Un bot Twitter traque les avions de dictateurs à l’aéroport de Genève

Un bot Twitter traque les avions de dictateurs à l’aéroport de Genève

Image :

© Paramount Pictures

photo de profil

Par Thibault Prévost

Publié le

Un journaliste suisse à mis un point un programme qui détecte les arrivées et les départs des avions de dictateurs à l’aéroport de Genève.

À voir aussi sur Konbini

Savez-vous combien de délégations de régimes dictatoriaux se posent et décollent chaque année à l’aéroport de Genève ? Réponse : plus que vous ne l’imaginez. Grâce au bot Twitter GVA Dictator Alert, ces mouvements sont désormais précisément traqués, et font apparaître Genève comme un véritable hub de transport aérien pour des dirigeants considérés comme infréquentables dans bon nombre de pays européens. Le bot renseigne sur l’heure d’arrivée ou de départ des appareils, leur modèle et l’identité de leurs propriétaires. Depuis son lancement en avril, GVA Dictator Alert a déjà recensé plus de 60 mouvements d’avions.

Chargement du twitt...

À l’origine du projet, on trouve un journaliste d’investigation suisse, François Pilet. En mars dernier, il signait dans L’Hebdo une enquête sur les largesses accordées par l’aéroport de Genève à Teodoro Obiang, dirigeant autocrate de la Guinée équatoriale, pétro-État dont les avions sont interdits de vol dans l’Union européenne.  Une fois l’enquête publiée, le journaliste a continué de s’intéresser au transit de dictateurs via la ville suisse, qui sert donc de porte d’entrée dérobée à une petite oligarchie dictatoriale.

Crowdsourcing et transparence

Pour quelles activités ? Mystère. Si, comme détaille The Verge, François Pilet admet que certains d’entre eux ont probablement des raisons tout à fait légitimes de visiter la Suisse, d’autres “pourraient tout aussi bien s’y poser pour échapper aux taxes ou blanchir de l’argent”. Traquer leurs allées et venues pourrait alors aider des journalistes désireux de mener l’enquête. En cela, le bot de François Pilet résume parfaitement à quel point le crowdsourcing, intelligemment utilisé, est une arme efficace contre l’opacité de certains milieux.

Les données proviennent d’une communauté d’observateurs amateurs, les “spotters” , des passionnés d’aviation, qui identifient les modèles et interceptent les signaux ADS-B, la “carte grise” d’un appareil, pour alimenter des plateformes comme FlightRadar24. Le programme derrière le bot scanne les antennes de Genève toutes les heures, à la recherche d’un de ces avions sur liste noire. Une fois l’information captée, elle est automatiquement retweetée par le bot. Mais au fait, comment le programme définit-il les dictateurs ? En se basant sur la version 2015 du Democracy Index, édité par l’Intelligence Unit du très sérieux magazine britannique The Economist, qui recense les régimes autoritaires et dictatoriaux du monde entier.

Pour le moment, l’outil recense une vingtaine de pays différents, et vient d’ajouter à sa collection, entre autres, l’Algérie, la Jordanie, le Gabon, l’Angola et la Russie – avec un petit “bienvenue dans la liste, Vlad !” au passage. En plus des avions de ligne, François Pilet récolte les données de jets privés et des yachts, qui utilisent le même type de transpondeur pour s’identifier. Pour le journaliste suisse, interrogé par The Verge, plus qu’un véritable moyen de lutte contre les pratiques financières occultes, ce bot est surtout une façon d’envoyer un message à ces dirigeants : “Chaque fois que la roue avant de leur avion touche le tarmac de Genève, un tweet apparaît pour dire ‘coucou, vous venez d’arriver, et c’est public’.”