaque rencontre, le photographe s’intéresse aux personnes qu’il photographie :
Cette plateforme me permet de partager avec mes followers ces histoires d’une manière personnelle. Il n’existe pas de guide particulier pour raconter ces histoires. J’apporte juste le contexte autour de la photo et je laisse mes followers décider de comment ils souhaitent réagir.
James : “J’ai déménagé à Los Angeles parce qu’il fait plus chaud pendant l’hiver”
Il portait un vieux chapeau poussiéreux sur la tête, son visage était barbouillé, ses mains étaient rugueuses. James, un Cherokee, a sorti une cigarette roulée faite de papier journal et l’a mise dans sa bouge pour la photo. Originaire de Détroit, James vit à Los Angeles depuis un an. Il a servi dans l’Infanterie au Vietnam pendant plusieurs années.
“J’ai fait mon temps parce que je devais le faire. Quand ça s’est terminé, j’ai trouvé un travail mais cela n’a pas duré longtemps. Je suis sans-abris depuis 20 ans et quelques”. Il tire une taffe sur cigarette. “J’ai déménagé à Los Angeles parce qu’il fait plus chaud pendant l’hiver, maintenant, je suis inquiet de s’il va faire froid la nuit. Je vois beaucoup de choses positives se dérouler à LA – pas pour moi, bien sûr, je suis pauvre !“, dit-il en rigolant.
J’ai rencontré beaucoup de vétérans de guerre qui vivent dans la rue. La plupart d’entre eux sont d’ex-combattants du Vietnam, dont les opinions diffèrent au sujet du combat pendant cette guerre. Cependant, ils aiment tous leur pays.
Levi : “Mes tatouages racontent une autre facette de moi : mon passé”
Les tatouages de Levi sont encore visibles sur son dos. Le vétéran de guerre s’est fait ces tatouages pendant la guerre du Vietnam. “Ils sont importants pour moi car ils racontent une autre facette de moi, mon passé“.
Mike : “J’ai vu trois de mes amis les plus proches se faire tuer le même jour”
Comme des milliers de vétérans de guerre, Mike Averiol est un sans-abris qui a servi La Marine pendant le Vietnam. “J’étais dans la 311e infanterie. J’ai vu trois de mes amis les plus proches se faire tuer le même jour“. Mike souffre de trouble de stress post-traumatique (TSPT) après avoir combattu pendant sept mois.
Il m’a regardé avec ses yeux bleus brillants et m’a dit : “J’ai vu beaucoup de choses qui m’ont bousillé. J’ai vu des enfants et des mères se faire tuer sous mes yeux. Nous étions entraînés pour tuer et ne faire confiance à personne. Après sept mois, je ne pouvais plus le supporter“.
Mike se rappelle ces fois où les troupes américaines (lui inclus) brulaient des villages. “Les regards des gens après avoir été témoins de leur maison réduite en cendres…“, il fait une pause. “C’est quelque chose que tu n’oublies jamais“. Mike a reçu un traitement pour son TSPT avec l’aide du Social Security Income ; cependant, son nom avait été mal orthographié dans les documents du Ministère des anciens combattants (VA), et il n’a pas pu obtenir un logement ou d’autres médicaments pour l’aider.
Je l’ai ensuite questionné au sujet de son amour pour les États-Unis et il m’a répondu : “J’aime l’idée d’une Amérique démocratique. Je suis fier de ce que l’Amérique représente, mais ça ne veut pas dire que je suis digne d’être un Américain. J’ai fait des choses terribles pour ce pays“.
Rodney Farmer : “Je suis père de famille donc je fais de mon mieux pour jouer ce rôle”
Rodney Farmer, 63 ans, est l’un des milliers de vétérans de la guerre du Vietnam qui vit dans la rue. Rodney a servi 90 jours dans l’armée: “J’étais dans la compagnie aérienne 82, corps 320. Une nuit nous étions dans les airs à peu près à 500 pieds d’altitude et nous avons sauté sur une parcelle de gazon – quand j’ai sauté, j’ai atterri sur ma cheville et l’ai brisé: la moitié de ma jambe est désormais en fibre de verre. C’est pour cela que je ne suis resté que 90 jours“.
Cependant, Rodney a soigné sa jambe aux Etats-Unis et a de nouveau rejoint son corps d’armes pour se battre durant neuf ans cette fois-ci. “J’ai tiré mes 9 années et j’ai essayé d’en faire trois de plus, mais ils m’ont dit que je ne pouvais plus me battre car ma jambe était dans un sale état. Je n’ai plus jamais postulé pour un poste dans l’armée“.
Après que Rodney a terminé sa carrière dans les forces armées des Etats-Unis, il a rapidement trouvé un emploi dans l’entrepôt de son grand-père à Los Angeles. Il y a travaillé durant 8 ans.
“Après avoir travaillé dans l’entreprise de mon grand-père, je me suis lancé dans ma propre société. Mais j’ai perdu une grande partie de celle-ci à cause de mon divorce, je suis donc allé travailler à Waste Management jusqu’à ce qu’ils disent que je ne pouvais plus travailler à cause de ma jambe“.
Rodney dort depuis maintenant 14 mois dans la rue. Il est père de deux enfants et fait ce qu’il peut pour subvenir à leurs besoins. “J’ai eu droit à la Sécurité Sociale en trois jours, là au moins c’est allé vite !” dit-il en riant “Mais mon assistance médicale me provient du Ministère des anciens combattants, donc je fais ce que je peux pour aider mes enfants“. La fille de Rodney est étudiante en seconde année à Diamond Ranch et son fils est en 7ème année à Lorbeer. “Je suis père de famille donc je fais de mon mieux pour jouer ce rôle“.
Rodney Farmer m’a montré ses tatouages qu’il s’est fait lorsqu’il était dans l’armée. Un des tatouges qu’il m’a montré représente un parachutiste, ce qui reflète ce qu’il a du faire dans la guerre au Vietnam. Ce fut un moment réminiscent.
Gregory Thomas : il n’a jamais quitté la rue Alameda
Portrait de Gregory Thomas, vétéran de la guerre du Vietnam, SDF depuis les années 1980. J’ai rencontré à plusieurs reprises Thomas pendant mes balades dans la ville. Il ne parle pas beaucoup, mais d’autres sans-abris m’ont confié qu’il n’avait jamais quitté la rue Alameda.
Thomas dort à une dizaine de mètre du Arts District où la gentrification a été très en vigueur ces dernières années. Thomas me semble être une personne malade, calme mais aussi en paix. Ses chaussures sont usées jusqu’à la semelle. Chaque fois que je vois Thomas, on lui donne quelques chemises. La pauvreté est une maladie sociologique qui devrait être affronté par nous tous. Gregory Thomas est un homme ordinaire qui vit dans les Etats-Unis de tous les jours.
Pour voir davantage de photos et de témoignages rendez-vous sur le compte Instagram de Pablo Unzeata.
Article originellement écrit en Anglais par Kate Lismore.