Dat Ass est un magazine qui célèbre la beauté des fesses, quelle que soit leur taille, leur forme, leur couleur. Sa créatrice prône ainsi l’acceptation de son corps, en dépit des standards de beauté.
Les fesses sont à l’apogée de leur succès. Elles sont devenues la partie du corps préférée de la plupart des gens, si bien qu’il est désormais possible de prendre des cours de twerk et que le “belfie” (le mot est un mélange de “butt”, les fesses, et “selfie”) est maintenant mainstream. Tout le monde, de Nicki Minaj avec son ode aux popotins dans “Anaconda”, aux Destiny’s Child, avec leur hymne aux fesses “Bootylicious”, en passant par Kim Kardashian, est obsédé par son derrière et les postérieurs en tout genre.
Cette obsession n’est pas une nouveauté. Mais elle a pris une place importante dans les standards de beauté ces dernières années. La semaine passée, la Société américaine des chirurgiens plastiques a publié un rapport qui explique que 2015 fut “l’année des fesses”, et pour cause : toutes les 30 minutes, quelqu’un a subi une liposuccion des fesses.
Et vous, vous rappelez quand Vogue pensait avoir “découvert” les grosses fesses en 2014 ? Beaucoup de femmes avaient répondu en chœur : “On a eu des grosses fesses toute notre vie, merci.” C’est sans doute le standard de beauté le plus arbitraire et qui change le plus souvent. Cependant, la vénération des popotins a inspiré beaucoup de femmes qui ne cherchaient pas forcément à mettre en valeur leurs fesses. La preuve : la mode des jeans qui rentrent dans le derrière.
Mais comme pour tout standard de beauté, les fesses cristallisent souvent des complexes. L’artiste, DJ et prof de fitness basée à Miami, Marilyn Rondón, a voulu inverser cette tendance et célébrer les fesses, toutes les fesses, avec un magazine. Intitulé Dat Ass – traduisez “Quel cul !”. Cette publication est précisément consacrée aux postérieurs. C’est une compilation de tous les popotins qu’elle a pris en photo. Nous l’avons interrogé au sujet de cette série qui explore et célèbre le corps des femmes et des hommes.
Konbini | Comment est né ce magazine ?
Marilyn Rondón | Je fais de la photo depuis très longtemps, mais pas en tant que professionnelle. Ça a toujours été dans ma nature. Il y a deux, je suis allée au festival Ultra Music à Miami pour assister mon ami Wyatt Neumann [photographe décédé l’an dernier, ndrl] au concert de Nicky Romero et il y avait une tonne de femmes en strings.
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“Je suis partie à la chasse aux fesses”
J’ai trouvé que c’était fascinant et je suis partie à la chasse aux fesses, sans dire aux modèles que je les prenais en photo, c’était facile d’être discrète avec mes appareils photos jetables. Si elles traînaient en bande, je leur disais : “Oh mon Dieu, les filles vous êtes troooop mignonnes et marrantes, je peux vous prendre en photo ?”, et elles me répondaient “Bien sûr”, et alors je leur demandais de se tourner et de montrer leurs fesses. C’est comme cela que tout a commencé. Je veux dire, quelle femme n’accepte pas les compliments ? Et des compliments sur la partie du corps la plus en vogue aujourd’hui…
Combien de fesses avez-vous pris en photo pour ce projet ?
Je prends des photos pour ce projet depuis plus de deux ans et j’ai photographié plus de 100 personnes différentes.
Comment trouvez-vous vos modèles ?
Je les trouve dans la rue, à la plage, dans le bar où je travaille, grâce à des amis, et la plupart du temps sur Instagram. La majorité d’entre elles sont en réalité mes amies, ce sont des personnes très différentes. Des profs, des mamans, des artistes, des danseuses, des strip-teaseuses, des peintres, des boxeuses, des écrivaines, des photographes… Ce sont rarement des mannequins.
