Les bureaux d’Amnesty International ont été réquisitionnés par la mairie de Moscou, alors que l’ONG critique vivement et régulièrement la politique du gouvernement.
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La Russie est un de ces pays où il ne fait pas bon travailler pour une ONG. Une bien mauvaise surprise attendait les employés d’Amnesty International à Moscou, lorsqu’ils sont arrivés au boulot le 2 novembre. En lieu et place de la serrure habituelle du local, un nouveau cadenas avec un mot de la mairie : “Ce bâtiment est une propriété de la ville et personne ne peut y entrer sans être accompagné d’un officiel municipal.” En gros, tout le monde dehors.
Les employés n’ont évidemment pas eu le temps de récupérer leur matériel (ordinateurs, archives, etc.) avant la fermeture du local qu’ils occupaient en toute légalité depuis 20 ans. La mairie de Moscou, car c’est à elle qu’était loué directement l’endroit, évoque seulement des “arriérés de loyer” sans donner plus d’informations, une accusation immédiatement contestée par l’ONG, qui a publié sur Twitter les attestations des loyers payés des derniers mois. Ces bureaux étaient les seuls dont l’ONG disposait pour l’ensemble de la Russie.
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Dans un communiqué de presse, John Dalhuisen, directeur de l’ONG de défense des droits de l’homme, a déploré l’incident :
“Nous ne savons pas ce qui a poussé les autorités moscovites à bloquer l’accès à nos bureaux, une surprise malvenue pour laquelle nous n’avons reçu aucun avertissement. Au vu du climat qui règne dans la société civile russe, il y a clairement nombre d’explications plausibles, même s’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions.”
La dure vie d’opposant en Russie
Il est vrai qu’Amnesty International s’est toujours montrée très critique à l’égard du gouvernement russe et de ses agissements. Chaque année, l’ONG publie sur son site officiel un rapport décrivant en détail la situation sociale et politique de chaque pays où ils sont basés, et celui sur la Russie pour la période de 2015/2016 ne mâche pas ses mots.
Il faut dire que le pays est gouverné d’une main de fer par le gouvernement de Vladimir Poutine et que la question des droits de l’homme est loin d’être une priorité. Les ONG sont particulièrement ciblées et sont même l’objet de lois répressives particulières. Parmi les nombreux abus relevés par l’ONG dans son rapport, on peut citer le contrôle direct de l’État sur la presse et Internet, la discrimination étatique à l’égard des LGBT, les interdictions de manifestations ou encore la condamnation de manifestants.
C’est ce dernier point qui, semble-t-il, a mis le feu aux poudres et poussé la mairie moscovite à fermer le local d’Amnesty International. Le 1er novembre, le directeur d’Amnesty Russie, Sergueï Nikitine, avait mis en ligne un texte de soutien à un opposant politique, Ildar Dadin. Ce dernier est actuellement détenu en prison et torturé quotidiennement pour avoir participé à des “manifestations illégales”. Il a tout de même réussi à transmettre une lettre décrivant ses conditions de détention à sa compagne, en l’exhortant à rendre le texte public. M. Nikitine s’est empressé de lui apporter son soutien écrit et de demander sa libération. Le lendemain, le local d’Amnesty Russie était réquisitionné.
De son côté, le gouvernement russe nie toute implication dans l’affaire. Le porte-parole du Kremlin a ainsi déclaré qu’il n’avait “absolument aucune information sur le sujet” tout en ajoutant qu’il entendait parler de tout ça “pour la première fois”. On y croirait presque.