Le métrosexuel, ce jeune homme disposant de solides revenus, travaillant ou vivant en ville (car c’est là que se trouvent les meilleures boutiques), est peut-être le consommateur le plus prometteur de la décennie.
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Le métrosexuel porte l’après-rasage “Cool Water” de Davidoff (celui avec un bodybuilder nu sur la plage), des vestes Paul Smith (Ryan Giggs en porte), des chemises en velours côtelé (Elvis en portait), des chinos (Steve McQueen en portait), des bottes de moto (Marlon Brando en portait), et des sous-vêtements Calvin Klein (Marky Mark ne porte que ça). Le métrosexuel est un produit fétichiste : un collectionneur de fantasmes qui lui sont apportés via la publicité.
Du culte de l’apparence au culte du corps
Mais aujourd’hui, le règne de Beckham est sur sa fin, et plus personne ne porte de chemises en velours côtelé. Alors, pour garder son statut de prédicateur de masculinité, Mark Simpson a mis à jour son lexique, et remet donc le couvert avec un tout nouveau mot : “spornosexuel”.
Le journaliste évoquait déjà le terme “sporno” en 2012 dans les colonnes de Libération, pour évoquer “l’imagerie porno [qui] pénètre les Jeux Olympiques“. Deux ans plus tard, il consacre aujourd’hui un article entier à son petit mot sur le site du Telegraph, et décrit la masculinité de demain en ces termes (il offre même un quiz pour savoir si, oui ou non, vous êtes un vrai “spornosexuel”) :
Avec leurs corps laborieusement travaillés et sculptés, leurs tatouages destinés à faire ressortir leurs muscles, leurs barbes adorables et leurs décolletés plongeants, ça crève les yeux : le métrosexuel de la deuxième génération est moins branché fringues que ses aînés.
Mais il est frénétique dans sa volonté de faire de lui-même un objet. Son propre corps est devenu l’accessoire ultime, qu’il façonne à la gym afin d’en faire un produit à la mode – un produit que l’on partage et compare sur le grand marché d’Internet.
Pour la génération actuelle, les réseaux sociaux, les selfies et la pornographie sont les principaux vecteurs de la volonté des mâles de se faire désirer. Ils veulent l’être pour leur corps, non pour leur garde-robe. Et certainement pas pour leur esprit.
Le diktat des réseaux sociaux ?
Si le nouveau terme de Mark Simpson ne désigne encore qu’un micro-phénomène (dont Justin Bieber et Lucas Lucco seraient les fiers représentants), et que certains médias l’ont qualifié de “buzzword mort-né” condamné à retomber dans les limbes d’Internet, il faut cependant lui concéder un point : le mot “spornosexuel” pointe du doigt le culte du corps qui semble aujourd’hui imposé aux hommes par les magazines et autres réseaux sociaux comme Instagram, véritable royaume de l’exhibitionnisme des corps musclés et sculptés.
En ce sens, si les deux mots inventés par Mark Simpson tendent chacun à définir la masculinité de demain, une différence essentielle les sépare. En 1994, lorsque le journaliste invente le néologisme “métrosexuel”, être un homme qui prend soin de lui est quelque chose d’encore difficilement accepté par la société.
Le journaliste le rappellera lui-même dans son dernier article publié dans le Telegraph :
Si l’on se place en 2014, dans ce monde parfumé, musclé, soigné et adorateur du selfie, il peut être difficile de croire que les métrosexuels ont dû se battre pour se faire entendre au début des années 90. La plupart des gens étaient dans le déni, et ne voulaient pas comprendre pourquoi les hommes restaient si longtemps dans la salle de bain.
Au même titre que l’homosexualité était encore stigmatisée et criminalisée, le désir de l’homme d’être désiré – soit le cœur égocentrique de la métrosexualité – était méprisé par beaucoup. Le narcissisme était considéré comme essentiellement féminin, ou digne d’Oscar Wilde. Et regardez ce qui lui est arrivé.
En 1994, l’arrivée du terme “métrosexuel” sous-entendait donc une véritable libération de l’homme, qui commençait alors à s’assumer comme il le souhaitait, et à être accepté comme il était. En 2014, à l’heure où l’homme est (à peu près) libre de faire ce qu’il lui plaît avec son corps, le nouveau bébé de Mark Simpson, “spornosexuel”, semble à l’inverse désigner une certaine soumission au regard d’autrui. Une soumission vivement encouragée par l’influence toujours plus grande des réseaux sociaux.