Mes modèles sont juste des femmes que je contacte pour participer à mon projet, qui apprécient mon travail et qui ne se sentent pas “objectivées” parce que je ne suis pas un vieux pervers qui essayent de les baiser ou de les mettre mal à l’aise. Je suis une femme, hétérosexuelle, qui s’intéresse aux fesses de la même manière que des peintres s’intéresse à une nouvelle peinture, c’est une étude, une étude des fesses.
Pourquoi des fesses ? C’est juste une question d’esthétique, ou elles cachent une histoire ?
Tout le monde a des fesses, pas vrai ? Et chaque corps est unique, en un sens. Si tu as des vergetures, es-tu pour autant moins sexy ? Bien sûr que non, j’en ai aussi et j’aime mes fesses. Si tu as de la cellulite, ou des poils sur les fesses, ou si elles sont blanches, ou énormes, ce n’est pas un problème. Les corps humains ont des formes et des tailles variées, et n’importe quel postérieur peut être sexy, il suffit d’avoir confiance en soi, de porter un sous-vêtement qui le met en valeur et de le montrer sous son plus bel angle.
“Peu importe ton physique, tu es parfaite comme tu es”
Je perçois ce projet comme une expérience, j’essaye de redéfinir ce que sexy signifie vraiment pour nous, les femmes, à qui la société murmure à l’oreille qu’il faut être parfaite. On s’en tape ! Peu importe ton physique, tu es parfaite comme tu es. Si tu veux faire une liposuccion car tu penses que tu te sentiras mieux, vas-y, fais une liposuccion.
Si tu préfères une approche naturelle, faire des flexions sur jambes, des pompes et d’autres exercices pour te muscler les fesses et les jambes, fais-le, fais tout pour avoir ce fessier, mais le plus important, c’est de ne pas oublier que les morphologies sont différentes, et ce n’est pas parce que tu ne ressembles pas aux filles et aux mecs des magazines, des blogs de fitness, ou des publicités pour lingerie, etc., que tu es moins sexy.
“Je veux prendre en photo toute personne fière de son corps”
Tu es ton propre maître et tu ne devrais pas laisser les standards érigés par la société te diminuer. J’essaye de véhiculer ce message dans mon travail, mais bien sûr, on me critique souvent, on me dit que je ne prends que ce genre de modèle, ou cet autre genre, que je ne montre pas que ces fesses appartiennent à une femme, et tout le monde n’aime pas enlever ses vêtements devant un photographe.
Moi-même, j’ai du mal à le faire et je ne me fais jamais prendre en photo nue sauf si je connais le photographe personnellement. C’est très intime. Je ne veux pas me contenter d’aller sur des sites pour trouver des mannequins et prendre des filles sexy en photo. Je veux prendre tout le monde, des hommes et des femmes, toute personne fière de son corps.
On a l’habitude de voir des fesses photoshoppées, alors c’est encourageant de voir des “vraies” fesses sur vos photos. Avez-vous fait exprès de conserver cette authenticité ou c’était intrinsèque au projet ?
C’était intrinsèque au projet, absolument. En fait, je n’arrive pas à m’habituer aux appareils numériques, donc comme les photos de mon projet sont prises la plupart du temps avec des appareils jetables aux fonctions très simples, le résultat est beaucoup plus naturel. Personnellement, je n’aime pas la photo numérique, peut-être parce que j’utilise des pellicules depuis que j’ai huit ans, mais oui, c’est juste comme ça… Je garde l’authenticité parce que je suis authentique.
Quel est le lien entre Dat Ass et le reste de votre travail ?
C’est répétitif, si vous l’avez remarqué, c’est un thème récurrent dans tout ce que je fais. La plupart des choses que les humains font sont basées sur la répétition… Ça fonctionne jusqu’à ce que ça ne fonctionne plus, je veux continuer ce projet jusqu’à en avoir fini avec, je vais l’appeler ma “période fesses”. Ha ha, c’est un peu sale dit comme ça.
Vous pouvez acheter le magazine Dat Ass et retrouver l’intégralité du travail de Marilyn Rondón sur son site.
Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois