Élections en Italie : peut-on parler de “vague populiste” en Europe ?

Élections en Italie : peut-on parler de “vague populiste” en Europe ?

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ROME, ITALY – MARCH 01: (Left to Right) Giorgia Meloni, leader of the far-right Brothers of Italy party, Silvio Berlusconi, leader of the Forza Italia party, Matteo Salvini, leader of the euroskeptic party League, pose for photographers during a center-right coalition general election campaign rally on March 1, 2018 in Rome, Italy. Italy is set to hold a general election to form a new parliament and government on March 4, 2018.(Photo by Alessandra Benedetti – Corbis/Corbis via Getty Images)

Dimanche 4 mars, les élections italiennes ont vu la coalition formée par la droite et l’extrême droite sortir victorieuse.

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Dimanche 4 mars, 46 millions d’électeurs italiens étaient appelés aux urnes à l’occasion des élections générales qui permettent de désigner les représentants au Sénat et à la Chambre des députés. Avec un taux de participation de 74 %, le peuple n’a accordé la majorité à aucun des partis en cours.

Il a cependant voté en faveur de la coalition de droite et d’extrême droite menée par le parti de Berlusconi, Forza Italia. Forza formait une alliance avec la Ligue du Nord, parti souverainiste, anti-Union européenne et anti-immigration, emmené par Matteo Salvini ainsi que Fratelli d’Italia, parti qui se revendique néofasciste. Avec leurs suffrages cumulés, ils ont obtenu 37 % des voix. Même si son parti sort parmi les vainqueurs, c’est uniquement grâce à la coalition formée avec les partis d’extrême droite puisque le mouvement de Silvio Berlusconi arrive seulement en quatrième position avec 13,91 % des voix.

La campagne électorale a été dominée par la question de l’immigration. La situation géographique de l’Italie en fait la porte d’entrée à l’Europe pour les réfugiés. Comme le rapporte Libération, la coalition proposait des “blocages des arrivées” ainsi que le “rapatriement de centaines de milliers de clandestins”. Les slogans “D’abord les Italiens” et “Stop à l’invasion” ont beaucoup été scandés et celui qui avait promis de renvoyer undemi-million d’immigrés illégaux”, le chef de file de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, qui a triplé son score par rapport aux élections de 2013, a simplement posté un “MERCI !” sur Twitter :

Le parti qui sort réellement victorieux de ce scrutin est le Mouvement Cinq Étoiles, avec un score qui dépasse les 32 %, le tout sans alliance avec d’autres mouvances politiques. Celui qui se revendique “anti-système” proposait un programme en 20 points dont l’instauration d’un revenu universel mensuel et des mesures très restrictives en matière d’immigration. Enfin, le parti démocrate à la tête duquel se trouve l’ex-président du Conseil, Matteo Renzi, est en mauvaise position avec un score qui avoisine les 20 %.

Le Front national se frotte les mains

La Ligue du Nord fait partie du même groupe que le Front national, l’Europe des nations et des libertés. Matteo Salvini et Marine Le Pen siègent ensemble au Parlement européen. La présidente du FN, après s’être réjouie en écrivant : “L’Union Européenne va passer une mauvaise soirée”, s’est félicitée du bon score effectué par son homologue italien, qualifiant cette élection de “nouvelle étape du réveil des peuples” :

Pour Robert Ménard, “l’Europe bascule” :

De Jean-François Jalkh à Stéphane Ravier en passant par Florian Philippot ou encore Gilbert Collard : l’extrême droite française était en joie ce lundi. “Ces élections italiennes traduisent la colère et la lassitude des peuples soumis à la technocratie européenne, qui ne prend pas la mesure de la montée des mécontentements”, a déclaré Gilbert Collard, avant d’ajouter que l’Europe est à l’aube de “l’éruption d’une grande libération de la parole des peuples” :

Peut-on parler de “vague populiste” ?

L’Allemagne avec la percée de l’AfD, la progression du PVV aux Pays-Bas, la politique de Viktor Orban en Hongrie, une réforme de la justice qui témoigne d’une politique autoritaire en Pologne ou encore le Premier ministre slovaque Robert Fico qui a déclaré vouloir “surveiller chaque musulman du pays” : les exemples européens d’une montée du populisme en Europe ne manquent pas. L’organisation Human Rights Watch a publié un rapport à ce sujet en 2017 dans lequel une partie était consacrée à “la vague populiste en Europe”.

Néanmoins, pour Alain Garrigou, professeur en sciences politiques à l’université Paris X – Nanterre, il est toutefois “exagéré” de parler de “vague populiste” car “pour une large partie, cela vient de la baisse de la participation et […] d’un vote partie par défaut : ‘on change puisqu’on a essayé les précédents'”. Une opinion partagée par l’expert en sondages Antonio Noto, interrogé par l’Agence France Presse.

Selon lui, les gens votent davantage Mouvement Cinq Étoiles pour “donner une claque à leur parti politique de référence” que par conviction. “Oui, nous avons été un peu élus par défaut et aussi en raison d’une forte abstention parce qu’il y a eu une grande désillusion”, a même reconnu récemment Michel Barbet, maire de Guidonia, une ville de 90 000 habitants proche de Rome, et membre du Mouvement Cinq Étoiles.

“Il faut aussi bien voir le chiffre absolu des suffrages que les pourcentages”, ajoute M. Garrigou. À son sens, il n’existe “pas [de] crise politique mais bel et bien une crise de la politique”. “Cependant la hausse des suffrages d’extrême droite protectionniste exprime sans doute le désarroi des catégories modestes qui se sentent menacées par la mondialisation, l’immigration et le manque de protection de l’État”, rejoignant alors le point de vue de l’essayiste Raphaël Glucksmann, pour qui l’Union européenne risque “l’implosion généralisée” s’il n’y a pas une “prise de conscience” immédiate :