Jacques Toubon, Défenseur des droits : “Il faut une traçabilité des contrôles d’identité”

Jacques Toubon, Défenseur des droits : “Il faut une traçabilité des contrôles d’identité”

Depuis le 23 décembre 2016, les policiers équipés de caméras-piétons sont autorisés par la loi égalité et citoyenneté à filmer leurs interventions. Konbini a rencontré Jacques Toubon, Défenseur des droits, qui s’est exprimé à ce sujet.

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Le 28 février, le ministère de l’Intérieur a publié un communiqué de presse dans lequel il annonce le lancement immédiat du dispositif des caméras-piétons. Il s’agit d’un système qui met en place sur l’épaule ou la poitrine des agents des forces de l’ordre une mini-caméra à déclenchement automatique permettant un enregistrement vidéo et sonore lors des contrôles d’identité. Ce nouveau procédé vise à diminuer la pratique des contrôles au faciès et à garantir le respect des citoyens.

Discutée depuis plusieurs années, l’affaire de la très violente interpellation du jeune Théo semble avoir précipité l’adoption de cette loi, en raison d’un besoin pressant de justice sociale mais aussi après l’abandon de la promesse de François Hollande d’obliger les policiers à fournir un récépissé lors des contrôles d’identité. Actuellement à 2 600, le nombre de ces caméras sera “au moins doublé”. Le communiqué précise également les modalités du dispositif :

“Comme le précisera un décret en cours d’examen par le Conseil d’État, cette expérimentation va se dérouler au sein de certaines zones de sécurité prioritaires, et pour une période maximale d’un an, à l’issue de laquelle les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales remettront au ministre de l’Intérieur un rapport d’évaluation sur l’impact de ces enregistrements systématiques sur le déroulement des interventions.”

La place Beauvau en dit également plus sur les zones concernées par la mesure pour le moment : “Parmi les 23 sites retenus, figurent notamment des ZSP à Paris intra muros, en petite et grande couronnes, ainsi que dans des départements comme la Haute-Garonne ou bien les Alpes -Maritimes.”

Selon le site de la police nationale, les caméras-piétons vont tenter de répondre à une triple motivation : “prévenir les incidents au cours des interventions, constater les infractions et poursuivre leurs auteurs” et “améliorer la formation des policiers”.  

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“Il faut que la confiance remplace la méfiance”

Jacques Toubon occupe le poste de Défenseur des droits depuis 2014. Il s’agit d’une autorité administrative chargée de défendre les droits des citoyens auprès de différentes administrations – particulièrement en ce qui concerne la lutte contre les discriminations ainsi que le respect de la déontologie des activités de sécurité. Les équipes de Konbini l’ont rencontré afin de connaître sa position au sujet de cette nouvelle mise en abyme policière : contrôler les contrôles.

De prime abord, il reconnaît la réalité du contrôle au faciès, qu’il considère problématique :

“Il existe un groupe qui est composé de jeunes hommes noirs, arabes, maghrébins, qui sont beaucoup plus contrôlés que le reste de la population. [Le problème, c’est que ces contrôles] sont, dans un certain nombre de cas minoritaires, discriminatoires, faits en fonction de la personne et non pas en fonction des objectifs de sécurité.”

L’ancien garde des Sceaux justifie également la mise en place des caméras-piétons par une nécessité de regagner la confiance des citoyens et une volonté d’apaisement des relations entre civils et forces de l’ordre :

“Donc notre travail à nous est d’expliquer que l’on peut trouver des solutions pour qu’il y ait moins de contrôles, moins de contrôles discriminatoires et qu’ainsi, il y ait tout simplement plus de paix publique et plus de confiance. Il ne faut jamais oublier que ‘les gardiens de la paix’, ça veut dire quelque chose.

Et il faut donc qu’ils exercent leur métier en respectant toutes ces règles de déontologie. Et pour ça, à mon avis, il faut qu’il y ait ce contrôle des contrôles d’identité. C’est ce que le Défenseur des droits propose depuis des années. Il faut qu’il y ait une traçabilité des contrôles d’identité, ce qui veut dire qu’on puisse savoir, pour chaque contrôle, où il a été fait, quand est-ce qu’il a été fait.”

Pour connaître l’efficacité de la mesure, il faudra patienter jusqu’en mai 2018, date à laquelle les forces de l’ordre devront rendre leurs observations et conclusions au futur ministre de l’Intérieur, afin qu’il prenne la décision de conserver ou non ce système – et, le cas échéant, de l’étendre à d’autres zones géographiques.