Assos et syndicats montent un collectif contre l’état d’urgence

Assos et syndicats montent un collectif contre l’état d’urgence

Le collectif Stop état d’urgence, composé de syndicats et d’associations, réclame la liberté de manifester et l’arrêt des poursuites contre des militants.

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Trois mots, un sacerdoce : “Stop état d’urgence”. Différents syndicats et associations ont annoncé mercredi 23 décembre la création d’un collectif pour lutter contre ce régime, exceptionnel par essence, qui dure déjà depuis près d’un mois et demi. Instauré par François Hollande à la suite des attentats du 13 novembre, puis prolongé à trois mois le 20 novembre dernier par l’écrasante majorité des députés et sénateurs, avec l’assentiment massif de la population (plus de 90% des Français étaient favorables à sa prolongation), l’état d’urgence ne fait plus tant l’unanimité –  et ce malgré une angoisse sécuritaire toujours présente dans l’inconscient français, à peine remis du traumatisme de novembre.

Car au fil des semaines, les échos de perquisitions violentes, d’assignations à résidence incompréhensibles et d’interdictions de manifester incohérentes ont retenti dans les médias français. Exemple le plus frappant : l‘interdiction de la marche du 29 novembre pour le climat, à l’ouverture de la COP21, et les débordements qui s’ensuivirent, menant à 289 arrestations.

Selon les chiffres rendus publics le 15 décembre par l’Assemblée nationale, le coût de cinq semaines passées sous les miradors de l’état d’urgence s’élève à 2 764 perquisitions administratives, 339 interpellations, 294 gardes à vues et 422 constats d’infraction. Sur les 58 peines déjà prononcées, seules deux concernaient des motifs liés au terrorisme, précise Le Monde. Pour les acteurs du collectif Stop état d’urgence, pas question de continuer dans cette voie.

Un danger pour les libertés…

Pour annoncer la création du collectif, ses acteurs se sont donc réunis, mercredi, devant les grilles du Conseil constitutionnel. Le projet de réforme de la Constitution, porté par François Hollande dans son discours du 16 novembre au Congrès (députés et sénateurs réunis sous le même toit, à Versailles) et adopté aujourd’hui par le Conseil des ministres, prévoit de constitutionnaliser l’état d’urgence et retient la proposition de déchéance de nationalité pour les binationaux nés français, dans le cas où ceux-ci seraient condamnés pour terrorisme.

Si le texte doit encore être discuté à l’Assemblée à partir du 3 février, cette première étape effraie les associations, qui s’inquiètent d’une mutation dangereuse de la démocratie française. Selon Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du Droit au Logement (DAL) cité par différents médias, “la constitutionnalisation de l’état d’urgence est un danger pour notre démocratie”. Ses craintes? Que la situation soit “utilisée pour bâillonner les mouvements sociaux” et qu’elle “remette en cause les libertés fondamentales”, dont celle de manifester.

…et les musulmans

Pour Yasser Louati, porte-parole du Collectif contre l’islamophobie en France, le danger porte un autre masque, celui de la stigmatisation. Selon lui, durant les deux premières semaines passées sous l’état d’urgence, les perquisitions “n’ont ciblé que des citoyens musulmans”. Une affirmation difficilement vérifiable, qui traduit néanmoins le sentiment d’oppression que peuvent ressentir une partie des musulmans de France dans le climat post-attentats.

Enfin, pour Patrick Henriot, secrétaire national du Syndicat de la magistrature, les inquiétudes sont d’ordre législatif. “Le gouvernement prépare une évolution de la législation extrêmement inquiétante”, explique-t-il, “qui va lui donner des pouvoir encore plus considérables” parmi lesquels “des contrôles d’identité sans qu’ils soient justifiés”. Car si l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution venait à être votée, probablement en février prochain, sa levée “devrait être strictement proportionnée à la situation et à la menace“, d’après Manuel Valls. En d’autres termes, l’urgence pourrait potentiellement devenir la norme.