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Vendredi 12 octobre, Marine Le Pen a vu sa mise en examen aggravée dans l’affaire des emplois fictifs présumés du Front national (devenu Rassemblement national) au Parlement européen, désormais qualifiée en “détournements de fonds publics”, lors d’une audition à laquelle elle a refusé de répondre sur le fond.
Arrivée vendredi matin au tribunal de Paris, elle devait être entendue pour la première fois sur le fond de l’affaire après sa mise en examen en juin 2017 pour “abus de confiance” et “complicité d’abus de confiance”. La présidente du Rassemblement national n’a fourni aucune réponse aux magistrats Claire Thépaut et Renaud Van Ruymbeke qui ont toutefois procédé à la requalification de sa mise en examen pour “détournements de fonds publics”.
Ce développement, qui était prévisible après une jurisprudence récente, accentue la menace judiciaire sur la patronne du Rassemblement national : le délit de “détournements de fonds publics” est passible de dix ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, contre trois ans de prison et de 375.000 euros d’amende pour l’abus de confiance.
“Nous sommes totalement innocents des faits qui nous sont reprochés”, a-t-elle déclaré à l’AFP vendredi, ajoutant qu’elle conditionnait ses réponses aux magistrats à une décision de la Cour de cassation sur un recours.
Ce n’est pas la première fois que Marine Le Pen esquive les questions des enquêteurs. Déjà lors de sa mise en examen en juin 2017, elle s’était contentée d’une déclaration, en contestant tout emploi fictif et en déniant aux magistrats le droit d’enquêter sur cette affaire.
Un possible “système organisé”
“L’autorité judiciaire ne peut s’ériger en arbitre du contenu du travail politique d’un député et de son bien fondé sauf à violer le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs”, a-t-elle invoqué au sujet de ce recours devant être examiné le 27 novembre par la plus haute juridiction judiciaire.
Marine Le Pen avait formé un pourvoi sur une décision de la cour d’appel du 4 juin dernier qui l’avait déboutée de sa requête visant à annuler la procédure. “La raison, la sagesse et une bonne administration de la justice nécessitent d’attendre que la Cour de cassation se soit prononcée”, a-t-elle indiqué. Puis elle a poursuivi :
“J’ai donc indiqué aux magistrats que je répondrai à l’ensemble de leurs questions après que la chambre criminelle ait tranché cette question de principe qui est absolument primordiale par sa nature constitutionnelle, puisqu’elle touche à l’essence-même des principes démocratiques de la République.”
Depuis fin 2016, les juges Claire Thépaut et Renaud Van Ruymbeke enquêtent sur un possible “système” organisé “de manière concertée et délibérée” par le parti et sa présidente pour financer des salaires de ses permanents sur les deniers de l’Union européenne, en détournant les enveloppes des eurodéputés réservées à l’emploi d’assistants parlementaires.
L’enquête cible 17 députés et une quarantaine de collaborateurs parlementaires pour un préjudice évalué par le Parlement européen à 6,8 millions d’euros entre 2009 et 2017. En juin, les magistrats avaient ordonné une saisie de 2 millions d’euros sur des subventions publiques, montant finalement ramené à 1 million d’euros par la cour d’appel de Paris le 24 septembre.
Une quinzaine de mises en examen
Le parti affirme n’avoir toujours pas reçu le million qui lui a été restitué. L’information judiciaire cumule à ce stade une quinzaine de mises en examen connues, pour “abus de confiance”, complicité ou recel de ce délit dont le Front national, comme personne morale, et Louis Aliot, le compagnon de la présidente.
Les magistrats entendent désormais requalifier toutes les mises en examen, confortés par une jurisprudence récente de la Cour de cassation, qui autorise les poursuites pour “détournements de fonds publics” contre des parlementaires.
Avant Marine Le Pen, Nicolas Bay, dont le nom circule pour prendre la tête de la liste Rassemblement national aux élections européennes 2019, avait déjà vu sa mise en examen requalifiée. L’eurodéputé Bruno Gollnisch, déjà mis en examen dans ce dossier, pourrait être concerné à son tour lundi.
Outre cette affaire, d’autres fronts judiciaires d’ampleur menacent le parti, ses dirigeants ou des proches : deux procès ont été ordonnés dans les affaires de financement des campagnes de 2012, 2014 et 2015.
Konbini avec AFP