Trente ans après le désastre nucléaire de Tchernobyl, une application de réalité virtuelle permet de “visiter” la ville fantôme ukrainienne.
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Le 26 avril 1986, le cœur du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, alors en URSS, entre en fusion et provoque l’explosion de toute la structure. Dans les jours qui suivent, un “nuage” invisible d’éléments radioactifs se répand dans l’air européen, contaminant tout sur son passage. À la suite de l’événement, qui sera le premier classé de niveau 7 sur l’échelle internationale des événements nucléaires (INES), 200 000 personnes seront déplacées, dont les 50 000 habitants de Pripyat, ville située à 3 kilomètres de la centrale. L’accident aura des répercussions sanitaires dans toute l’Europe, et si le nombre de cancers de la thyroïde directement liés à la contamination est impossible à évaluer, il varie entre 4 000 (selon l’ONU en 2005) et 90 000 (selon Greenpeace). Depuis trente ans, la zone est totalement déserte.
Si des dizaines de reportages, d’albums photo urbex et de documentaires ont déjà mis en scène cette fameuse “zone interdite” – où, apparemment, la faune se porte plutôt bien –, l’application Chernobyl VR Project, dont le site Polygon a rencontré les créateurs, tire profit des dernières avancées technologiques pour proposer un nouvelle profondeur d’immersion dans l’un des lieux les plus symboliques de la planète. L’appli est développée par Reality 51, branche dédiée à la réalité virtuelle du studio polonais The Farm 51. Elle offre une plongée dans les environs de la centrale, le tout dans une recréation en réalité virtuelle. Une balade, en somme. Mais, évitant l’indécent écueil de faire un jeu d’action calqué sur Fallout, l’équipe de Reality 51 a décidé de sacrifier l’interactivité au profit de l’aspect pédagogique et mémoriel.
Éviter d’en faire une attraction Disneyland
“On a décidé de partir sur quelque chose de sérieux après avoir visité l’Ukraine et constaté à quel point le sujet reste sensible pour beaucoup de gens”, explique Wojciech Pazdur, qui avait 9 ans lors de l’explosion et dont les parents étaient physiciens nucléaires. De l’idée initiale basée sur une visite “agréable” et ludique de la centrale, on passe donc à un projet à mi-chemin entre documentaire et jeu vidéo, un kaléidoscope intrigant de décors reconstitués, de films d’époque incrustés dans le cadre actuel et de témoignages d’ex-locaux, le tout à différents niveaux d’interactivité.
À Tchernobyl plus qu’ailleurs, la liberté de mouvement a ses limites, au point de rendre le voyage parfois inconfortable. Un choix assumé par le créateur de l’application, pour coller le plus possible à la réalité et éviter l’effet Disneyland : “Il faut suivre des consignes, comme par exemple passer au travers de contrôles dédiés, effectuer les mesures de sécurité, de régulation. On ne peut pas s’asseoir, ni manger, ni boire, ni quelques autres trucs”, précise Wojciech Pazdur. Même en réalité virtuelle, on ne visite pas un stigmate béant comme ça.
L’application, disponible sur Oculus, devrait bientôt arriver sur HTC Vive et Playstation VR. Les créateurs se sont engagés à reverser toutes leurs recettes aux associations d’aide aux victimes de la catastrophe de Tchernobyl, qui pourrait devenir l’une des plus grandes fermes solaires du monde. En 2017, Vinci et Bouygues érigeront le nouveau dôme de protection, titanesque, qui mettra le réacteur et ses 190 tonnes d’uranium et de plutonium “sous cloche” pour un siècle, avant son futur démantèlement. Cette fois-ci, l’opération sera entièrement robotisée.