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Strass, vulgarité et féminisme : découvrez Cagole Forever, le docu qui décrypte le phénomène cagole

Strass, vulgarité et féminisme : découvrez Cagole Forever, le docu qui décrypte le phénomène cagole

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Par Naomi Clément

Publié le

Avec son nouveau documentaire, diffusé le 15 février prochain sur Canal+, Sébastien Haddouk rend la parole aux cagoles et s’interroge : que signifie vraiment la vulgarité en 2017 ? 

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Selon le dictionnaire Larousse, une cagole est une “jeune femme extravertie, un peu écervelée et vulgaire”. Une définition qui concorde en tout point avec l’imaginaire collectif, dans lequel ce mot d’origine provençale renvoie à une Marseillaise tapageuse, souvent blonde et toujours grande gueule, dont les ongles, trop longs, sont recouverts d’une épaisse couche de strass – et les talons, trop hauts, d’une inélégance extravagante.

Mais c’est une autre facette de la cagole que souhaite aujourd’hui mettre en lumière Cagole Forever. Produit par Lalala, la société de production de mademoiselle Agnès, ce documentaire de 52 minutes, qui sera diffusé le 15 février à 22 h 50 sur Canal+, a été réalisé par Sébastien Haddouk. Un amoureux de l’image, mais aussi et surtout un passionné de l’humain.

Désireux de savoir ce qui se cachait vraiment derrière le rouge à lèvres rose pétard et les robes synthétiques moulantes, ce Parisien, qui a consacré son premier film aux hipsters en 2016, est parti à la rencontre des cagoles de Marseille (et d’ailleurs) dans le but de décrypter ce “sociotype planétaire devenu icône de la pop culture”. Pour Konbini, il raconte la genèse de ce projet aussi inattendu que fascinant.

Konbini | Pourquoi avoir choisi de dédier un documentaire aux cagoles ? Qu’est-ce qui t’a tant fasciné chez ces femmes ?

Sébastien Haddouk | L’année dernière, j’ai réalisé Hipsterie pour Paris Première, un documentaire qui (comme son nom l’indique) se concentrait sur les hipsters. Je vis dans un quartier de hipsters, et du coup, forcément, ça m’interpelle. Je me suis demandé si moi-même j’en étais un, si je faisais partie de cette tribu. Ce qui m’intéressait là-dedans, c’était d’essayer de voir au-delà du vêtement, de comprendre ce que le vêtement disait de la personne.

Et puis un jour, je pars à Marseille, et c’est là qu’est né, un peu par hasard, mon intérêt pour les cagoles. Je viens du milieu du cinéma, et à ce moment-là, j’écrivais un scénario de film se passant dans les années 1980. Cette notion de vulgarité propre aux cagoles m’a attiré… Et en plus, la cagole a récemment fêté ses 100 ans.

“La cagole, elle, se définit surtout par son tempérament”

C’est-à-dire ? On peut dater la naissance de la cagole ?

On peut en tout cas dater la naissance du mot “cagole”, que l’on a identifiée avec Aurore Vincenti, qui est linguiste et fait par ailleurs des chroniques pour France Inter. On a constaté qu’une revue parisienne l’utilisait déjà au début du XXe siècle, donc le mot devait être employé bien avant à Marseille, où il est né. C’est donc une très vieille tribu – bien que le mot “cagole” ne soit entré dans le dictionnaire qu’en 2011.

Avec ce documentaire, on pose plusieurs questions : que signifie aujourd’hui la notion de vulgarité ? De sexy ? La cagole, est-ce un vêtement ou une attitude ? On a tous un stéréotype de la cagole en tête : une femme blonde, over sexy, couleur criarde… Mais la cagole, elle, se définit surtout par son tempérament, qui dérange parce qu’il a quelque chose d’assez masculin.

“À partir du moment où une femme se comporte ‘comme un mec’, elle devient vulgaire”

Oui, c’est ce qu’on semble entrapercevoir dans le teaser : il y a d’une part la féminité, prônée par le style, et l’attitude hyper-affirmée, grâce à un franc-parler presque viril…

Oui, et c’est ça qui dérange : à partir du moment où une femme se comporte “comme un mec”, elle devient vulgaire. C’est ce dont je me suis rendu compte. Au fur et à mesure que j’avançais dans le documentaire et dans mes recherches, ma démarche devenait de plus en plus féministe.

Oui, c’est ce que j’allais te demander : pour beaucoup, les cagoles n’ont jamais rendu hommage au combat féministe ; mais avec ton docu, tu sembles prendre le contrepied de cette idée, et les installer justement dans une démarche plus féministe…

Consciente ou pas de leur part de féminisme, il est certain que la cagole revendique la liberté de s’habiller comme elle le désire, en tout cas.

Il y a eu beaucoup d’histoires de slut shaming des derniers temps, et face à ça, les cagoles, qui s’assument dans leurs minijupes et minirobes, peuvent, pour certains, incarner une forme féminisme. Parce qu’elles assument une sorte de surféminité, sans pour autant être des filles faciles.

“Des filles populaires”

Ce qu’on découvre aussi dans ton docu, c’est que la cagole n’appartient pas qu’au Sud-Est de la France : elle est internationale.

Le terme “cagole” est propre à la France. Mais effectivement, j’ai étendu le style vestimentaire à d’autres parties du monde. En Espagne, il y a la “choni”, qui selon moi se rapproche le plus de la cagole marseillaise. Mais il y a aussi la “Jersey girl” aux États-Unis, qu’on a pu appeler “valley girl” à un moment ; il y a également la “pittiupanca” en Roumanie, la “vrenzole” en Italie…

Et tout ce qui relie ces femmes, au-delà du style, c’est le fait qu’elles soient issues d’un milieu populaire. Et qu’elles aient fait de leur féminité et de leur caractère une sorte d’arme pour faire face à l’univers très masculin dans lequel elles évoluent la plupart du temps.

Le documentaire Cagole Forever de Sébastien Haddouk sera diffusé le 15 février à 22 h 50 sur Canal+.